Pourquoi Kant pense-t-il ne pas pouvoir démontrer que l'agent humain est vraiment libre? Devant cette impossibilité, à quelle autre démonstration Kant se livre-t-il afin de montrer que la loi morale s'applique à l'ê
ÉTHIQUE ET POLITIQUE: PREMIER TRAVAIL
PHI 1430
Travail sur Kant et Mill
Présenté à
M. Daniel Weinstock
Université de Montréal Tacheji, Marc-James
Le mercredi 10 mars 2004
ère section
2) Pourquoi Kant pense-t-il ne pas pouvoir démontrer que l'agent humain est vraiment libre? Devant cette impossibilité, à quelle autre démonstration Kant se livre-t-il afin de montrer que la loi morale s'applique à l'être humain?
Kant débute la troisième section de sa métaphysique en nous expliquant brièvement ce qu'est la liberté. Tout être raisonnable est doté d'une volonté. La liberté est une propriété de celle-ci. Les êtres qui ne sont pas dotés de raison (les animaux, par exemple) répondent à des nécessités naturelles, mais ne sont pas libres comme on l'entend pour les être humains (et les autres êtres raisonnables). Kant explique ensuite que même la liberté est assujettie à des lois (bien sûr il ne s'agit pas des lois naturelles). Pour que la liberté soit raisonnable et puisse valoir pour tous, celle-ci doit être soumise à des règles immuables. Si Kant n'arrive pas à démontrer que l'agent humain est vraiment libre, c'est parce que la liberté ne s'offre pas à la raison pure pratique. Comme l'être humain devrait être étudié par les sens, on ne peut pas savoir à priori qu'on est libre. On voit un mur, on le sent, on sait qu'il est là, mais nos sens sont incapables de nous faire connaître qu'on est libre.
Devant cette impossibilité, Kant se livre à une nouvelle démonstration pour prouver que la loi morale s'applique à l'être humain. Il explique que la liberté devrait être supposée comme étant une propriété de la volonté de tout être raisonnable, que ce fait ne peut pas être démenti et qu'elle devrait être assujettie à des lois morales. On en vient à conclure qu' " une volonté libre et une volonté soumise à des lois morales sont donc une seule et même chose ".1 Tout être raisonnable est doté d'une volonté et donc de liberté. Ceci veut dire que l'homme est un être autonome puisqu'il agit selon son jugement. Pour Kant, il y a une importante différenciation entre la raison pure et celle pratique. Quelque chose peut très bien être théoriquement vraie sans pour autant être praticable. Par exemple : si nous n'étions pas libres, nous serions donc prédéterminés. La prédétermination peut être une thèse théorique, mais, pratiquement, un être raisonnable qui abandonne sa liberté et sa volonté dans l'attente que des éléments extérieurs, des impulsions (nécessités naturelles), le stimulent et le font agir finira probablement ses jours, affamé, assoiffé et couché dans ses propres défécations. C'est ainsi que l'on peut constater que, pratiquement, raison, moralité, volonté, liberté et autonomie sont tous inter reliés. Agir sous l'Idée de la liberté revient au même, qu'être libre.
Kant enchaîne en disant que nous appartenons tous au monde sensible et que nous ne connaissons que ce qui est connu par nos sens. Ainsi, nous ne voyons jamais les choses en soi, mais plutôt des phénomènes. Nous pouvons connaître les choses en soi grâce à notre raison. C'est cette faculté qui nous fait appartenir au monde intelligible. C'est grâce à notre raison et seulement dans le monde intelligible que nous pouvons nommer notre causalité : " volonté ". Il demeure un problème : nous faisons parti des deux mondes. Si nous étions des êtres parfaitement intelligibles, nos ...
