La MIT Sloan School of management de Cambridge, aux Etats-Unis présente en mai 2006 le tableau suivant tiré d’une étude destinée à classifier en 16 catégories les différents business modèles en fonction du types de droits vendus et du types de ressources qu’ils emploient (version française) :
Cependant cette étude ne répond pas aux questions que l’on est en droit des se poser devant se tableau comme par exemple pourquoi ses différences existent-elles, évoluent elles au fil du temps ou comment les entreprises peuvent exploiter ou modifier leurs business modèles afin d’être plus productifs.
Ces différentes approches du business modèles se reposent toutes sur la façon dont l’organisation va gérer ses ressources pour en tirer une valeur pécuniaire ou sociale. Cependant les entreprises se reposant principalement sur des ressources humaines seront elles autant affectées par les avances technologiques et les innovations lancées sur le marché par leurs concurrents ? On peut aussi estimer que les entreprises ayant la pleine propriété sur le type de droit vendu sont plus susceptibles d’investir en recherche et développement. En revanche lors de compagnies fournissant uniquement des droits d’usages ou des droits de mises en relation n’ont pas forcement besoin d’innover pour obtenir un avantage concurrentiel.
2/ La logique d’innovation
2.1/l’innovation
Avant d’aborder les forces et les faiblesses de la logique d’innovation, il est impératif de définir l’innovation, le manuel d'Oslo de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) qui rassemble les « principes directeurs proposés pour le recueil et l'interprétation des données sur l'innovation technologique » propose la définition suivante: « On entend par innovation technologique de produit la mise au point/commercialisation d’un produit plus performant dans le but de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés. Par innovation technologique de procédé, on entend la mise au point/adoption de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou notablement améliorées. Elle peut faire intervenir des changements affectant – séparément ou simultanément – les matériels, les ressources humaines ou les méthodes de travail».
En économie classique il s’agit souvent d’un moyen d’obtenir un avantage concurrentiel sur un marché, dans ce cas il y a deux types d’approches innovantes pour une entreprise :
- Elle peut innover de manière permanente, au travers d’un département de recherche et développement nécessitant la mise en place d’un système de management et de veille stratégique sur le long terme. Pour cela il est nécessaire gérer et de faire circuler, par des moyens informatiques, les informations significatives qui sont acquises par l’entreprise. Ceci comprend le savoir-faire développé par les employés, afin de créer un système de gestion des connaissances intra-entreprise qui débouche sur une optimisation des produits et des services, participant ainsi à augmenter la compétitivité de l’entreprise. L’entreprise doit adopter une strategie de protection de la propriété intellectuelle au sein des pôles de compétitivités pour s’assurer un monopole d’exploitation et conserver ainsi un avantage concurrentiel. Dans le cas d’une stratégie sur le long terme il est important d’optimiser la gestion de la relation client (customer relationship management - CRM en anglais) car une logique d’innovation ouverte permet à l’entreprise d’utiliser les idées de ses clients afin de faire évoluer ses produits. La logique d’innovation permanente par tous les moyens mis à la disposition de l’entreprise a pour but d’être leader d’un marché et de pérenniser cette situation en étant constamment en possession d’avantages concurrentiels protéger par des brevets.
- Elle peut aussi opter pour une innovation ponctuelle, il s’agit de l’évolution ou de la création d’un produit, ou encore d’adopter une nouvelle technologie. Elle est moins couteuse mais mets souvent l’entreprise dans une position de « fast-follower », où l’objectif n’est pas de prendre la tête d’un marché par le biais d’un avantage concurrentiel mais de suivre dans les meilleurs conditions le leader du secteur.
2.2/ Plus qu’un atout, une nécessitée.
L’innovation est, dans beaucoup de domaines, plus qu’un atout mais une nécessitée pour pérenniser l’activité de l’entreprise, comme dans l’informatique, l’électronique grand public, les télécommunications ou encore l’industrie automobile. Ces industries se situent dans une logique d’innovation ou l’obtention d’un avantage concurrentiel dépend souvent du degré de sophistication de leurs produits car ces marchés sont hautement concurrentiels et arrivent à saturation en France comme dans la plupart des pays industrialisés. En effet les entreprises qui se partagent le marché dans ces domaines prospèrent grâce aux produits qu’elles ont commercialisés durant les 5 dernières années.
