B. article de D. Jacobi Savoirs formels et apprentissages implicites
in Revue Recherche en communication, n°16, Interfaces sémiotiques et cognition.
7. Les nouveaux médias (Internet) et leurs risques
A. Internet et les jeunes
Présentation du Powerpoint de conclusion de l’enquête « les jeunes et Internet ». (bogues2002VFinal Hourti#098.ppt) et conclusions belges dans le Powerpoint « présentation TDS).
- La synthèse des entretiens
- Les jeunes disent oui à l’Internet
Les jeunes présentent, dans l'ensemble, une vision unanimement positive d'Internet. Ils n’ont pas peur d’Internet. Celui-ci est généralement identifié sereinement au progrès, à l’avenir et à la liberté. Les différences interviennent dans la prise en compte et l'évaluation des aspects problématiques. Ces derniers, lorsqu’ils sont évoqués ou suscités par l’entretien, sont d’ordres divergents et de grandes différences de perspicacité apparaissent d’un jeune à l’autre. Fait curieux, Internet est plus souvent comparé par les jeunes à de la communication vis-à-vis, même s’ils repèrent des différences, des autres médias. Peut-être est-ce là une réponse à un discours médiatique publicitaire qui tend à présenter Internet comme un véritable moyen de rencontre.
Lorsqu’il leur est demandé de caractériser et de mettre en perspective Internet par rapport à d’autres médias, les jeunes mettent en avant l’idée de liberté. Liberté de choix face à des possibilités démultipliées, liberté d’être ou de devenir acteur de ses choix ainsi que de sa programmation. La rapidité, la fiabilité et la sécurité sont des arguments qui sont moins évoqués. Faut-il s’en étonner si l’on se souvient que l’adolescence est une étape de vie dans laquelle la liberté est souvent revendiquée.
Le jugement des jeunes sur Internet, même s’il ne nie pas la dimension divertissante de celui-ci, reste majoritairement justifié par des considérations utilitaires, centrées sur l’information, le savoir et la communication lointaine. Aucun jeune n’insiste sur la possibilité de s’éclater sur Internet ni ne décrit des pratiques véritablement jubilatoires, carnavalesques ou impertinentes.
Même si peu de jeunes envisagent Internet sous un angle problématique, du moins tant qu’ils n’y sont pas invités, pratiquement tous manifestent l’opinion que chacun devra avoir accès à Internet. Ils voient Internet comme un nouveau besoin universel de base.
En dépit des aspirations de liberté, l'exploration déclarée d'Internet reste, somme toute, prudente et progressive. Les sites que les jeunes décrivent sont volontiers revisités et « collent » de près à leur monde économique et culturel. L’ouverture des jeunes au monde semble plus appartenir à une revendication de principe qu’à une véritable attitude curieuse et exploratrice. Dans la métaphore de la navigation chère aux internautes, les jeunes se laissent voir, à travers les entretiens, davantage comme des caboteurs que comme des marins d’horizons lointains. Cette attitude, à première vue décevante, peut aussi être interprétée comme une sorte d’auto éducation aux médias, consistant à observer ce que l’on connaît déjà à travers sa représentation véhiculée par une nouvelle technologie, afin de saisir l’apport spécifique de cette nouvelle technologie. Une attitude analogue apparaît chez les jeunes qui expérimentent le courrier électronique ou le « chat » en échangeant des messages avec leurs camarades de classe. Une telle méthode serait un moyen de se préparer à affronter l’inconnu en explorant préalablement le connu.
- Une confirmation, mais avec des précisions des usages déclarés dans l’enquête quantitative
Dans les grandes lignes, les entretiens confirment les usages déclarés par les jeunes dans le questionnaire écrit. Deux précisions sont toutefois à apporter.
Certains usages présentent des évolutions durant les six mois qui ont séparé les questionnaires écrits, des entretiens. Ces évolutions sont logiques et ne bouleversent pas les données.
Certains usages semblent ne pas être réellement pratiqués de manière autonome par les jeunes. Lorsqu’on leur demande de décrire dans le détail les opérations d’accès aux forums et aux « chat rooms », les jeunes se montrent curieusement évasifs. Une première explication pourrait être apportée par le fait que ce genre de question met en œuvre une mémoire déclarative, alors que dans l’usage, celle-ci est procédurale et même kinesthésique (cliquer dans des zones d’écran). Cela expliquerait pourquoi les mots pour décrire les actions ne viennent pas à la bouche des jeunes. Cette explication semble partiellement valable.
Une autre explication peut être avancée, bien que méritant une étude complémentaire et une discussion. Elle a déjà été relevée lors de précédentes recherches en éducation aux médias menées en France, au CLEMI, en 1995. L’équipe de recherche a pu y observer qu’en l’absence d’une éducation aux médias, des élèves tendaient à s’attribuer des pratiques de lectures de journaux supérieures à la réalité. Au contraire, en fin d’année, leurs déclarations de lectures étaient parfois plus restreintes. On a supposé à l’époque que, d’une part, ces élèves percevaient mieux la véritable définition de la lecture des journaux, par opposition avec un simple feuilletage distrait, et que, d’autre part, les échanges interpersonnels et le croisement des regards rendaient plus réaliste, moins idéalisée, leur prise de conscience de leurs pratiques réelles de lectures. Dans le cas présent, on pourrait supposer que le jeune tend, dans ses déclarations, à s’attribuer des pratiques qu’il a vécues comme collaborateur passif d’une autre personne ou dont il a été le témoin ou encore dont il a entendu parler et auxquelles il s’est identifié. Cette explication est, du reste, compatible avec une hypothèse des mécanismes par lesquels se répandent les pratiques d’Internet, puisque rares sont les véritables formations données aux jeunes dans ce domaine, surtout en ce qui concerne la participation à des forums et à des « chats ». Le mystère des explications vagues permettrait ainsi une première intuition des mécanismes de dissémination des compétences d’usager, basée sur l’identification sociale du jeune à un modèle suivie d’un passage à l’acte, constitué d’essais plus ou moins fructueux.
Il apparaît aussi que les usages sont parfois difficilement différenciés par les jeunes durant les entretiens : la distinction entre l'accès général à des sites et le courrier électronique est faible chez les jeunes rencontrés. Cela est vraisemblablement dû au fait que ces jeunes ne disposent pas d'une adresse personnelle sur un serveur de courrier. Ils utilisent en général des sites Internet de boîtes gratuites (Hotmail, Caramail, etc.) dont l'accès s'effectue par un navigateur Web et non un logiciel de courrier électronique.
- Une pensée sur Internet prioritairement fondée sur l’usage
Les visions d'Internet sont très clairement liées aux usages déclarés, qualitativement et quantitativement.
Cela permet d’établir une constatation forte. Aucune vision précise, positive ou critique, fondée sur des observations ou une documentation, n’est apportée par les élèves qui ont une pratique nulle ou faible d’Internet. À l’opposé, les visions les plus marquées (et pas forcément apologétiques) sont toujours le fait de grands utilisateurs. L’usage apparaît donc comme le facteur actuellement indispensable à la construction d’une vision d’Internet par les Jeunes.
Les deux grands pôles d'usage régulier sont l'école et la maison. Ces lieux peuvent incontestablement être identifiés comme les deux sources principales d'apports de matières à penser Internet. On peut aller plus loin, en affirmant que l’école et la maison, en ce que les usages qui s’y font diffèrent, ne conduisent pas à la même appropriation.
Il existe différents types d’appropriation d’Internet en fonction des types d’usages. D’un jeune à l’autre, une dominance dans l’usage, correspond à une dominance dans le regard que porte le jeune à Internet. Ainsi, les jeunes qui mettent en avant des usages instrumentaux (s’informer, au sens large, recherche documentaire, etc.) voient Internet comme un labyrinthe qui appelle une exploration compétente et efficace. Les usagers relationnels (entrer en contact avec d’autres par le biais de chats, du courrier électronique, de forums, etc.) mettent en avant l’aspect convivial d’Internet. Les usagers ludiques (jeux, surf, visite de sites, etc.) soulignent l’abondance d’occasions de découverte et d’amusement. À côté de ces usages, certains jeunes font preuve d’une réelle inscription personnelle sur Internet (réalisation d’une page personnelle, création d’un forum, modération d’un chat, etc.) et présentent Internet comme un moyen d’expression. Nous verrons dans quelques lignes que certains facteurs liés à l’école ou à la culture familiale tendent à orienter l’usage dominant et la vision d’Internet qui en découle. À la question de savoir si c’est l’usage ou la vision qui serait premier, nous répondrions que les entretiens portent à croire que ces deux éléments se développent ensemble et de manière liée, suivant des facteurs relevants du contexte technique, culturel et éducatif propre à chaque jeune.
