Dans le Projet de Paix Perpétuelle, Kant consacre une partie à l'importance du droit cosmopolitique.

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 Dans le Projet de Paix Perpétuelle, Kant consacre une partie à l’importance du droit cosmopolitique.  Il remarque que les zones habitables de notre planète sont divisées par de nombreux obstacles tels les étendues désertes, les océans.  Or, les moyens de transport, qui, à l’origine, se limitaient au vaisseau ou au chameau, permirent aux hommes d’effectuer un certain rapprochement entre eux et, en vertu du droit inéaliénable que « possède en commun toute l’espèce humaine de jouir de la surface de la terre », se mirent à effectuer des échanges commerciaux.  Grâce à ce droit d’hospitalité et au développement du commerce, les régions, même éloignées finissent par lier des contacts amicaux qui sont ensuite plus précisemment codifiés par des lois publiques.  Les partisans du néo-libéralisme font souvent l’apologie du libre-échange vu comme un moyen de transmettre les valeurs fondamentales de la liberté individuelle en restreignant au maximum les prérogatives étatiques.  Les tenants de ce courant idéologique insistent aussi sur le fait que le libre-échange favorise le développement de relations interpersonnelles qui transcendent le simple lien économique.  De plus, bien souvent, les pratiques capitalistes ont contribué à l’ascension de nouveaux leaders de la classe moyenne qui, dans de nombreux pays ont présenté une alternative viable à des gouvernements militaires.  Dans cette optique, de nombreux pays se sont politiquement ouverts.  En 1975, on dénombrait seulement 42 états qui pouvaient être qualifiés de libres, à savoir dans lesquels les citoyens jouissaient d’une totale liberté civique et politique.  Aujourd’hui, grâce, en partie au développement des échanges commerciaux et à la propagation de valeurs démocratiques, ce nombre s’élève à 85.  Par ailleurs, les partisans du libéralisme voient les échanges commerciaux comme un moyen de promouvoir la paix à l’échelle internationale.  En fait, lorsque des nations sont intégrées dans un espace économique, le coût de l’option-guerre est plus élevé puisque cela implique une cessation immédiate des activités économiques et les dommages seraient majeurs pour les citoyens ainsi que pour l’économie globale des pays concernés.  Cependant, peut-on affirmer que la multiplication des flux commerciaux au niveau international est un moyen viable pour pacifier les sociétés?  Le développement d’un espace économique européen a, après la Seconde Guerre Mondiale, été, entre autres, conçu dans cet esprit et s’avère jusqu’à présent un succès puisqu’une guerre entre certains membres de l’Union Européenne s’avère maintenant fort peu probable.  Cependant, sur le plan mondial, il est nécessaire de relativiser l’impact pacificateur des échanges commerciaux puisque certaines pratiques impérialistes occidentales conduisent à un développement asymétrique du monde, à l’augmentation de la fracture Nord-Sud et, par conséquent, à l’exacerbation de tensions.  

Jean-Jacques Rousseau insistait, dans son Projet de Paix Perpétuelle de l’Abbé de Saint-Pierre, sur le fait que, dans un état, les relations entre les citoyens étaient codifiées par un corpus législatif alors qu’au niveau international, l’état de nature dominait.  Les solutions proposées, pour éviter les guerres, consistent notamment en l’établissement de groupements de pays selon des intérêts communs.  Le principe d’une confédération solide et durable serait de « mettre tous les membres dans une dépendance tellement mutuelle qu’aucun ne soit seul en état de résister à tous les autres. ». Le secret d’une bonne politique réside en l’établissement de bonnes lois, une sage police ainsi que la mise en œuvre de grandes vues économiques.   Or, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le constat était clair : des luttes fratricides avaient de nouveau ensanglanté l’Europe.  De plus, le communisme installé à l’Est était vu comme une menace aux valeurs occidentales.  Afin de promouvoir la reconstruction de l’Europe, les Etats-Unis  consentirent au célèbre Plan Marshall et, le 16 avril 1948, l’Organisation Européenne de Coopération Économique (OECE) est crée.  L’organisation a pour but d’effectuer la répartition de l’argent du plan Marshall entre les différents états bénéficiaires parmi lesquels on compte 22 états européens.  Le but de l’OECE est, sur le plan politique, de promouvoir, conformément aux exigences du plan Marshall, des régimes démocratiques et parlementaires respectueux des droits de l’homme et, au niveau économique, de développer un espace commercial entre pays possèdant une économie ouverte et concurrentielle.  On voit clairement que les valeurs démocratiques sont associées au pluralisme politique ainsi qu’à une économie de marché.  Voyons ainsi comment d’une Europe qui était d’abord exclusivement conçue comme un espace économique libéral on a progressivement atteint, avec le traîté de Maastricht, le stade supérieur, à savoir l’Europe politique avec le délicat volet de la Politique Étrangère de Sécurité Commune (PECS).  

Le Traîté de Rome du 25 mars 1957 a permis l’extension à l’ensemble des activités économiques des dispositions précédemment prises lors de la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier et a officiellement instauré la création de la Communauté Économique Européenne avec 6 pays signataires : France, Allemagne, Italie et Bénélux.  Cette notion de marché européen sera améliorée avec la création de l’Acte Unique puisque trois nouvelles libertés seront effectivement appliquées : libre circulation des marchandises, des services et des capitaux.  Selon la terminologie officielle, l’espace économique européen est désormais devenu « un espace sans frontières intérieures ».    La liberté des personnes ne deviendra réalité, du moins partiellement entre sept pays, avec le Traîté de Schengen en 1997.  Cependant, l’Europe conçue uniquement dans une optique économique ne risque-t-elle pas, selon les propres mots de Jacques Delors, « dériver vers une zone de libre-échange sans âme»?  Il ne faut pas oublier le lien qui avait été originellement fait entre zone d’échange économique et espace de stabilité politique, foyer démocratique et pluraliste.

Franchir le pas de l’économie au politique touche essentiellement au débat entre les partisans du supranationalisme et ceux, plus réservés, qui lui préférent un intergouvernementalisme garant du maintien des souverainetés nationales respectives des états membres.  Au début du développement de la CEE, les décisions devaient, au sein du Conseil des Ministres, principalement être prises à l’unanimité des voix.  Bien souvent l’utilisation du droit de veto national bloquait le processus communautaire.  Or, depuis l’Acte Unique, les domaines où les décisions peuvent être prises à la majorité qualifiée, soit 62 voix, ont été étendus.  Les entraves liées à de fortes réticiences nationales sont de plus en plus marginalisées.  De plus en plus, l’importance du mode de gouvernement supranational en Europe se fait grandissante puisque le contrôle de l’immigration, le droit d’asile  et la politique d’attribution de visas seront des décisions supranationales prises à la majorité qualifiée après 2004.  La citoyenneté européenne impliquant des droits particuliers a été instaurée et, la création de la monnaie commune a, marqué un pas décisif vers l’uniformisation de la réalité européenne.  La création de cette europe économique et politique a-t-elle eu un impact pour la réalisation d’un espace commun de sécurité?

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Il semble évident que, dans le cas européen, le développement d’échanges économiques a eu un impact important en ce qui concerne la pacification des relations inter-étatiques.  La création d’un solide axe franco-allemand en a bien été l’illustration.  Cependant, sur le plan militaire, il n’est pas facile de passer outre certaines réticences nationales.  En 1954, le rejet par la France du Général de Gaulle du projet de la Communauté Européenne de Défense (CED) montre que la guerre avait toutefois laissé quelques sequelles et entraîné une certaine méfiance entre les ex-belligérants.  La France a en effet mis son veto pour bloquer la ...

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