Être premier sur le marché comporte des avantages non négligeables, cela permet de créer une base de clientèle, une grande partie de ce groupe est composé de clients réguliers avec un grand engagement produit, un ratio élevé d'achat au fil du temps. Dans de nombreux cas, cette clientèle est considérée comme marché cible de l'entreprise, où les comportements des clients sont bien compris par le biais d'études de marché ou de l'expérience passée, cela donne également plus de temps pour travailler sur les produits complémentaires.
Dans certains cas cela peut créer des couts de changement ou couts de commutation, se sont les couts engendrés lors d’un changement de fournisseur, par exemple dans le cas des forfait de téléphonie portable où changer de compagnie en cours d’engagement entraine des couts, on peut y inclure l'effort requis pour informer les amis et les parents au sujet d'un nouveau numéro de téléphone ou encore les coûts liés à apprendre comment employer l'interface d'un nouveau téléphone portable d'une marque différente.
Cela permet de conforter la position de la société sur un marché et de créer des barrières à l’entrée rendant plus délicats l’implantation de concurrents grâce à des obstacles pouvant être d’ordre légal, économique, financier ou technologique.
Dans la plupart des entreprises des secteurs technologiques, l’innovation est un « driver », c’est le développement de nouvelles idées qui permet au marché de prospérer, une innovation majeur donnera à sa société conceptrice un avantage sur le marché, cependant elles sont très vite rattrapées par les « followers », qui s’adaptent à cette nouvelle demande et développent une offre en fonction des nouveaux standards imposés par le marché.
2.3/ Le choix d’investir.
Les secteurs pharmaceutique et biotechnologique renforcent leurs positions en tant que premiers investisseurs en R&D à la fois sur le plan international et qu’à l’intérieur des Etats-Unis, représentant respectivement 18,9 % et 25 % des dépenses. Dans ces domaines l’innovation n’est pas une option, ces entreprises ont besoin d’investir lourdement en R&D pour rester compétitives et ne pas perdre de part de marché. On estime que 95% des projets innovants échoues, certains sont stopper avant même d’être mis sur le marché d’autre ne rencontre pas la demande. Cela crée des coûts d’opportunités, les entreprises n’ayant pas pour objectif de développer des innovations mais de suivre la tendance, pourront ainsi investir plus massivement dans d’autres domaines et on remarque que dans de nombreux domaines les leaders actuels ne sont pas ceux qui ont introduit cette nouvelle technologie sur le marché, et qui ont donc dues assumer les couts de développement de ces innovations. Les « fast followers », ceux qui ont su être les premiers à s’engouffrer dans le nouveau marché créé par les entreprises innovantes.
Comme on peut le voir dans ces exemples, il n’est pas rare qu’après qu’une entreprise innovante ai sortie son produit, un certain nombre de concurrents se soient lancés sur se marché en tant que « fast-follower », ce qui nécessite un moins grand investissement afin de développer un produit similaire à celui proposé par le leader dans un premier temps, et ceci permettant de plus grandes dépenses dans d’autres domaines du marketing mix rendant leur produit plus visible sur le marché.
2.4/ Un avantage concurrentiel
Au niveau mondiale, d’après une étude de la Booz & Company, l'une des plus anciennes firmes de conseil en stratégie fondée en 1914, les entreprises des trois secteurs qui représentent plus de 70 % des investissements R&D dans le monde sont l’automobile, l’informatique et la santé. On peut prendre l’exemple de Toyota, premier investisseur mondial en R&D, qui a prit la tète du marché des véhicules hybrides avec la Prius, le constructeur automobile a investit 7,61 milliards d’euros en 2008. Dans ces secteurs innover est primordial pour prendre des parts de marché et réaliser des bénéfices dans un secteur saturé dans les pays occidentaux. Cependant on ne peut pas dire que se soit le cas dans tous les secteurs, les domaines les moins innovants sont la production de films, vidéo ou musique. En effet dans le domaine de la production ou de la distribution de contenus artistiques, les « boites » de production et les maisons de disque n’investissent pas en recherche et développement, elle s’adapte au marché.
On peut prendre l’exemple de l’apparition du format MP3 permettant de réduire drastiquement la quantité de données nécessaire pour restituer une piste audio, cette technologie à été créée par la « Deutsche Luft und Raumfahrt » terme allemand que l'on peut traduire par « Centre aérospatial allemand », qui est le centre national de recherche sur l'aviation. Mais une fois l’algorithme rendu public, cette innovation a été popularisée durant les années 90-2000 par l’utilisation de logiciels souvent gratuits en téléchargement libre sur internet. L’industrie du disque a mis un certain nombre d’années avant de s’adapter cette innovation, mais le téléchargement en ligne légal à maintenant prit les devants face au support physique traditionnel.
