LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DU NEUTRALISME

Rappelons nous, tout d’abord, le principe kantien de la morale  : fais en sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en valeur universelle.  L’énoncé d’un tel principe sous-entend l’universalisation des valeurs considérées comme raisonnables, morales, justes et bonnes.  La philosophie du neutralisme tire, de la philosophie kantienne, cette priorité qui doit être accordée au droit, droit qui, au niveau politique par exemple, doit être appliqué de manière neutre pour tous les citoyens.  Le but d’une telle manœuvre est de fournir un cadre politico-légal équitable pour tous, sans distinctions.  Nous nous proposons donc d’analyser le cadre théorique du neutralisme à travers ses diverses approches utilitariste, formaliste, contractualistes et marxistes analytique ainsi que de voir quelles peuvent être leurs limites respectives.

        Le droit est vu comme une procédure qui tire son origine de la Raison et qui contraint les citoyens à suivre une procédure codifiée bien particulière.  Cela implique une imbrication cohérente, unifiée de principes devant réguler les différentes sphères de l’activité humaine.  Il est important que les principes du droit puissent être appliqués en dépit des préférences de chacun.  La neutralité doit caractériser le corpus juridico-légal.  Larry Siedentop fait la distinction entre la tradition anglaise d’analyse et la tradition française.  Il remarque que les anglais ont plus pour but d’atteindre, dans les sciences humaines, la même objectivité que dans les sciences naturelles.  La tradition française se détache cependant de cette vision puisqu’elle reconnaît qu’il est difficile de formaliser les sciences humaines de la même manière que les sciences exactes étant donné que place doit être laissée au doûte, à l’imprécision.  On note que le contexte socio-politique est, par exemple important  dans la compréhension d’un phénomène.  Ce facteur élargit la sphère d’analyse et laisse place à diverses interprétations.  Cependant, avant de polémiquer sur le bien fondé du neutralisme, analysons les diverses tendances qui prôné ce principe.

        L’utilitarisme, tout d’abord, correspond à une vision conséquentaliste du droit.  On entend par là que le droit doit toujours être orienté vers un but, but qui peut être la recherche du bonheur ou de l’utilité.  L’anglais J. Bentham a défendu cette vision politique basée sur la maximisation de l’utilité pour la majorité.  Une telle théorie n’est pas sans soulever quelques questions : si une action apporte le bonheur à la majorité, cela peut-il légitimer l’oppression d’une minorité?  Le danger est bien présent puisque si l’oppression d’un minorité procure satisfaction à la majorité populaire, il en résulte effectivement un bonheur globalement plus grand pour la majorité.  Une telle vision omet le caractère distinctif de l’individu et peut laisser la porte ouverte à bien des abus.  Une autre version de l’utilitarisme a été proposée par Kymlicka : il s’agit d’un utilitarisme non purement conséquentialiste.  Le but visé est la maximisation de l’utilité qui ne doit cependant pas se faire aux dépens du respect des intérêts de chacun.  On aboutit ainsi à une agrégation des intérêts en donnant une considération égale à tous.  

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        L’approche kantienne rejette la version conséquentialiste du droit pour privilégier une approche formaliste.  En effet, le concept transcendantal du droit public chez Kant établit un accord entre la morale et la politique.  Un individu qui entreprendrait une action en considérant le but visé opterait pour une méthode pragmatique, condamnable selon les lois de la morale.  Prenons comme exemple la vision de Rawls et sa théorie de la Justice.  Il affirme que le but du droit est de fonctionner de manière la plus objective possible à une échelle universelle.  Or, comment arriver à une telle perfection dans le domaine du droit? ...

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