Où pourrais-je passer mes vacances? En Égypte, il faut compter trois jours à l'aller et trois jours au retour pour arriver en Égypte: les check-points, les barrages israéliens entre la ville de Gaza et le passage frontière de Rafah entre la bande de Gaza et l'Égypte toujours contrôlé par l'armée israélienne qui ne permet qu'à trois ou quatre bus de voyageurs palestiniens de passer; et puisque ce passage est la seule fenêtre des Gazaouis vers le monde extérieur, il est très difficile de trouver rapidement une place pour voyager, sans oublier l'humiliation quotidienne des voyageurs par les mesures des fouilles israéliennes.
En Cisjordanie: impossible, le passage d'Erez au nord de la bande de Gaza, qui sépare la bande de Gaza de la Cisjordanie, restera le témoin de notre enfermement à nous les Gazaouis: depuis quatre ans, je ne suis allé ni à Jérusalem pour prier, ni à Ramallah pour me promener, pas plus qu'à Bethléem pour y rendre visite à mes amis chrétiens, ni même à Hébron, la ville qui a été la plus proche de Gaza est désormais fermée aux visiteurs gazaouis.
Alors, il me reste la Bande de Gaza; mes amis de Rafah, de Khan Younis, de Beit Hanoun et de Deir al-Balah insistent beaucoup pour que je parte passer quelques jours avec eux mais hélas, même les villes et les villages proches de ma ville, Gaza, sont quasi interdits d'accès à cause des mesures israéliennes et de la politique de punition collective prise contre tout notre peuple.
Pour visiter la bande de Gaza, il y a trois régions: le sud, avec ses deux grandes villes Rafah et Khan Younis, le centre avec des villes comme Deir al-Balah, Nusseirat, et enfin le nord avec Beit Lahiya, Jabaliya et Beit Hanoun. Ces villes et villages gazaouis sont très jolis, avec des paysages naturels et des arbres, mais qui ont beaucoup perdu de leur beauté après les attaques et les destructions israéliennes de tous nos monuments naturels. Le problème est que, pour aller dans chacune des régions de la bande de Gaza, il faut réfléchir mille fois, car les trois check-points israéliens vous attendent, et la fermeture des routes qui relient ces régions à la ville de Gaza est devenue quotidienne. Au nord, il y a un check-point qui sépare Beit Hanoun du reste de la Bande, au centre il y a un autre barrage qui sépare Gaza des villes du centre, et au sud il y a le fameux check-point d'Abou Holi qui sépare les villes de sud du reste de la Bande de Gaza. Le pire est le check-point d'al-Mawassi qui encercle plus de 5.000 villageois de ce village littoral d'al-Mawassi, qui est un beau village où je passais souvent avant l'Intifada.
Voilà un bref aperçu de notre vie quotidienne à Gaza, et comment il faut faire pour se déplacer d'une ville à une autre: attente pendant des heures, voire des jours, humiliations - et vous voudriez que nous passions nos vacances tranquillement à Gaza?
Il ne reste à Gaza que la plage où se rendre afin d'y passer quelques moments agréables, mais ce seul endroit pour les Gazaouis est devenu difficile avec les bombardements, voire les attaques israéliennes jour et nuit contre toutes les villes et les villages de la bande de Gaza, sans oublier le son des avions et des hélicoptères de combat israéliens qui sont tout le temps dans le ciel.
Mes vacances à Gaza se passent souvent dans la ville de Gaza; il faut bien préparer n'importe déplacement dans la Bande, donc je suis obligé de passer mes vacances soit à la maison, soit dans les bibliothèques, ou avec des amis dans les cafés, et même les sorties familiales sont limitées, vu notre situation politique et économique instable.
Cette situation précaire me fait ressouvenir des vacances de mon année universitaire passée à Grenoble en France, et de la vie normale là-bas, avec les voyages, les sorties, l'Europe: j'ai profité de mes vacances en France pour voyager, visiter les villes françaises et les pays européens voisins, en neuf mois j'ai visité presque vingt villes françaises et cinq pays européens - plus de 10.000 kilomètres - et en Palestine, en trois ans, je n'ai pas même fait 100 kilomètres de voyages.
Malgré le processus de paix et malgré tous les accords signés, la Bande de Gaza restera toujours une prison de cauchemar où ses 1,3 millions d'habitants vivent en état de siège, ces habitants qui vivent sur seulement 65% de la superficie de la Bande de Gaza, car le reste est aux mains de moins de 2.000 colons qui confisquent les meilleurs terres, qui occupent le tiers de la bande de Gaza et qui sont protégé par plus de mille soldats israéliens. Les Gazaouis sont enfermés dans une grande cellule infernale, dans un ghetto, et ils sont opprimés pas seulement par l'armée israélienne, mais avant tout par le silence international, voire la complicité de beaucoup de pays qui ferment les yeux devant les violations israéliennes des droits de l'Homme en Palestine.
Mais malgré une autre année de vacances gâchée à Gaza, je garde l'espoir, comme tous les Palestiniens, d'un lendemain meilleur, un lendemain de liberté, de paix, de vacances et de vie.