Marché de la musique aux États-Unis en 2008
L’environnement (qu’il soit physique, légal, social et économique) dans lequel évolue une l’entreprise à donc une certaine influence sur ses performances et son comportement, et donc sur son incitation à innover ou pas, ce qui nous amène à aborder le paradigme SCP (structure-comportement-performance).
3/ Le marché impose une logique d’innovation ?
Le modèle Structure-Comportement-Performance a été élaboré par Bain en 1959 pour évaluer la performance des industries aux USA, il a ensuite été adapté à d’autres secteurs d’activités. L’idée étant que la structure d’un marché en détermine son comportement et influe sur ses performances. Le marché dans lequel opère une entreprise a donc une influence sur ses résultats, pour se représenter le phénomène on utilise le plus souvent le degré de concentration de l'offre et de la demande sur le marché, l’organisation du marché en termes de compétitivité, le nombre et la taille des agents et des barrières à l’entrée. Ce modèle implique l'observation de chaque secteur d'activité de l'entreprise :
- Structure : facteurs environnementaux : offre, demande, intensité concurrentielle, existence de barrières à l'entrée, normes et réglementations...
- Comportement : ce que font les entreprises, et la manière dont elles le font (stratégies de positionnement, de prix, de R&D, de distribution...). Cela inclus les pratiques de collusion entre acteurs, les fusions et les acquisitions.
- Performance : fait référence aux résultats des secteurs industriels et des entreprises. Sont en général mesurés en termes de rentabilité, de croissance, d'efficacité, de progrès technique...
Les relations entre ces composantes sont représentées en gras dans le graphique si dessous, cependant pour une analyse plus complète du marché et des interactions entre ces différentes parties il faut faire appel à d’autres instruments d’analyse économique.
Le paradigme SCP présente quelques faiblesses en tant qu’instrument d’analyse du marché et des relations entre les différents agents, car il considère toutes les entreprises comme un tout, un marché uniforme sans prendre en compte les comportements stratégiques de chacun des acteurs. Cette approche considère que c’est nécessairement la structure de l’industrie qui détermine les comportements des entreprises desquels découlent les performances. Si l’on veut mieux évaluer les pressions il faut prendre en compte les autres pressions qu’il existe entre ces différentes composantes, il s’agit des traits en pointillés dans le graphique si dessus.
Dans l’hypothèse où le marché fonctionnerait selon le modèle scp la structure du marché imposerait aux entreprises d’être innovantes pour obtenir un avantage concurrentiel et donc gagner des parts de marché. Dans le cas d’un marché où l’offre serait supérieur à la demande avec une haute intensité concurrentielle, les agents économiques n’auront d’autre choix que d’investir massivement en recherche et développement afin de sortir sur le marché des produits différents de ceux de la concurrence, dans le but d’imposer au marché ses standards et ainsi augmenter ses performances.
4/ Illustrations dans le paysage économique actuel
Apple Inc. est une des entreprises les plus innovantes du moment, que se soit du point de vue des innovations technologiques mais aussi du point de vue du business model, car depuis le lancement de sa plateforme i Tunes en 2001, l’entreprise a développé sa stratégie autour de l’innovation.
De 2001 a 2004 l’entreprise rencontrait des difficultés, les ventes de ses ordinateurs Macintosh baissaient fortement, et donc ses bénéfices, mais Apple continu d investir en Recherche et développement contrairement à beaucoup d’entreprises en difficulté qui auraient tendance à réduire leurs dépenses dans ce domaine. C’est alors que l’entreprise sort le logiciel i Tunes nécessaire pour la gestion de l'iPod qui fera son apparition sur le marché la même année. Malgré le scepticisme de la presse quand aux chances de succès de cette nouvelle plateforme, les maisons de disque l’adoptent, le logiciel étant en fait la seule solution face au téléchargement illégale de musique sur internet. Apple ne vend pas de musique mais propose un portail sécurisé entre les compagnies de l’industrie du disque et les utilisateurs. Avec se logiciel qui est nécessaire pour l utilisation de son baladeur numérique, Apple met en place un écosystème technologique complètement sous son contrôle, contrairement à son principal concurrent, Microsoft, qui essaye d’implanter son système d’exploitation sur un maximum de périphériques, Apple garde son système et ses logiciel pour ses machines. Cette stratégie d intégrations technologique verticale, basée sur ses innovations technologiques développées par le groupe, nécessite de mettre en place un plan à long terme. Apple développe et rachète très vite toutes les technologies nécessaires à la conception de l’iphone, ipad ainsi qu’à la distribution de contenu comme le site Proximity spécialisé dans la vidéo en ligne.