Une exception est notable. Elle transparaît à travers le témoignage d’un jeune qui démontre une grande capacité de réflexion malgré un usage limité (il n’a pas Internet à la maison), en Cybercafé. Ce jeune montre qu’il perçoit plusieurs facettes d’Internet et parvient à fonder ses jugements à l’égard de celui-ci et de ses implications. Peu de jeunes rencontrés sont dans ce cas. Aussi serait-il peut-être judicieux de creuser la piste des usages dans les cybercafés afin de déterminer les facteurs d’appropriation critique dans ce dispositif plus accessible aux populations modestes.
- Les facteurs de l’appropriation : l’importance de la famille
Il existe incontestablement un facteur culturel dans l’appropriation d’Internet. Des jeunes issus de familles immigrées nord-africaines utilisent Internet en dehors de chez eux ou de l’école dans des lieux publics comme les cybercafés. L’utilisation d’Internet n’échappe donc pas à l’inscription culturelle qui consiste, pour certains, à se retrouver ensemble à l’extérieur de chez eux. Le modèle « chacun crée sa petite page personnelle seul dans sa chambre » correspond à d’autres modèles culturels. Tout cela concourt à l’affirmation selon laquelle on s’approprie Internet à partir de son lieu propre.
Cela dit, on constate que la convivialité familiale favorise grandement une appropriation réfléchie d'Internet. Selon que la culture familiale est plus ou moins conviviale dans les échanges d'information et d'opinions, l'appropriation réfléchie d'Internet sera plus ou moins imprégnée des multiples points de vue de chaque membre de la famille. De plus, l'usage collectivement débattu développe la prise en compte des diversités d'offres sur Internet.
En outre, l'assimilation par usage domestique semble développer des compétences d'utilisateur plus « pointues » dans l'exploitation des logiciels : à la maison, le jeune a probablement davantage de temps pour mûrir les procédés qu'il utilise ou pour réaliser ses projets, surtout lorsque cette utilisation est débattue entre enfants et/ou parents, aux compétences complémentaires.
Enfin, les jeunes usagers domestiques semblent davantage au courant des problèmes et des solutions de configuration techniques des ordinateurs pour l'usage d'Internet. Cela est dû à l’obligation quasi générale d’assurer soi-même le bon fonctionnement de l’accès.
Les entretiens apportent une précision précieuse aux statistiques d’accès à Internet par une connexion domestique. Une approche fine de l’histoire de l’accès domestique révèle que celui-ci n’est aucunement comparable à un raccordement téléphonique ou à l’usage d’un récepteur de radio. L'accès d'Internet à domicile est irrégulier. Il est soumis à un faisceau de conditions : disposer d'un ordinateur en ordre de marche, de la puissance suffisante, avec une version des logiciels à jour, une imprimante, avoir à proximité immédiate de l’ordinateur une connexion téléphonique ou autre, un pourvoyeur d'accès, un antivirus, un réglage des paramètres correct et un environnement social d'usage favorable. Or, ces conditions ne sont pas réunies en permanence ; loin s'en faut. Par conséquent, les familles ont des périodes d'accès intermittentes, entrecoupées de mises hors service, liées aux aléas de la technique et de la vie familiale. S’il n’est pas interdit de penser que la proportion générale des « abonnés » et « non-abonnés » reste stable, il n’en va pas de même au niveau des individus qui, d’une période à l’autre, accèdent, puis n’accèdent plus et enfin accèdent à nouveau à Internet.
- Internet à l’école : un rôle public et démocratique à améliorer
Les entretiens font nettement apparaître les fonctions que joue l’école dans l’appropriation d’Internet par les jeunes.
La fonction la plus évidente est celle d’apporter les premières possibilités d’accès. En dépit du nombre limité d’ordinateurs et des branchements, et d’une intégration pédagogique très inégale, l’école apporte incontestablement à une grande partie des jeunes la première occasion d’approcher Internet.
En second lieu, l’usage scolaire reste un usage important, qu’il soit développé durant les cours ou pendant des heures d’accès libre. Mais en ce qui concerne l’usage en contexte d’apprentissage, les activités évoquées par les enfants, si elles sont unanimement appréciées, à une exception près (« c’est un piège pour l’école !»), se révèlent confinées, pour l’essentiel, à de la recherche documentaire et de l’exercice de langues. L’éventail qualitatif des usages scolaires est encore étroit. Cela n’empêche pas les élèves qui pratiquent Internet à l’école, de penser, dans leur grande majorité, que la place d’Internet à l’école est définitivement acquise et qu’elle ira croissant.
En troisième lieu, il apparaît que l’usage scolaire d’Internet est un usage social. Le fait de travailler à plusieurs développe une appropriation collective d’Internet dans laquelle les jeunes sont plus conscients de la diversité des usages par le croisement de leurs regards, la nécessité de collaborer et celle de présenter les résultats. À ce titre, l’usage domestique semble davantage solipsiste.
Il reste à relever deux fonctions faibles. La première est d’ordre technique. Contrairement à l’usage domestique, il semble que l’usage scolaire ne développe qu’une faible prise en charge par les élèves du fonctionnement des ordinateurs et de l’accès à Internet. Cela peut se comprendre, vu la standardisation des équipements. Il reste cependant qu’un progrès en ce domaine serait une bonne chose, en raison des difficultés d’accès mentionnées plus haut.
La seconde fonction faible de l’appropriation scolaire d’Internet relève des objectifs de l’éducation aux médias. Les jeunes qui pratiquent Internet à l’école ne se révèlent pas plus aptes que les autres à pratiquer une réflexion active sur le média Internet : ses contraintes, ses possibilités, ses risques, sa comparaison avec les médias plus traditionnels, les qualités de communication qu’il permet, son évolution, ses effets sociaux, économiques et culturels. Les jeunes ont les mêmes difficultés à élucider leur propre relation à Internet. Tout au plus, sont-ils plus conscients des usages de leurs condisciples. Or ces mêmes jeunes réagissent très positivement, lorsqu’on les y invite, dans l’entretien, à réfléchir à ces thèmes. Ils montrent même un certain plaisir à s’emparer intellectuellement de ces questions qui, visiblement, les mobilisent. Mais les outils notionnels et conceptuels leur font défaut. L’idée même qu’une société évolue, que les médias se transforment, que des problèmes se résolvent ou émergent, qu’il existe des relations entre des effets et leurs causes leur semble parfois nouvelle. Les jeunes ne sont pas totalement aveugles à l’objet social et à son évolution, mais leurs moyens d’approche sont limités. Il en résulte que les sensibilités humanistes, familiales ou scolaires, avec leurs profondes différences sociales fournissent, faute d’un apport scolaire consistant, les bases notionnelles des réflexions intellectuelles des jeunes sur Internet. Il y a là un risque de déficit en éducation à l’appropriation démocratique des médias.
- Internet avec les amis, un jardin secret ?
Alors que la pratique d’Internet avec les amis est fortement citée dans l’enquête quantitative, celle-ci est étrangement discrète dans les entretiens. Une chose est claire. Les pratiques d'Internet avec des amis sont électives. Elles ne se font pas avec n'importe quel ami ni pour n’importe quelle activité. Selon les circonstances et l'entourage la recherche de sites ou le « chat » sont pratiqués. Le courrier semble mois utilisé en groupe. Pour le reste, les jeunes ne semblent pas attirés par l’idée de décrire leurs activités entre amis. Faut-il y voir une revendication de pudeur dans la description de leur vie privée ou plutôt une incapacité à penser et à débattre d’un usage plus ludique et relationnel des médias ?
