Rousseau, dans l'essai sur l'origine des langues nous interpelle sur la question d'autrui : « Comment souffrirais-je en voyant souffrir un autre si je ne sais pas même qu'il souffre?

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Rousseau, dans l’essai sur l’origine des langues nous interpelle sur la question d’autrui : « Comment souffrirais-je en voyant souffrir un autre si je ne sais pas même qu’il souffre? »  La connaissance d’autrui s’impose comme un de nos premiers devoirs.  Cependant une telle mission n’est pas sans comporter de multiples problèmes et contradictions.  En effet, comment pourrais-je connaître autrui en accédant à son intériorité, monde complexe comportant des significations qui lui sont propres.   La philosophie contemporaine est principalement axée sur l’autre avec les contradictions, dilemmes que cela implique.   La rupture avec la tradition cartésienne du cogito où le sujet, seul, s’implique dans la quête du Vrai, est consommée.  Le rapport à autrui s’impose alors comme exigence de base de la recherche de la Vérité.  L’intersujectivité, dans la philosophie existentielle permet d’aller au-delà du domaine des croyances personnelles pour atteindre l’extériorité du monde, vision du monde qui se trouve par là même enrichie.  Le langage, dans cette conception, joue un rôle majeur puisqu’il permet la communication, nous assure l’accès à d’autres sphères de sens et, de manière réciproque, notre propre univers s’en trouve modifié par l’acquisition de multiples nouvelles dimensions.  Merleau-Ponty, dans la Phénoménologie de la Perception insiste notamment sur le fait que nous ne pouvons percevoir autrui que comme comportement.  Je ne peux en effet percevoir le deuil, la souffrance, la joie d’autrui de la même manière que lui.  Pour lui, ce sont des situations vécues.  Pour moi, ce ne sont que des situations « apprésentées » car c’est par l’intermédiaire de la subjectivité que nous projetons, chacun d’entre nous, un monde « unique ».  Nous nous proposons donc d’analyser en quoi des penseurs comme Merleau-Ponty, Sartre et Lévinas envisagent la conscience, la corporalité, la communication, le rôle du langage et, bien entendu, le rapport à autrui qui aura une importance majeure dans la philosophie de Lévinas puisque la pensée de l’altérité nous amènera sur des questions fondamentales de respect, d’éthique, de liberté, d’intersubjectivité.

        La phrase clé de Sartre, « l’existence précède l’essence » montre bien la volonté d’enracinement de la conscience dans une perspective existentielle dans le cadre d’un existentialisme athée.  La conscience est ainsi vue comme une perception puisque, si l’on se réfère aux principes d’Husserl, « Toute conscience est conscience de quelque chose ».  La conscience n’existe qu’en vertu de son rapport à autre chose qu’elle-même.  Cette conception de la conscience comme intentionnalité permet d’échapper à nos banales déterminations.  La conséquence en est la liberté, une liberté totale qui s’avère d’ailleurs être un lourd fardeau puisqu’il ne s’agit pas là d’un choix mais d’une liberté obligée.  L’homme est tout d’abord vu comme un projet et ses décisions ne correspondront donc, plus fondamentalement, qu’à la manifestation d’un choix originel, d’une liberté.  Sartre nous dit effectivement que « nous sommes condamnés à être libres. » Une responsabilité majeure nous incombe et nous nous devons de l’assumer.   Après ces brèves considérations, penchons nous plus particulièrement sur la question d’autrui dans la philosophie sartrienne.  Dans l’Être et le Néant, Sartre mentionne qu’autrui est d’abord l’être pour je suis objet.  Autrui me choisit donc par son regard, regard qui se présente comme une expérience éprouvante.  Ce conflit premier est cependant bénéfique puisque « dans l’épreuve du regard, en m’éprouvant comme objectité non révélée, j’éprouve directement et avec mon être l’insaisissable subjectivité d’autrui. »   C’est de cette manière que la philosophie sartrienne envisage le rapport avec l’autre.  Merleau-Ponty dans La Phénoménologie de la Perception ajoute le fait que, si le regard objectivant de l’autre s’avère si pénible, c’est parce qu’il remplace une communication potentielle.  Cela nous amène au point majeur du langage, de son opacité et du problème de la communication.

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        La pensée de Merleau-Ponty s’avère plus concrète, plus directement enracinée dans l’expérience vécue que celle de Sartre.  Il affirme en effet la primauté de l’expérience et l’oppose à la science, qui, selon lui, ne pourra jamais posséder le même sens que le monde perçu car elle en est une détermination ou alors une explication.  Par ailleurs, le philosophe reconnaît la nécessité d’octroyer une place à la corporalité puisque la conscience est vue comme dérivant directement de notre corps.  La conscience n’est donc plus suspendue car l’être humain est avant tout centré sur son corps, sur une expérience vivante.  On ...

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