Les plans qui suivent montrent une communauté indienne qui fait ses adieux au père de l’enfant. L’image idyllique de la famille est bien présente dans le long plan qui rassemble la mère, le père et le fils. Le père monte dans le bus sur toit duquel est accroché un drapeau américain et qui transporte un groupe d’hommes indiens. Un nouveau panoramique sur le désert américain après la scène du bus est suivi en fondu enchaîné par un plan en plongée sur une rivière et un papillon qui survole l’eau pure. Ce plan s’assombrit subitement lorsque une énorme tache de sang souille l’eau. Le travelling découvre un cadavre dans la rivière en même temps qu’une mitraillette en avant-plan qui tire sur des ombres au bord de la rivière. Le plan s’élargit sur le tireur en gros plan : il s’agit de Nicolas Cage, superstar hollywoodienne, en soldat américain. Ce plan, d’environ 34 secondes, fait basculer le film d’une ambiance paradisiaque à l’enfer de la guerre. Il fait la jonction entre la séquence des indiens soumis aux drapeau américain et à ce qu’il représente et le reste du film qui est entièrement un tentative de domination américaine sur les japonais. Il est également en lui-même un lieu de passage à travers le travelling qui transporte le spectateur du papillon et de l’eau courante, objets d’une fascination et symbolisant le calme, la nature, la beauté, au cadavre et à la guerre à travers un de ses représentant – héros, le personnage joué par Nicolas Cage tirant sur l’ennemi japonais. Le travelling devient ainsi porteur de sens, dépassant sa simple apparence de procédé technique en s’investissant d’une mission narrative dès le début du film.
La suite du film confirme cette vision récupératrice et dominatrice : les indiens dans le bus vont s’enrôler dans l’armée américaine pour combattre les japonais durant la seconde guerre mondiale : Il vont utiliser leur langage dans les communications militaires et le transformer en code indéchiffrable. L’intégration est totale et complète, le risque de confrontation entre indiens natifs et blancs réduit à zéro : les blancs dominent, les indiens sont assimilés et mettent l’un de leurs symboles les plus valeureux, leur langue, au service de l’armée américaine. Le plan en contre plongée, précédemment décrit, confirmant la primauté du blanc civilisé sur le natif sauvage qui se retrouve au service de ses « maîtres », sera suivi plus tard par une scène dans la quelle l’indien -père de l’enfant du plan du début- témoignera lui-même de cette supériorité du blanc en déclarant avoir nommé son fils Georges Washington. Il réaffirme l’acceptation par les indiens de leur sort et leur incorporation dans le mode de vie moderne.
La ressemblance, souvent évoqué dans le film, entre les indiens et les japonais, ne peut être comprise que dans cette optique assimilatrice : malgré la prouesse scénaristique qui permet de canaliser cette idée dans la narration, elle indique clairement la nature des rapports entre les deux races : les indiens et les japonais sont les ennemis. Cependant, les indiens sont assujettis, les japonais ne le sont pas encore. Le film et ses procédés visent idéologiquement à soumettre les japonais en se servant de l’exemple indien, exemple représentatif d’une lecture spécifique de l’Histoire.
Le drapeau américain flottant en gros plan dans l’un des derniers plans du film met un point final à cette vision des choses, un écho aux premiers plans du film : la victoire américaine est totale comme l’affirme le titre en surimpression sur l’image du drapeau - Le code Navajo fut vital dans la victoire à Saïpan et dans toute bataille du pacifique- grâce à la collaboration indienne avec les forces armées américaines. Le drapeau, qui dominait l’enfant indien et son père, est à présent filmé frontalement, devant le soleil brillant dans l’arrière plan. L’image de Nicolas Cage courant sur une plateforme se superpose en fondu enchaîné et clôt le film. Mort dans la bataille finale, le héros réapparaît dans ce plan - comme un souvenir rejaillissant à la surface de la mémoire et s’imposant dans présent - grâce au drapeau et au fondu enchaîné qui permettent cette résurrection symbolique. Au-delà d’une explication rationnelle, cette apparition permet une affirmation idéologique qui relie le concept du héros au drapeau et réaffirme la primauté de la race blanche : le héros principal n’est pas le survivant indien mais Joe, le soldat blanc mort pour sauver l’indien et donc sauver le code et permettre la victoire.
Par Elie Yazbek
L’indien apprendra également à combattre. Alors qu’il avait peur des combats au début du film, il deviendra un vrai combattant après la mort de son ami indien tué par Joe (Nicolas Cage) car il était fait prisonnier par les japonais et risquait de dévoiler le code Navajo. L’indien deviendra un vrai soldat américain qui participera activement à la victoire américaine.
En effet, cette ressemblance, souvent évoquée dans le film, sera investie par Nicolas Cage et son protégé indien pour pénétrer un site japonais et utiliser la radio de l’ennemi.