Les représentations d’Internet se mettent en place en fonction des usages mais également, quoi que dans une mesure moins spectaculaire, en fonction de l’âge et de la maturité du jeune. Ainsi, la conscience de vivre en société, la diversité des cultures, les fluctuations de la prospérité économique sont incontestablement des notions qui entrent progressivement dans le champ de connaissance des jeunes, avec, éventuellement, l’aide d’une idéologie familiale ou d’un enseignement dans ces domaines.
En particulier, les risques perçus au sujet d’Internet sont directement liés aux usages ainsi qu’à la maturité des jeunes. Rappelons-nous par exemple, le danger principal perçu par Jean, à propos d’Internet : « la possibilité de se faire kidnapper. Les petits enfants sont les plus vulnérables! » Si le jeune utilise peu Internet ou s’il se situe encore dans un monde imaginaire, la vision des risques encourus sur Internet relève soit du discours des parents soit de la rumeur et de l’imaginaire (ce qui n’est d’ailleurs pas incompatible). On observe, par contre, chez les plus âgés et les plus âgées, une conscience du danger, même limitée, fondée davantage sur une connaissance de la variabilité des comportements humains : mensonge, terrorisme, etc. Il reste qu’aucun seuil franc, aucun véritable stade, n’est décelable dans l’évolution des jeunes rencontrés.
Internet peut être un outil qui actualise l’ordinateur (par exemple, les jeux) mais il est étonnant de constater que certains jeunes qui ont un usage ludique ne font pas forcément la distinction entre l’ordinateur et Internet : ils jouent sur un ordinateur, donc ils sont sur Internet. Les plus grands utilisateurs d’Internet font la remarque inverse : en utilisant Internet, j’ai appris l’ordinateur. On peut voir dans ce phénomène une banalisation parallèle de l’objet informatique et d’Internet qui se fondent l’un dans l’autre durant l’usage. Cette banalisation estompe progressivement, aux yeux des jeunes, la nature « objet technique » de l’ordinateur et d’Internet, ainsi que la nécessité des compétences spécifiques exigées par leur usage. Plus l’expérience avance, moins l’objet est vu comme technique ou comme requiérant des compétences particulières. Cette observation est parfois formulée par les jeunes eux-mêmes lorsqu’ils décrivent leur évolution. Aucun utilisateur confirmé n’estime que les compétences nécessaires sont difficiles à acquérir ou qu’elles réclament une formation particulière.
- Quels sont les risques d’Internet évoqués par les jeunes ?
A priori, les jeunes ne situent pas Internet du côté du danger. Sollicités sur cette question, les jeunes citent des risques de différentes natures :
- L'appauvrissement du contact social, l'isolement, la solitude, l’exclusion des plus démunis et la pauvreté ;
- Les virus ;
- Le vol et le banditisme ;
- Les sites racistes, pornographiques et pédophiles (bien que ce genre de sites soient relativisés par les jeunes. Le risque leur paraît réel mais confiné)
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La dissimulation et le mensonge (Il est intéressant de constater à ce sujet que l’on retrouve les mêmes mobiles que ceux qui concerne la propagation de rumeurs : « c’est le fait de « ceux qui ne travaillent pas », les «privés ». Les jeunes de 17-18 ans en sont menacés ! »
- Enfin, la généralisation du mode de communication superficiel au détriment de la rencontre et de la communication face-à-face. « Rien ne remplace la présence réelle ».
On trouve des risques macro sociaux, qui menacent la société de manière diffuse, et des risques qui menacent un individu en particulier ou un groupe. Ici encore, une certaine culture familiale chez les uns ou scolaire chez les autres semble déterminer si l’attention du jeune se porte sur le macro ou sur le micro, mais on ne peut pas affirmer que la culture familiale serait davantage individualiste que celle de l’école.
Ce qui frappe, c’est qu’en général la conscience du risque semble faible en début d’entretien et s’accroît avec l’évolution de celui-ci, lorsqu’il s’agit pour le jeune de raisonner sur les risques, leurs victimes et leurs conséquences. On peut par conséquent en conclure que la question des risques n’est pas pour ces jeunes une préoccupation majeure.
De même, s’agissant des éventuelles réponses aux risques, le contrôle, le filtrage, la dénonciation et la surveillance apparaissent aussi progressivement dans les propos des élèves au fil de l’entretien, une fois l’existence des risques reconnue, alors que l’attitude initiale des élèves est plutôt insouciante et libérale. On peut en supposer que s’ils ont eu une expérience malheureuse, ils n’en ont pas fait un bilan conscient.
D’une manière générale, les jeunes ne se réfèrent jamais à un danger qui les a touchés ou qui les menace. Ils n’évoquent jamais non plus la possibilité qu’ils soient eux-mêmes un risque pour d’autres.
Cette constatation d’une conscience faible du jeune face aux risques d’Internet trouve confirmation dans une enquête menée par des étudiantes en Communication et Information à l’UCL. Celle-ci a été réalisée en vue de la préparation d’un séminaire de problématisation des risques liés à Internet, tenu dans le cadre du projet EDUCAUNET. L’enquête a été menée auprès d’enfants âgés de 8 à 12 ans, utilisateurs d’Internet. Des entretiens semi-directifs ont été effectués sur base d’un questionnaire écrit préalablement élaboré. La population de cette enquête est composée de soixante-cinq enfants qui proviennent de six établissements différents (urbains et ruraux), touchant une population très diversifiée, habitant les régions de Wallonie et de Bruxelles. Cette population concerne les élèves des classes de quatrième, cinquième et sixième années primaires.
Les résultats de l’enquête montrent que « la moitié des enfants interrogés (47,6%) n’a pas entendu parler des risques liés à l’utilisation d’Internet. Pour les autres, le réseau est surtout dangereux à cause des virus que l’on peut y trouver (38,2% des réponses). Dans une moindre mesure, ils s’inquiètent aussi des sites violents, « gore » (c’est-à-dire « dégoûtant ») ou pornographiques. Seuls deux enfants ont parlé de sites pédophiles à propos desquels leurs parents les avaient mis en garde. Le risque d’être harcelé au téléphone par quelqu’un dérange environ 3% des interrogés. Le reste des craintes concerne l’ordinateur qui peut perdre des informations ou qui peut s’arrêter lors d’une panne d’électricité ».
Encore une fois, on remarque que « la connaissance par les enfants des risques liés à l’utilisation d’Internet est très faible puisque la moitié seulement en ont entendu parler. De plus, ces dangers cités ne sont souvent connus que par les « ouï-dire » et non par l’expérience vécue. Il existe un vrai décalage entre ce que les enfants décrivent comme des risques et ceux qui sont exposés par les adultes. Alors que les enfants pensent souvent à des dangers matériels engendrant des coûts financiers, les adultes s’inquiètent des risques moraux et en font la majorité de leurs consignes. Ces risques semblent, d’ailleurs, ne pas faire partie d’un dialogue entre adultes et enfants puisque la majorité de ces derniers ne parle pas de ce qu’ils ont fait sur Internet avec leurs parents ou leurs professeurs et que les autres expliquent leurs recherches ou demandent des explications. Les élèves utilisant Internet dans les cybercafés ou les centres téléphoniques, eux, ne nous citent pratiquement pas de risques et n’abordent pas ce thème avec un adulte ».
En synthèse, on peut considérer que la relation des jeunes aux risques d’Internet présente les caractéristiques suivantes :
- ils sont rarement évoqués spontanément par les jeunes, et ne sont pas l’objet d’une préoccupation explicite ;
- ils deviennent volontiers l’objet d’intérêt et de réflexion lorsque le jeune est sollicité à ce propos ;
- ils sont l’objet d demande d’informations lorsque le jeune est sensibilisé ;
- ils semblent refléter assez fidèlement le contexte de problématisation dans lequel le jeune se trouve immergé (risques techniques, idéologiques, sociaux, etc.).
