La célèbre fable de l'âne de Buridan illustre bien le tragique dilemme du choix auquel nous sommes confrontés.

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        La célèbre fable de l’âne de Buridan illustre bien le tragique dilemme du choix auquel nous sommes confrontés.  L’histoire est la suivante : un âne ayant autant faim que soif est placé à égale distance d’une botte de foin et d’un sceau d’eau.  Ne pouvant choisir entre ces deux options, l’âne se laisse mourir.  Pour John Stuart Mill, l’homme diffère essentiellement de l’animal par sa faculté de choisir, de s’affirmer en choisissant et non en étant passivement choisi.  Il avance également que plus le nombre d’options qui s’offrent à un individu est grand, plus il pourra explorer sa liberté d’action et de pensée.  

Il est vrai que dans un régime dictatorial où seul un parti est toléré, l’individu a très peu de marge de manœuvre et sa capacité de choix est inexistante.  Le choix est déjà tout fait.  Par contre, dans une démocratie, une multitude de choix se présentent à nous.  Ces choix, tout comme ceux de notre vie quotidienne sont l’expression de notre liberté mais ne sont pas toujours faciles à appréhender.  Faire un choix revient toujours à négliger une partie de la réalité, à écarter certaines valeurs.  Une question se pose : choix et liberté sont généralement présentés comme complémentaires mais sommes-nous socialement libres de nos choix?  Cela nous amène à considérer le rapport qu’il y a entre société et notre capacité de choisir.  L’avènement de la société a-t-elle marqué une augmentation de notre liberté par rapport à l’état originel de nature?  Dans la société, pouvons-nous tolérer les choix des ennemis de la liberté?  Il serait également intéressant de se pencher sur les arguments des pluralistes au sujet de leur conception du choix.  Comment atteindre un compromis entre les valeurs?  Quelles peuvent être les concessions à faire?  Comment faire la part des choses entre un rejet du monisme et les dangers d’un trop grand relativisme?  L’option existentialiste nous amènera à nous questionner sur le lien entre la liberté et les choix et comment les choix existentiels peuvent définir notre identité, notre être, tout en constituant une responsabilité parfois difficile à assumer.  Finalement,  le problème de la liberté de nos choix est intimement lié aux mécanismes de la justice dans la société.  La justice corrective, pour reprendre la définition d’Aristote, sert-elle à assurer la liberté des choix des citoyens respectueux des lois ou à restreindre les libertés individuelles?  Au niveau politique, nous verrons quelles peuvent être les principes qui semblent le mieux permettre de concilier liberté et tolérance.  

L’état de nature, le stade pré-social, correspondrait, selon certains analystes à un état de nature sauvage caractérisé par les combats, rivalités permanentes.  Hobbes, dans Le Léviathan parle effectivement d’une « guerre de tous contre tous » dans laquelle « l’homme est un loup pour l’homme ».  Il est bien évident que la sélection naturelle est la règle et seuls les plus forts parviennent à avoir la vie sauve.  Les contraintes sociales ne pèsent pas sur les individus puisqu’ils jouissent de leur liberté originelle de manière pleine et entière.  Cependant, la liberté et la possibilité et l’éventail des choix qui en découlent n’appartiennent qu’aux plus forts.  Cependant leur domination n’est jamais assurée et cette remise en question perpétuelle de leur autorité se traduit par des luttes constantes et une grande instabilité.  Hobbes explique la naissance de la société par le choix qu’auraient effectué les hommes qui étaient dans l’état de nature : échanger leur liberté naturelle contre la sécurité.  Pour être assuré de leur propre conservation, de l’intégrité de leur personne, les hommes sont prêts à céder leur liberté à l’État, décrit dans l’ouvrage de Hobbes comme un gigantesque monstre : le Léviathan.  La vie sociale serait donc synonyme d’une restriction de la liberté, donc d’une diminution des choix, des options qui s’offrent à nous dans l’état de nature.  Cependant, cette limitation de notre liberté serait la résultante d’un choix originel puisque la sécurité était alors vue comme préférable à la peur, à l’inceritude, la violence.

Plaçons nous maintenant dans les sociétés démocratiques telles que nous les connaissons en Occident.  Le principe en est différent : les lois assurent non la domination mais la liberté populaire.  Selon les principes de base du libéralisme, le peuple est souverain et délègue son autorité et son pouvoir à des représentants qui doivent évidemment être dignes de cette confiance.  Rousseau l’affirme d’ailleurs : « Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ».  Les lois forment en effet une barrière protectrice entre les citoyens et les gouvernants puisque ces deux entités doivent l’obéissance aux mêmes lois.  Celles-ci évitent au peuple d’être soumis à une tyrannie  injuste, à un despotisme, qui serait d’ailleurs l’expression d’une restriction illégitme de la liberté des membres de la communauté.  Cependant si les lois constituent la base d’une liberté sociale, la question du choix se pose : sommes-nous libres de choisir l’obéissance aux lois?  Nous pourrions ici citer la célèbre phrase du révolutionnaire français, Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».  La liberté peut-elle apparaître comme un instrument, un prétexte, un idéal dans les mains des législateurs pour réduire, canaliser et conditionner les choix politiques?  Cele nous amène à considérer les principes de Rousseau concernant la liberté sociale.  Selon lui, pour que la liberté sociale des membres soit respectée, la condition sine qua non  est que tous les citoyens, sans exceptions se plient aux exigences légales.  Un récalcitrant qui choisirait de désobéir aux lois se ferait rappeler à l’ordre puisque le bon fonctionnement de la société en dépend.  Cela illustre le pouvoir de tous contre un qui est caractéristique des régimes démocratiques.  Or, nous pouvons nous poser la question : À quel titre pouvons-nous limiter les choix de certains?  En vertu de quoi?  On s’aperçoit que l’Idéal de liberté démocratique est ce qui conduit à la limitation sociale de nos choix.  Cependant, de telles mesures, en assurant l’égalité des citoyens devant la loi, leur liberté est assurée dans le sens où ils ne sont pas injustement soumis au despotisme, le peuple étant démocratiquement souverain.  Pourtant, voyons, quelles sont les implications, en général, de la quête et de la promotion d’un Idéal et en quoi cela peut aliéner la diversité des choix qui s’offrent à nous.

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        Selon les pluralistes, chacun d’entre nous est confronté à la multiplicité des valeurs.  Ces valeurs peuvent être en conflit les unes avec les autres.  On pense ici au principe d’incompatibilité développé par Isaiah Berlin.  Les nombreuses valeurs qui nous entourent ne peuvent pas toutes être combinées ou se réaliser simultanément.  En effet, bien qu’on puisse faire des compromis, les valeurs incompatibles ne peuvent, simultanément,  se réaliser pleinement et parfaitement.  Comment pourrait-on vouloir, à la fois, une liberté absolue et une égalité parfaite?  Ces deux valeurs sont incompatibles puisque plus la liberté est grande et plus le contrôle des forts ...

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