This is a preview of the whole essay
Kant enchaîne en disant que nous appartenons tous au monde sensible et que nous ne connaissons que ce qui est connu par nos sens. Ainsi, nous ne voyons jamais les choses en soi, mais plutôt des phénomènes. Nous pouvons connaître les choses en soi grâce à notre raison. C'est cette faculté qui nous fait appartenir au monde intelligible. C'est grâce à notre raison et seulement dans le monde intelligible que nous pouvons nommer notre causalité : " volonté ". Il demeure un problème : nous faisons parti des deux mondes. Si nous étions des êtres parfaitement intelligibles, nos actions seraient donc parfaitement conformes à l'autonomie de note volonté pure. Si nous étions des êtres non-raisonnables, nous suivrions simplement la loi naturelle (nos désirs, nos inclinations).2 Comment un être faisant parti des deux mondes doit-il agir ? Nous devons considérer les lois du monde intelligible, donc les impératifs catégoriques, comme des actions à poser dans le monde sensible : des devoirs.3
C'est donc ainsi, grâce à l'argument des deux mondes (sensibles et intelligibles), du fait que tout être raisonnable en fait parti et en présupposant l'Idée de liberté que Kant prouve que la loi morale s'applique à l'être humain.
2e section
) Comment Mill défend-il l'utilitarisme contre l'accusation selon laquelle cette théorie serait basée sur une vision réductrice de la nature humaine?
Bentham, l'un des pères de l'utilitarisme, avait une vision très orthodoxe de cette doctrine. Sa phrase " Pushpin is as good as poetry " suscita une vague de questions et de critiques. Il incomba à John Stuart Mill, fils de son collaborateur James Mill, d' "humaniser " la thèse utilitariste et de porter une réponse à toutes les questions qui ont été montées contre cette doctrine. Mill défend l'utilitarisme contre l'accusation selon laquelle cette théorie serait basée sur une vision réductrice de la nature humaine; son argument est que cette doctrine appliquée à l'être humain doit tenir compte des divers types de plaisir dont l'être humain est capable. Il pose donc la thèse des plaisirs supérieurs : ceux de l'intellect. Mill explique que plusieurs tendent à croire que, dans la doctrine utilitariste, on peut désirer " des choses basses et viles " si elles provoquent notre plaisir. Les Épicuriens avaient ainsi été attaqués puisqu'on disait d'eux qu'ils étaient comme des porcs. Mill réfute cette idée ainsi : " Si le rapprochement que l'on fait entre la vie épicurienne et celle des bêtes donne le sentiment d'une dégradation, c'est précisément parce que les plaisirs d'une bête ne répondent pas aux conceptions qu'un être humain se fait du bonheur ".4 Différents plaisirs ont de différentes valeurs. L'être humain ne prend pas plaisir à assouvir sa faim comme un porc. Nous sommes dotés d'intelligence, de passions, de désirs et d'émotions et c'est pourquoi il est nécessaire de qualifier les plaisirs, voir lesquels sont plus précieux. C'est ici que pour la première fois Mill incorpore l'idée de " juge compétent ", soit quelqu'un qui a vécu les deux types de plaisirs (intellectuels et corporels) et qui est donc capable de juger lesquels sont meilleurs. Les plaisirs intellectuels, puisqu'ils font appels à nos sens supérieurs (la pensée, la raison, etc.) sont clairement des plaisirs d'un plus haut niveau. " ... aucun être humain intelligent ne consentirait à être un imbécile, aucun homme instruit à être un ignorant ... "5. De plus, les plaisirs ne devraient pas être uniquement quantifiés puisque la qualité importe beaucoup plus. Par la suite, pour distinguer les notions de bonheur et de satisfaction, Mill prend l'exemple d'un homme dont les facultés intellectuelles sont moindres. Celui-ci sera plus facilement satisfait par ses connaissances puisqu'il ne remarque pas les imperfections dans le monde. L'homme qui est plus intelligent saura que le bonheur qu'il vise est, malheureusement, un bonheur imparfait, puisqu'il connaît les imperfections du monde qui l'entoure, mais celles-ci ne le dérangent pas tant qu'elles sont supportables. " Il vaut mieux être Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait "6