L’état des choses
Cliché d’un objet en mouvement rapide
Cette observation fournit une image comparable à un instantané photographique. Nous avons saisi un processus en pleine évolution : évolution de l’implantation sociale d’une technologie nouvelle, évolution des usages sociaux dans la création et dans la réception des messages et, surtout, évolution des représentations et des attitudes. Les jeunes que nous avons approchés prennent place dans cette évolution. Ils ne sont ni en tête, ni au milieu, ni en queue de la cohorte des innovateurs, mais se disséminent tout au long de celle-ci et sont eux-mêmes en mouvement. Les résultats de cette étude ne sont donc à prendre que comme l’état instantané d’un flux en évolution. Cela ne signifie aucunement que les informations recueillies sont dénuées d’intérêt. Au contraire, elles révèlent avant tout que les médias sont actuellement en pleine mutation, notamment sous l’impact d’Internet. Et c’est à l’intérieur de cette mutation que devront vraisemblablement évoluer les jeunes dont nous avons tenté de cerner le portrait. Par conséquent, une éducation au média Internet doit se concevoir comme un apprentissage à vivre dans le contexte d’une évolution médiatique permanente. Cela signifie qu’il s’agit moins de définir des compétences ultimes et définitives à transmettre aux jeunes que de leur apprendre à faire évoluer leurs propres compétences et leur capacité de prendre conscience de l’évolution des médias et de leur propre évolution par rapport à ceux-ci.
Une attitude positive et peu critique
Internet confirme bien, de la part des jeunes, la vision positive qu’on lui prête. Cette vision se renforce encore lorsque ceux-ci deviennent de plus grands utilisateurs. Il faut toutefois modérer cette affirmation par le fait que les usages d’Internet restent, finalement peu importants en temps de pratique, si on les compare, par exemple à la télévision. La tarification temporelle des accès, règle quasi-générale en Belgique au moment de l’enquête, y est certainement pour beaucoup. La liberté, l’autonomie et la communication sont les avantages que les jeunes prêtent à Internet, même si un examen plus fin de leurs pratiques déclarées oblige à relativiser l’usage réel de ces trois potentialités d’Internet.
Des usages diversifiés
L’approche des usages déclarés fait éclater la vision monolithique du jeune internaute: adolescent mâle, surfeur joyeux, fou d’informatique et de boissons gazeuses américaines. Ceci rejoint les résultats obtenus dans l’enquête initiale réalisée par l’équipe québécoise. Chaque jeune semble développer sa propre appropriation au moyen d’usages spécifiques, selon des scénarios complexes où chaque composante de sa vie joue un rôle. L’éventail des styles d’usages (domestiques) est large et ne se réduit à aucun stéréotype. C’est incontestablement l’école qui semble canaliser davantage les usages en les concentrant sur la documentation et parfois les langues. Le contexte d’utilisation (en classe, à la maison, seul, entre amis) semble aussi fortement lié aux activités déployées. Il semble même qu’émerge une nouvelle culture d’Internet dans laquelle l’activité sur Internet est sélectionnée en fonction de la manière dont elle contribue à créer un climat agréable chez des gens qui se sont réunis. Cette dimension est toutefois difficile à investiguer dans un contexte scolaire car les jeunes n’y dévoilent pas volontiers leur usages ludiques et conviviaux d’Internet.
Une forte détermination socio-économique
Tous ne sont pas égaux devant Internet. Que ce soit en terme d’accès, de compétence, d’accompagnement ou de capacité réflexive, les jeunes sont fortement dépendants de leur contexte économique, culturel et social. S’il est probable qu’Internet se démocratise, ce n’est assurément pas chose faite.
L’accès à Internet reste encore l’apanage de classes moyennes plutôt aisées, surtout lorsque aucune école n’est là pour suppléer à l’absence d’Internet domestique ou chez des amis. Lorsque l’école permet l’accès à Internet, les conditions d’un accès autonome, ludique, exploratoire, réflexif et fréquent sont incontestablement difficiles à assurer. Et les jeunes le regrettent. Même lorsqu’Internet est accessible à domicile, les conditions de son accès confortable sont rarement toutes présentes. Elles exigent un climat familial propice.
Les compétences détenues par les jeunes résultent en grande partie des formations spontanées qu’ils se sont réciproquement partagées. Ces compétences touchent autant aux aspects techniques, aux procédures d’utilisation, qu’aux méthodes intellectuelles de documentation, de compréhension et d’expression maîtrisées par les élèves. Ce dernier niveau est cependant partiellement enseigné dans le cadre scolaire. Les compétences qui font le plus défaut aux élèves concernent la réflexion et la problématisation d’Internet en tant que médias et de ses conséquences sur la vie personnelle et sociale. Si les jeunes manifestent un intérêt certain à former des opinions et à débattre de ces thèmes, leur équipement notionnel et méthodologique est maigre. Celui-ci est actuellement construit à partir de quelques enseignements ou discussions développées en classe, auxquels il arrive que l’élève se réfère. Mais pour l’essentiel c’est la culture familiale qui fournit aux jeunes les bases de sa pensée d’Internet. Il existe par conséquent une relative auto-éducation au média Internet, qui se manifeste chez certains jeunes, lorsqu’ils sont de grands utilisateurs, mais celle-ci semble dépendre fortement de facteurs liés aux caractères du jeune et à son environnement économique, culturel et social.
Il en va de même en ce qui concerne l’accompagnement dont jouit le jeune dans son appropriation d’Internet. Basé avant tout sur les relations sociales et familiales, l’accompagnement est fortement tributaire des clivages liés au milieu de vie du jeune. Comme l’usage scolaire est actuellement fortement orienté vers la documentation à caractère utilitaire (favoriser l’apprentissage d’une matière), les enseignants sont rarement décrits par les élèves comme étant présents dans un plus large éventail d’usages d’Internet, en tant que partenaires dans la découverte et la réflexion.
Des prises de consciences inégales
La pratique d’Internet est une condition indispensable à l’appropriation réflexive de ce nouveau média par les jeunes. Des embryons de notions émergent dans leurs représentations et leurs propos sous la forme de savoirs informels, construit à partir d’expériences pratiques et de discussions entre pairs. Ces notions amènent les jeunes à élucider certains aspects d’Internet ou à problématiser des thèmes de réflexion. Ces prises de conscience restent toutefois inégales. Une première explication est à trouver dans l’inégalité des pratiques. Mais cette explication est insuffisante. L’enseignement disciplinaire que reçoivent les jeunes entre 12 et 18 ans concerne rarement l’étude des médias et le changement social. Il concerne aussi assez peu souvent l’auto élucidation par le jeune lui-même de sa relation aux médias, aux divertissements, aux jeux. Or, ces dimensions sont de plus en plus présentes dans les médias contemporains. Les questionnaires et les entretiens révèlent non pas une absence d’idées ou d’opinions des jeunes vis à vis de leur relation aux médias, de l’évolution de ceux-ci et de la dynamique sociale, mais plutôt une difficulté à envisager ces questions sur un plan rationnel et à les articuler les unes aux autres. Ici aussi l’apport de la famille semble prédominant. Dans certaines familles, ces questions sont tout simplement inexistantes, dans d’autres elles sont abordées sous l’angle de l’intérêt individuel, dans d’autres enfin, elles prennent une dimension collective et sociale. Un exemple de cette situation peut être pris dans ce qui concerne les risques et les dangers d’Internet. Selon les contextes communautaires, le risque peut être tut ou nié, il peut aussi, dans une perspective individuelle, être envisagé comme une menace à laquelle l’habilité et la compétence personnelles permettent de se soustraire. Il peut enfin, dans une perspective collective, être envisagé comme menaçant certaines catégories de personnes et appelant des mécanismes publics de contrôle et de protection.
Pour autant que l’on adhère à l’idée que le développement des médias ne peut être laissé aux dynamiques technocratiques, économiques et hégémoniques, il est important que la plus grande part possible de la population soit capable de comprendre l’évolution des médias et ses multiples conséquences. Cette compréhension est un véritable enjeu citoyen. Or, pour qu’elle se mette en place, il faut que chaque citoyen dispose de moyens et de capacités précis :
- pouvoir accéder effectivement à ce média et l’explorer sous toutes ses dimensions ;
- partager ses expériences avec d’autres personnes et en débattre ;
- envisager conceptuellement les médias, notamment sous les six angles d’approche définis par le British Film Institute, à propos de l’éducation aux médias : les producteurs, les publics, les technologies, les langages, les représentations et les genres médiatiques ;
- entrevoir les grands types de changements sociaux susceptibles de se produire suite à l’évolution des médias.