Apple a donc construit son business modèle autour de sa logique d’innovation, tous les produits de la compagnie s’articulent autour de la compatibilité et la complémentarité des différents modules, cet écosystème technologique poussé par l innovation, a permis à la société d’écouler 275 millions d’ipod depuis sa sortie, tous modèles confondus, en faisant le baladeur numérique le plus vendu au monde.
Dans le cas d’entreprises opérants dans les domaines de la prestation de services, on est en droit de se demander si l’innovation joue un rôle aussi important. Prenons l’exemple du marché de l immobilier en France, dans ce secteur la bataille ne se livre pas du point de vue technologique car ce marché s’adapte à son environnement. Les trois « poids lourds » du marché sont Orpi, Century 21 et Laforêt immobilier, ils ont dut s’adapter à de nouvelles technologies comme internet il y a quelques années. Aujourd’hui le nombre d’agences implantées sur le territoire et le nombre de collaborateurs sont des données prises très au sérieux dans ce milieu car le facteur de proximité est devenu primordial. Car aujourd’hui la principale crainte des groupes ne sont pas les éventuelles avancés technologique mais les part de marché gagnés par la vente entre particulier, en effet on estime que 34% des transactions sont réalisées entre particuliers, de plus selon TNS Sofres (institut d'études marketing et d'opinion) , en 2005 36 % des acheteurs français ont entre 24 et 35 ans, une tranche d’âge habituée à utiliser internet et donc plus à même de rechercher son bien sur des sites de vente entre particulier afin d’éviter les frais d agence.
On pourrait imaginer que les sites du type pap.fr ou encore entreparticulier.com sont les nouveaux business modèles des agences immobilières en réaction à la démocratisation d’internet. En fait ces sites proposent des annonces immobilières, certains prennent même en charges les démarches notariales mais ces sites ne sont rien d’autre que des portails de petites annonces dont les revenus proviennent des particuliers désireux de diffuser leurs annonces et de la location d’encarts publicitaires.
On peut donc en déduire que même si les avancées technologiques ont eu une influence sur le marché de l’immobilier en obligeant les groupes à ouvrir des portails internet de plus en plus interactifs, proposant des services de géo-localisation des agences de proximités et simplifiant les recherches de biens, l’innovation n’est pas un « driver » dans cette industrie. Dans l‘immobilier tout comme dans d’autres domaines du secteur tertiaire, principalement chez les entreprises prestataires de services, l’obtention d’un avantage concurrentiel ne passe généralement pas par l’innovation technologique.
Conclusion
Il est donc important de mettre l’innovation, la recherche et développement au centre de son business modèle lorsqu’un entrepreneur souhaite se lancer dans les secteurs technologiques où l’obtention d’un avantage concurrentiel se fait principalement par l’introduction sur le marché d’un produit innovant, l’entreprise imposant ainsi ses standards à ses concurrents. Dans ces industries, les entreprises investissent un grand pourcentage de leur chiffre d’affaires dans la recherche et développement, il s’agit souvent d’une nécessitée si l entreprise veut rester compétitive et pérenniser son activité. Dans ce cas nous avons vue qu’il est aussi primordial de protéger sa propriété industrielle pour éviter que les « fast follower », qui n’ont pas eu des couts de R&D aussi élevés à assumer, ne prennent la tête du marché. Mais cela dépend du domaine dans lequel l’entrepreneur est désireux de s’implanter, dans certain milieux du secteur tertiaire, comme dans l’immobilier, les entreprises n’investissent pas massivement en R&D car il ne s’agit d’un driver dans cette industrie.
Cependant certain services on été rendu possible grâce à l’apparition de nouvelles technologie, il est donc difficile de généraliser, il aurait été nécessaire d’étudier chaque domaines afin d’en tirer des conclusions claires quand à la nature des relations entre avancée technologique et choix du business modèle par l’entrepreneur. On peut estimer que les milieux hautement technologiques sont plus enclins à déterminer leurs business plan en fonction d’une logique d’innovation prédominante dans le marché ciblé.
Cours d’ « innovation mangement », Laure Muselli, Esc Troyes