Pourquoi est-ce que parfois, les hommes choisissent les plaisirs plus vils au lieu de ceux qui sont clairement supérieurs ? À cette question, Mill explique que l'esprit humain est comme une plante. Nous disons " l'appétit vient en mangeant " et cette même idée s'applique à notre entendement. Un homme qui n'exerce pas assez son appétit pour des plaisirs d'ordre supérieur viendra à se contenter de plaisirs moins précieux. Éventuellement il ne cherchera plus les plaisirs intellectuels. Mill dit que c'est à la société qu'il incombe de toujours favoriser le développement des facultés intellectuelles de la jeunesse pour que ceux-ci mettent, par la suite, les efforts nécessaires pour atteindre les plaisirs précieux. Parce qu'évidemment, il faut parfois faire des efforts désagréables pour parvenir aux plaisirs agréables. Est-ce que celui-ci en vaut la peine ou sinon, comment faire pour trancher entre deux plaisirs ? C'est à nouveau aux juges compétents que doit être posée la question. " Il faut tenir pour définitif le jugement des hommes qui sont qualifiés par la connaissance qu'ils ont de l'un et de l'autre (en parlant de deux plaisirs) ".7 La seule façon de savoir laquelle de deux douleurs fait le plus mal ou lequel de deux plaisirs crée le plus de bonheur, c'est en l'ayant vécu. C'est ce qu'un juge compétent pourrait expliquer.
Pour en revenir à l'idée fondamentale, l'utilitarisme n'est pas fondé sur une vision réductrice de l'être humain. Nos plaisirs ne sont pas causés par les mêmes éléments que ceux des animaux et il y a une grande différence entre bonheur et satisfaction. De plus, les plaisirs, tout comme les malheurs, ne sont pas homogènes entre eux et certains sont supérieurs, plus précieux, à d'autres. Il revient au juge compétent de savoir lesquels sont plus désirables.
3e section
) Décrivez une situation concrète de choix moral dans laquelle Kant et Mill ne seraient pas d'accord quant à la nature de notre obligation morale ?
Lorsqu'une question se pose sur la nature de nos obligations morales, il y a 2 grandes façons de voir les choses : selon le point de vue Kantiste ou Utilitariste. Pour Kant, comme nous l'avons vu, notre choix moral repose sur une volonté bonne. Celle-ci doit se soumettre à des impératifs catégoriques et l'être humain doit toujours être perçu comme une fin et non un moyen. Quant à l'utilitarisme de Mill, nous avons vu que les conséquences de nos actions sont beaucoup plus importantes que le sujet. Il faut faire ce qui est meilleur pour le plus grand nombre ; meilleur signifiant " qui provoque le plaisir ou l'absence de douleur ". Une situation concrète, intéressante et récente dans laquelle nous pouvons comparer les idées de Kant et celles de Mill est la guerre en Irak.
Le colonialisme du 19e siècle suivait la doctrine utilitariste. Envahir les pays sous-développés, c'était les aider à faire mûrir leur économie et à les rendre civilisés. Plus tard, ceci a mené à des guerres entre les grands empires et, éventuellement, à deux guerres mondiales. Après la deuxième guerre mondiale, la politique internationale est devenue beaucoup plus kantienne. On inscrit à la charte de l'ONU que tous les pays, peu importe leur puissance militaire ou économique, devront être traités comme égaux et il devient strictement interdit d'envahir ou d'attaquer un pays avant d'avoir préalablement été attaqué par celui-ci.8 La bonne volonté prime entre nations. L'ONU envoie des soldats de tous les pays signataires pour intervenir lors de la guerre du Golf et dans les Balkans et encore, même l'intervention en Aghanistan est justifiable puisque les Etats-Unis ont été victimes d'attentats terroristes provenant de ce pays. Malheureusement, la guerre en Irak et le concept de " guerre préventive " est une perversion complète de la doctrine kantienne.