Un manque de matériaux pour penser Internet
Les jeunes comprennent Internet à partir de leurs propres expériences. Or, la complexité technique et communicationnelle de ce média rend extrêmement difficile sa représentation correcte sur la simple base d’un usage. La question « qui contrôle Internet ? » est éclairante à ce sujet. Non seulement elle permet de nombreuses interprétations, mais il est effectivement difficile à un usager de découvrir, par son usage, la logique des pouvoirs sur Internet. L’enquête révèle qu’après avoir été questionné sur des thèmes analogues, les jeunes se font demandeurs d’informations. Comment fonctionne le réseau ? Quels sont les droits et les devoirs des utilisateurs ? Quels sont les conséquences d’un contrôle ? Qu’est-ce qu’un piratage ? etc. Il semble que ce sont plus souvent des rumeurs que des informations fiables et vérifiées qui sont à la base des représentations que les jeunes se font d’Internet. Cette situation n’est pas étonnante dans la mesure où le propre d’Internet consiste à diffuser des informations immanentes, émanant de voies multiples et de points de vue divers. Cela implique, du côté de l’usager, un exercice permanent d’interprétation et de mise en cause des rumeurs. Notre observation montre qu’il n’en est pas toujours ainsi.
Dans le rapport français sur le même questionnement, Evelyne Bévort et Isabelle Bréda remarquent avec perspicacité qu’ « Internet est perçu comme un objet transparent laissant circuler toutes sortes de données brutes » (…) « à la différence de la télévision, pour laquelle les jeunes perçoivent confusément qu’il existe un émetteur, des intentions, un dispositif médiatique ». Il en va nettement de même dans notre observation : les jeunes décrivent Internet comme un accès à de l’information et un moyen de communiquer, mais ne parlent pour ainsi dire jamais de la construction des représentations et des finalités que se donnent les diffuseurs de celles-ci. Inviter au questionnement, tel pourrait être le point de départ d’une pédagogie de l’éveil critique. Cette première étape serait suivie d’un accompagnement attentif à la curiosité émergeante des jeunes et d’une aide à leur recherche de connaissances utiles pour comprendre Internet. Cette pédagogie ne fait que répondre à l’évolution de la notion même d’information, qui, sur Internet, n’est plus le résultat d’un processus éditorial certifié, comme cela reste encore partiellement le cas dans les médias traditionnels. Cette nouvelle information, qu’elle soit géniale ou médiocre, n’est plus qu’une voix, au milieu d’une multitude de prises de parole. Ce nouveau type d’information appelle par conséquent un nouveau type d’appréhension critique dans laquelle le questionnement joue un rôle essentiel.
Perspectives
Les résultats généraux énoncés dans le point précédent permettent de définir quelques pistes pour l’action et la recherche.
En ce qui concerne la recherche, cette étude ne couvre pas l’ensemble de la population belge francophone d’une manière vraiment représentative. Une approche plus systématique pourrait être pratiquée en ce sens. Il semble cependant, qu’une perspective plus féconde consisterait à suivre l’évolution de ces mêmes élèves dans la progression de leur appropriation d’Internet. Cela permettrait de comprendre plus finement les mécanismes de cette évolution et de mieux saisir la place de l’école, de la famille et de la vie communautaire dans cette évolution.
Toujours en ce qui concerne la recherche, un certain nombre de questions ont été à peine effleurées, elles touchent principalement la manière dont les jeunes « apprennent Internet » et développent une vision personnelle et critique de celui-ci. On peut également y ajouter des questions plus ponctuelles touchant par exemple la conception que les jeunes se font d’une activité documentaire et la place du plaisir dans cette activité.
En ce qui concerne l’action éducative, l’école devrait établir une véritable équité des élèves face à Internet. Nous avons pu observer combien non seulement l’accès, mais aussi la capacité critique des élèves, vis-à-vis d’Internet, étaient inégaux et probablement en voie de dualisation. Il y a là potentiellement un risque d’exclusion d’une partie moins favorisée de la population. Même les jeunes en sont conscients. Il importe dès lors que l’école permette à chaque élève, non seulement de s’initier à Internet, d’y accéder lorsqu’il le souhaite, mais aussi de développer sa pensée critique et des réflexions sur les enjeux de ce média.
La recherche confirme la possibilité et l’intérêt de fonder une éducation aux médias sur l’expérience et les embryons de questionnement que construisent spontanément les jeunes. A ce titre, la présente recherche vient assurément apporter un matériau consistant. Une seconde perspective d’action éducative se profile en direction d’une pédagogie d’accompagnement du changement. Internet n’est pas un fait. Ce n’est pas non plus une situation. C’est avant tout une dynamique d’évolution dans la communication sociale. Il importe par conséquent de concevoir une pédagogie capable de rendre les jeunes aptes à vivre ce changement, tout en restant conscients, autonomes et libres. C’est la raison pour laquelle nous avons si souvent porté notre regard sur les jeunes afin d’évaluer dans quelles mesures ils parvenaient à comprendre ce qui leur arrive lorsqu’ils vivent un contact avec Internet. Dans ces domaines, l’école, la famille et la tierce éducation (mouvements de jeunesses, associatifs, voisinage, …) ont incontestablement un rôle à jouer.
« Internet et les jeunes », approche du Clémi
Volet français d’une enquête internationale coordonnée au Québec, cette recherche est actuellement menée auprès de 524 élèves de 12 à 18 ans, habitants Paris et La Rochelle, par passages de questionnaires et entretiens individuels.
On constate que les jeunes expriment sur Internet en général des avis positifs, mais mesurés. S’ils sont près de 2/3 à faire confiance habituellement aux informations qui circulent sur Internet, ils ne leur font pas non plus une confiance aveugle et sont à peu près aussi nombreux à juger nécessaire un contrôle des sites. Notons toutefois que ces jeunes sont plus sereins que les adultes sur cette question.
Certains élèves, notamment les plus âgés, ont conscience du fait que les discours des médias et ce que véhicule l’opinion publique peuvent influencer leurs représentations d’Internet. Si les jeunes souhaitent que les sites soient contrôlés, c’est rarement parce qu’ils ont constaté eux-mêmes des problèmes. Le plus souvent, ils ont entendu parler de risques, et leurs craintes nourries par les discours médiatiques et parentaux s’amplifient par une mauvaise connaissance d’Internet.
Interrogés en tête à tête, les jeunes sont volontiers libertaires et se déclarent très attachés aux droits de l’homme et à la liberté d’expression. Ce n’est que lorsqu’on leur donne des exemples, qu’on les pousse plus loin dans leur réflexion qu’ils admettent volontiers qu’il faudrait agir. Pas forcément interdire, plutôt informer. Et sans mettre tous les risques sur le même niveau : ils sont par exemple beaucoup plus sévères avec les contenus racistes qu’avec les sites pornographiques.
Lorsqu’on évoque les risques liés au commerce électronique, ce sont les risques pour le consommateur qui sont le plus souvent cités par les garçons (insécurité des paiements, peur que la commande n’arrive pas, …), et les risques pour l’individu, par les filles (repli sur soi, ne plus sortir, …).
Lorsqu’ils deviennent des utilisateurs réguliers d’Internet, les jeunes sont souvent capables d’expliquer comment ils accordent ou non leur confiance aux informations trouvées sur Internet. C’est souvent leur expérience d’Internet, parfois les conseils des parents ou la pratique scolaire qui leur ont permis de développer des stratégies de critique des informations.
Enquête Aurore Van de Winkel, Edwige Godelet, Elise Mathieu et Kudret Dalli, Etudiantes en Information et Communication, UCL
L’enquête a été réalisée auprès d’enfants âgés de 8 à 12 ans et utilisant Internet. Des entretiens semi-directifs ont été effectués sur base d’un questionnaire écrit préalablement élaboré. La population de cette enquête est composée de soixante-cinq enfants qui proviennent de six établissements différents (urbains et ruraux). Cette population concerne les élèves des classes de quatrième, cinquième et sixième années primaire. Ces six établissements touchent une population très diversifiée, habitant les régions de Wallonie et de Bruxelles.
La moitié des enfants interrogés (47,6%) n’a pas entendu parler des risques liés à l’utilisation d’Internet. Pour les autres, le réseau est surtout dangereux à cause des virus que l’on peut y trouver (38,2% des réponses). Dans une moindre mesure, ils s’inquiètent aussi des sites violents, « gore » (c’est-à-dire dégoutant) ou pornographiques. Seuls deux enfants ont parlé de sites pédophiles sur lesquels leurs parents les avaient mis en garde. Le fait d’être harcelé au téléphone par quelqu’un dérange environ 3% des interrogés. Le reste des craintes concerne l’ordinateur qui peut perdre des informations ou qui peut s’arrêter lors d’une panne d’électricité.
Les étudiantes durant l’exposé
Selon leur lieu d’habitation, les enfants ont des usages différents d’Internet. Tandis que les parents et/ou les professeurs jouent un grand rôle dans l’apprentissage et l’accompagnement du Net dans les zones rurales et urbaines favorisées, les amis et les grands frères et sœurs, de plus faible autorité (pour interdire) mais souvent de plus grande influence, sont les partenaires privilégiés pour une « séance » de surf. Ces enfants, moins aidés dans des recherches considérées comme plus difficiles, font usage du réseau en majorité pour sa fonction de communication. Les fonctions d’information et de divertissement sont utilisées globalement par les autres enfants.
La connaissance des risques, liés à l’utilisation d’Internet, des enfants est très faible puisque la moitié seulement en ont entendu parler. De plus, souvent ces dangers cités ne sont connus que par les « ouï-dires » et non par l’expérience vécue. Il existe un vrai décalage entre ce que les enfants décrivent comme risques et ceux exposés par les adultes. Alors que les enfants pensent souvent à des dangers matériels engendrant des coûts financiers, les adultes s’inquiètent des risques moraux et en font la majorité de leurs consignes. Ces risques semblent, d’ailleurs, ne pas faire partie d’un dialogue entre adulte et enfants. Puisque la majorité de ces derniers ne parle pas de ce qu’ils ont fait sur Internet avec leurs parents ou leur professeur et que les autres expliquent leurs recherches ou demandent des explications. Les élèves, utilisant Internet dans les cybercafés ou les centres téléphoniques, eux, ne nous citent pratiquement pas de risques et n’abordent pas ce thème avec un adulte.
B. La problématique des risques et sa prévention (Educaunet)
Penser le risque
Le risque à la post-adolescence selon Philippe van Merbeeck
Internet change le scénario de la rencontre. Dans une rencontre, la première étape est le regard, puis viennent ensuite la voix et l’écrit. Avec Internet, les choses s’inversent car le premier contact s’effectue à travers l’écrit puis par le regard et enfin, éventuellement, par la voix. Il y a donc modifications du rapport à l’autre, à l’écrit et à l’image.
Le premier changement induit par le net réside donc dans le fait que le jeune peut ainsi faire l’impasse d’une partie du travail psychique relatif à la rencontre, l’écrit remplaçant la parole. Internet peut alors être vu comme parasite de la rencontre.
Le deuxième changement réside dans l’illusion du réseau, alors qu’il y a isolation de la vie personnelle, création d’un monde clos avec un imaginaire puissant. Il n’y a pas d’expérience collective telle quelle, pas de contact direct, ce qui renforce la peur du rapport à l’autre, surtout à l’autre sexe. Il s’agit d’une pseudo-réalité du contact.
L’adolescence, c’est l’âge des risques car les jeunes sont attirés, aspirés par lui. La mise en garde attire. Et l’on a besoin du risque pour grandir. Le risque est une initiation. Il n’y a plus de rites de passage à la puberté comme dans les sociétés primitives, ni de mythes explicatifs de ce cheminement. Auparavant, les adultes prenaient en charge ces rites. Aujourd’hui, le travail de passage existe toujours mais c’est au jeune que revient la charge de l’inventer. Le rite du risque l’aide à dépasser sa peur. Il découvre en effet qu’il n’est pas tout et doit alors dépasser sa peur. Le risque aide à sublimer le deuil de soi, la castration. Ainsi faut-il rendre sa place au risque, en l’encadrant.
Le danger d’Internet pour les jeunes se situe dans la banalisation du mystère de la recherche identitaire. En découvrant des sites pornographiques, par exemple, le jeune peut entrer en contact avec des minorités perverses qui peuvent cristalliser, sans lui donner le temps de la maturation progressive, sa recherche identitaire.
Il faudrait s’appuyer sur les capacités intellectuelles des adolescents pour repenser le rapport amoureux, provoquer des débats d’idées, affin de réveiller leur potentiel d’analyse, de comparaison et de compréhension.
Isabelle Stengers
La question du risque est à la fois une question très générale et une question posée assez singulièrement ces temps-ci. On connaît l'idée que devenir un humain adulte dans un groupe est un trajet, et que ce trajet comporte des risques et des épreuves. C'est peut-être par rapport à cette notion de culture du risque, de pensée du risque, que notre situation est curieuse dans sa généralité. Parce que d'un côté, nous avons une espèce d'idéal d'éviter le risque, c'est-à-dire de mener les jeunes tranquillement vers l'état d'adulte. De l'autre côté, on soumet ces jeunes générations à ce que j'appellerais "des risques éminents", mais que justement on ne cultive pas, puisque ces risques sont là sur fond d'un idéal de non-risque. Nos sociétés ont pour caractéristique d'être le pays des risques anthropologiques qui ne sont ni pensés ni voulus, qui se font dans la non-pensée, dans l'évidence la plus bizarre de bonne volonté, ou du "il n'y a rien à faire".
Y a-t-il de nouveaux risques avec Internet ?
Internet fait partie de ce risque imposé vécu sur le mode de la non-pensée. Mais il y a là quelque chose de plus à penser. Avec Internet, une autre manière de se connecter, d'apprendre, d'être avec les autres, est en train de se produire. Ce sont de nouvelles mutations qui se préparent. Notamment quant à l'auteur. Je crois que les auteurs seront collectifs, et qu'il faudra apprendre à se dire qu'Internet est une espèce de mixte entre l'écrit et l'espace public. Les enfants et les jeunes ont le droit vital de s'y aventurer parce que cela va être leur monde, beaucoup plus que le nôtre, parce que nous savons que cette génération va affronter et créer quelque chose dont nous n'avons aucune idée.
Que faire, d’un point de vue éducatif, face à cette nouvelle réalité ?
Il devrait y avoir dès l'enseignement secondaire, et surtout universitaire, une culture du Net : retrouver son chemin dans un monde où tout le monde peut produire du montrable. L'esprit critique qu'on est censé apprendre usuellement doit donc être renouvelé pour devenir un esprit inventif, capable de trouver son chemin dans une jungle de productions multiples et variées. Et surtout, parce que c'est là la grande nouveauté d'Internet, de trouver ceux avec qui il est bon de penser.
Mettre des digues, des interdits, c'est mettre des digues contre une vague qui me semble être celle du futur. La question n'est pas de regarder tout de suite les risques immédiats, mais d'essayer d'aménager ce que cela signifie. C'est en écoutant ce qui se passe et en tentant éventuellement d'y réagir et de le scander, mais non en se posant en propriétaire du savoir, qu'on est cohérent avec cette nouveauté qui transforme nos modes de vie et dont on ne voit que les prémices. La question est avant tout la liaison entre risque et pensée. Un risque pensé reste un risque, il y aura toujours des victimes. Mais au moins le risque en tant qu'il est pensé devient un risque civilisé.
C. Vers une définition communicationnelle du danger
Des théories d’appui.
- sémiotique : le ‘décodage »
- pragmatique : l’action, les relations de pouvoir.
- Inférentielle : (la pertinence Dan Sperber, Deidre Wilson)
L’apparente sécurité de l’ordinateur, machine stratégique. Hypermédias et bienveillance. (Thèse de Emmanuel Belin) « la mère suffisamment bonne » de D.W. Winnicott
Communiquer dans le brouillard
Lors du séminaire de formation des intervenants en éducation aux risques d’Internet, un débat fructueux a apporté, grâce aux idées des parents, éducateurs et enseignants, quelques nouvelles vues sur la nature des risques d’Internet. La vision qui a émergé du débat assimilait la communication sur Internet à une communication dans le brouillard.