L'Irak, sous le régime du dictateur Saddam Hussein, a été envahi sous des prétextes forts probablement mensongers et qui, du moins, n'ont pas été reconnus comme " causes suffisantes " pour les Nations Unies. L'idée d'AMD (armes de destructions massives) a été sérieusement considérée et des professionnels ont été envoyés en Irak pour vérifier s'il y avait bien une menace, mais aucune preuve n'a été décelée pour provoquer l'envahissement du pays. Les Américains ont envahi l'Irak malgré les objections de l'ONU et les manifestations populaires. Puisque, même après la guerre, aucunes armes de destructions massives n'ont été trouvées, la guerre (d'un point de vue kantien) est moralement injustifiable. D'un point de vue utilitariste par contre, cette guerre n'était peut-être pas une mauvaise idée puisqu'elle pourrait mener à une démocratisation de tout le Moyen-Orient et peut-être même de l'Extrême-Orient. Des penseurs tel Stanley Kurtz prônent un retour à l'impérialisme du 19e siècle en se fondant sur les doctrines utilitaristes de James et John Stuart Mill, mais aussi celle de Burke. " Far more than America's post-World War II occupation of Japan, the British experience in India may be the key precedent for bringing democracy to an undemocratic and non-Western land like Iraq".9 Mais aucun auteur américain ne veut tout de suite s'aventurer et assigner à son pays le titre d'Empire.
Étant donné que l'impérialisme vise le bonheur d'un plus grand nombre en enseignant la démocratie à des pays sous-développés et en apportant de l'argent et des ressources au pays conquérant, Mill serait sûrement d'accord avec l'invasion de l'Irak, même si cette attaque n'était pas justifiée. C'est la conséquence de nos actions qui compte et le fait que les Etats-Unis soient allés contre la volonté internationale n'est qu'un détail insignifiant puisque les conséquences sur le monde arabe seront considérablement bonnes. D'un point de vue kantien maintenant, la guerre est injustifiable. Le mensonge étant banni par l'impératif catégorique, les Etats-Unis n'avaient pas le droit d'envahir l'Irak sans preuves considérables. De plus, puisque tous doivent être considérés comme fins et non comme moyens, les Américains n'ont pas le droit d'utiliser les ressources (pétrolières) du pays conquit. Nous pouvons même aller jusqu'à dire que l'intervention en Aghanistan était un moyen de s'infiltrer par la suite dans le centre du monde arabe. J'avance cette hypothèse puisque l'auteur des attentats terroristes du 11 septembre, Oussama Ben Laden n'a jamais été trouvé et même oublié par les médias américains. Finalement, la loi morale kantienne nous oblige de voir notre prochain comme notre égal. Appliqué à la société internationale, cette idée rend l'impérialisme impraticable, voir même impensable.
L'impérialisme est donc un choix moral dans lequel Kant et Mill seraient en désaccord. Pour Kant, cette doctrine est impensable puisqu'elle ne respecte ni l'impératif catégorique ni la liberté morale. De plus, l'intervention en Irak est allée contre la volonté internationale et a brimé un contrat. Par contre, dans le cas de Mill qui a succédé à son père au poste de " chief examiner " au 19e siècle dans la " British East India Company " et qui était un fervent libérale, l'intervention en Irak serait justifiée par les bonnes conséquences qu'elle entraînerait.
Fondation Introduction à la Métaphysique des mœurs 1, KANT, GF - Flammarion, Paris. 1994. p.132
2 Fondation Introduction à la Métaphysique des mœurs 1, KANT, GF - Flammarion, Paris. 1994. p.132
3 Ibid
4 L'utIlitarisme, MILL, Flammarion, Paris, 1988. p.50
5 L'utIlitarisme, MILL, Flammarion, Paris, 1988. p.52
6 L'utIlitarisme, MILL, Flammarion, Paris, 1988. p.54
7 L'utIlitarisme, MILL, Flammarion, Paris, 1988. p.56
8 http://www.prospect.org/print-friendly/print/V14/6/judis-j.html
9 http://www.policyreview.org/apr03/kurtz.html
8