Dans une communication ordinaire, la compréhension et l’interprétation des messages échangés s’effectuent à partir d’éléments contextuels. Voyant mon interlocuteur, je l’identifie à travers son apparence, ses vêtements, son attitude physique, etc. Je tiens aussi compte de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Sommes-nous dans une gare, en rue, dans mon bureau, au lit ou dans un train ? La raison de notre rencontre influencera aussi la manière dont j’interprèterai les paroles échangées. Ma relation à lui (subordination, camaraderie, lien familial, séduction amoureuse, anonymat) m’aidera aussi à comprendre correctement ses dires et à exprimer mes idées. Enfin, une idée plus au moins précise des intentions de mon interlocuteur guidera mon écoute de son propos.
Dans la communication médiatique, plus indifférenciée, plus décontextualisée et plus anonyme, l’éducation aux médias entend initier les spectateurs à l’art de saisir les indices qui permettent de cerner l’origine d’un message, son élaboration, son public et ses effets possibles. Mais de par leur structure « de un vers tous », les médias, même proliférant, offrent des régularités qui aident à les classer en quelques catégories à partir desquelles leurs messages sont plus faciles à comprendre de manière active.
Sur Internet, il en va de même, mais la diversité est encore plus grande et les chances de faire illusion (ou d’en être victime) le sont aussi. Comme le faisait remarquer un enseignant, dans la plupart des situations ordinaires, c’est le contexte de communication qui règle, entre les personnes qui communiquent, ce qui peut être dit et ce qui ne peut pas l’être ainsi que les manières convenables de communiquer sans blesser. Chaque interlocuteur participe, plus ou moins consciemment, plus ou moins volontairement, à ce jeu des convenances et des règles implicites. Or Internet est un espace de communication décontextualisé. Les indices de circonstance diffèrent pour chacun des partenaires (pourvoyeur d’info et surfeur). Chacun est dans son contexte propre, mais en contact avec celui d’autrui. Dès lors, ce qui semble admissible à l’un peut être choquant ou préjudiciable pour l’autre. Le projet de l’un n’est pas forcément limpide à l’autre. Comment saisir sans se tromper la portée exacte d’une information lorsque, par delà les langues, les cultures et les conventions, les contextes propres aux partenaires de la communication diffèrent profondément ?
Cette divergence est encore aggravée lorsque l’on tient compte de l’interface si sécurisante de l’ordinateur. Cette machine, considérée comme bienveillante, suffisamment bonne, comme dirait D. Winnicott, semble promettre d’accéder à la vérité, à la communication transparente et à la recherche réussie. En réalité il en va autrement: le surfeur avance dans le brouillard. Il entre, de clic en clic dans des univers inconnus aux normes difficiles à identifier. Et pourtant l'enjeu est bien le même. Une communication réussie malgré les difficultés.
L'éducation aux risques d'Internet, c'est éduquer les jeunes à naviguer avec succès à travers les brumes d'univers pleins de richesses mais aux profils multiples et changeants.
Chapitre 2: La réponse en éducation aux médias
Esquisse d'un panorama de l'éducation aux médias (Bevort- médiapouvoirs)
A. Apparition des termes « éducation aux médias »
On trouve l’expression en anglais dans
MINKKINEN S. (1978). A General Curricular Model for Mass Media Education. Paris, Unesco.
Un rapport publié par l'Unesco en 1984, lance la terminologie francophone sous la définition suivante:
[par éducation aux médias, il convient d'entendre] toutes les manières d'étudier, d'apprendre et d'enseigner à tous les niveaux […] et en toutes circonstances l'histoire, la création, l'utilisation et l'évaluation des médias en tant qu'arts plastiques et techniques, ainsi que la place qu'occupent les médias dans la société, leur impact social, les implications de la communauté médiatisée, la participation, la modification du mode de perception qu'ils engendrent, le rôle du travail créateur et l'accès aux médias.
Cette reconnaissance internationale par l’Unesco entérinait en fait la réalité d’un mouvement international très diversifié issu principalement des terrains du monde associatif et de l’initiative d’enseignants, par ailleurs proches de ce même monde associatif.
Voici comment Jacques Piette identifie les différents composants nationaux et régionaux, à la base de l’éducation aux médias.
L’évolution de l’expérience internationale en éducation aux médias
Jacques Piette
Depuis une vingtaine d'années, on a vu se multiplier, un peu partout à travers le monde, les expériences visant à développer des programmes et des modèles d'éducation aux médias destinés à s'intégrer aux côtés des autres matières du programme scolaire.
Dans la section qui suit, nous présentons un portrait de l'évolution des expériences internationales qui ont conduit au développement d'une toute nouvelle discipline qui réunit aussi bien des chercheurs oeuvrant dans le domaine de la communication que dans celui de l'éducation.
L'éducation aux médias apparaît, pour ces chercheurs, comme la solution adéquate au problème que pose la question des rapports entre les jeunes et les médias dans une société de plus en plus médiatisée.
La Finlande
La Norvège
La Suède
Le Danemark
Le projet français Jeunes téléspectateurs actifs (JTA)
La Suisse
L'Allemagne
La Communauté française de Belgique
La Grande-Bretagne
L'Écosse
L'Australie
Les États-Unis
Le Canada anglais
Le Québec
L'éducation aux médias ailleurs dans le monde
Source:
L'éducation aux médias : Vers une redéfinition des rapports entre l'école et les médias étude réalisée pour la Centrale de l'enseignement du Québec, Jacques Piette Professeur,
Département des lettres et communications, Université de Sherbrooke
La Finlande
Ce sont les pays scandinaves qui ont fait figure de pionniers dans le domaine du développement de l'éducation aux médias. Au début des années soixante-dix, la Finlande fut le premier pays à intégrer officiellement l'enseignement aux médias dans son programme scolaire. À l'occasion de la réforme de son système d'enseignement secondaire, la Finlande introduit l'éducation aux médias dans le cadre de l'enseignement de la langue maternelle.
Un programme-cadre est développé, dans lequel on suggère aux enseignantes et enseignants des manières d'aborder en classe l'étude critique des médias (Committee Report on the Curriculum Planning for Comprehensive School in Finland, 1970).
L'objectif principal du programme finlandais est de sensibiliser les élèves aux questions touchant les inégalités dans l'accès à l'information et aux conséquences de ces inégalités sur la liberté d'expression.
Le chercheur Kaarle Nordenstreng, mondialement connu pour ses travaux portant sur la circulation de l'information dans le monde et sur la responsabilité des médias dans l'accroissement des inégalités sociales au plan international, a été étroitement associé à l'élaboration du programme finlandais (Minkkinen et Nordenstreng, 1983).
Le programme reprend donc largement le cadre théorique critique de Nordenstreng qui tient les médias responsables de l'appauvrissement de la liberté d'expression dans les sociétés capitalistes et dans les pays en voie de développement (Nordenstreng, 1974).
Le programme finlandais ne privilégie pas l'étude d'un média en particulier, il propose au contraire un enseignement qui intègre l'ensemble des médias. L'accent est mis sur l'étude des dimensions politiques et économiques pour comprendre l'influence qu'exercent les médias.
Par exemple, on amène les élèves à s'interroger sur les conséquences de l'organisation économique des industries médiatiques (concentration de la propriété entre les mains d'un petit nombre de personnes ou de grands conglomérats) sur la circulation de l'information aussi bien au niveau national qu'international.
Par ce programme, on souhaite que les élèves prennent conscience de la manière dont les médias favorisent le maintien et la reproduction des inégalités sociales (Minkkinen, 1974).
La Norvège
Durant ces mêmes années, la Norvège s'est également engagée activement dans la voie de l'éducation aux médias en intégrant son enseignement dans les cours obligatoires, et comme matière optionnelle pour les différents niveaux du système scolaire national.
Cette intégration n'a toutefois pas donné lieu à l'adoption d'un programme-cadre comme ce fut le cas en Finlande (Dahl, 1981, 1983, 1985). Ce sont les enseignantes et les enseignants qui déterminent eux-mêmes comment est abordée l'étude des médias en classe.
Dans les cours optionnels, l'éducation aux médias est centrée sur l'étude d'un média en particulier (télévision, cinéma, presse écrite, etc.), et pour ces cours, l'enseignante ou l'enseignant dispose, dans la majorité des cas, de matériel pédagogique dont il peut s'inspirer pour dispenser son enseignement (British Film Institute et al., 1990; Dahl, 1983).
La Suède
En Suède, la radio d'État possède un service d'éducation qui s'emploie, depuis plusieurs années, à produire du matériel didactique à l'intention du personnel enseignant qui désire intégrer, sur une base volontaire, l'éducation au cinéma dans son enseignement.
Dans les années quatre-vingt, la Suède a mis sur pied un vaste projet intitulé La connaissance des médias dans l'enseignement secondaire qui visait à sensibiliser les institutions scolaires à l'importance d'intégrer l'éducation aux médias dans la formation des jeunes. Ce projet avait pour but de développer des habiletés d'analyse critique dans l'étude de productions filmiques et télévisuelles (British Film Institute et al., 1990).
Malgré des débuts très prometteurs, on constate que l'éducation aux médias n'a pas été intégrée de manière systématique dans les programmes scolaires scandinaves. La principale raison invoquée pour expliquer ces difficultés d'implantation est celle du manque de formation adéquate des enseignantes et enseignants.
Le manque de ressources didactiques appropriées et l'absence d'un cadre théorique cohérent pour guider la pratique de l'éducation aux médias sont également mentionnés par les enseignantes et enseignants, pour expliquer les difficultés que rencontre l'implantation de l'éducation aux médias en Scandinavie (Minkkinen et Nordenstreng, 1983; Tufte, 1988).
Le Danemark
À la fin des années quatre-vingt, le Danemark va toutefois ramener à l'avant-plan la question de l'éducation aux médias en créant un centre de recherche sur l'éducation aux médias (Centre for Mass Communication Research and Media Education of the Royal Danish School of Educational Studies).
Depuis sa création en 1987, ce centre travaille à l'élaboration et à l'expérimentation d'un modèle d'éducation aux médias qui allie enseignement théorique et pratique de la production audiovisuelle. Dans ce modèle, analyse et production sont donc perçues non pas de manière antagoniste, comme c'est souvent le cas dans les programmes d'éducation aux médias, mais bien de façon complémentaire (Tufte, 1988, 1991).
Le projet français Jeunes téléspectateurs actifs (JTA)
C'est dans le cadre des activités parascolaires que se sont développées, en France, les premières expériences d'éducation aux médias. Durant les années soixante, diverses organisations pour la jeunesse mettent sur pied différents ciné-clubs où sont organisés des cours d'éducation au cinéma. Durant les années 1970-1980, certaines institutions d'enseignement et de recherche, comme l'Institut du langage total de l'Université catholique de Lyon (Faurie-Roudier et Vallet, 1983), le Centre de recherche et de documentation pédagogique (CRDP) et l'Institut de la communication audiovisuelle (ICAV), travaillent à développer du matériel pédagogique destiné à l'initiation des élèves à la communication visuelle.
L'approche théorique, sur laquelle s'appuient ces différents projets, a été largement influencée par le courant des études sémiologiques qui se sont développées, à cette époque en France, avec les travaux de Roland Barthes et, surtout, de Christian Metz qui s'est particulièrement intéressé à l'étude de la signification du langage audiovisuelle dans ses travaux sur l'analyse du cinéma (Metz, 1977). Ces programmes abordent l'éducation aux médias d'un point de vue avant tout esthétique et sont centrés sur l'analyse de l'image et des codes culturels qui déterminent la perception que nous avons des messages des médias.
Au début des années quatre-vingt, la France amorce une réflexion en profondeur sur les rapports entre les jeunes et les médias avec la mise sur pied de l'opération pédagogique Jeunes téléspectateurs actifs (JTA). Ce projet du gouvernement français regroupait plusieurs ministères et son objectif était de favoriser des initiatives pédagogiques destinées à faire en sorte que les jeunes deviennent des " téléspectateurs actifs ", c'est-à-dire des téléspectateurs plus sélectifs et plus critiques dans leur choix et dans leur manière d'écouter la télévision (Pierre, 1983).
Le projet JTA impliquait un dispositif administratif très complexe qui visait à ouvrir la voie à un nouveau " partenariat pédagogique " entre les parents, l'école et les milieux du loisir socio-éducatif et culturel. De manière pratique, le projet a pris la forme de stages de formation sur la télévision, pilotés par une équipe nationale. Ces stagiaires étaient par la suite invités à mettre sur pied des initiatives de formation de " jeunes téléspectateurs actifs " dans leurs propres milieux.
L'expérience a soulevé beaucoup d'enthousiasme et l'on a vu se multiplier des initiatives originales d'éducation critique à la télévision dans les différentes régions du pays. Ce projet ne visait pas l'intégration formelle de l'éducation aux médias dans le programme scolaire, il misait, au contraire, sur la créativité de ceux qui avaient participé au stage national de formation, pour qu'ils développent leurs propres outils pédagogiques en fonction de leurs besoins spécifiques (Centre national de la documentation pédagogique, 1981).
On estime que durant les deux années que dura le projet JTA, plus de 20 000 enfants de toutes les régions du pays ont participé d'une manière ou d'une autre à cette réflexion critique sur la télévision et sur son influence dans la vie des jeunes.
Le projet n'eut toutefois pas de suite, car le gouvernement décida de démanteler la structure interministérielle qui supportait le projet. On laissa aux animateurs en loisir, aux parents et au personnel enseignant intéressés à poursuivre l'expérience, la tâche de trouver les ressources administratives et financières pour continuer ce travail de sensibilisation et d'éducation à la télévision. Par manque de ressources, l'expérience JTA s'essouffla très rapidement et l'éducation aux médias disparut progressivement des préoccupations françaises en matière d'enseignement au niveau national.
Aujourd'hui, comme ce fut le cas dans les années 1970-1980, la promotion de l'éducation aux médias est assumée par des organismes comme le Centre de liaison et de l'enseignement et des moyens d'information (CLEMI) et par certaines institutions d'enseignement qui développent, sur une base volontaire, du matériel destiné à sensibiliser le personnel enseignant et les élèves à l'importance des médias (Jacquinot, 1985).
La Suisse
La Suisse est depuis de nombreuses années très active dans le domaine de l'éducation aux médias. Des centres spécialisés destinés au développement de programmes d'éducation aux médias et à la formation des maîtres ont été créés dans les années soixante-dix. Le niveau de développement de l'éducation aux médias varie cependant considérablement d'un canton à l'autre et il n'existe pas un modèle général pour l'ensemble du pays.
Les programmes suisses partagent toutefois une préoccupation commune concernant l'éducation à l'image. Ainsi, en Suisse française, le programme Découverte de l'Image du Centre d'Initiation aux Communications de Masse de Lausanne est axé sur l'initiation des jeunes à la reconnaissance et à l'analyse des signes visuels à partir d'images fixes. L'objectif de ce programme est de faire en sorte que les élèves en arrivent à mieux décoder leur environnement médiatique en apprenant à maîtriser le langage de l'image.
Par une série d'activités centrées sur l'analyse de différents types d'images, les élèves apprennent à faire l'inventaire des signes qui composent une image, à reconnaître les similitudes et les différences que présentent entre eux ces différents signes, à identifier les signes les plus utiles pour comprendre et interpréter les images, à déceler les stéréotypes véhiculés dans les représentations visuelles et à identifier le rôle que joue l'utilisation des aspects techniques (cadrage, plan, montage, etc.) dans la création du sens véhiculé par les images (Golay, 1988).
Le Centre d'Initiation aux Mass-Media du canton de Fribourg a lui aussi développé un modèle d'éducation aux médias principalement centré sur l'étude de l'image : Initiation aux Mass-Media (Centre d'Initiation aux Mass-Media, 1984). L'objectif de ce programme est d'apprendre aux élèves à " lire " les images d'une manière systématique et rigoureuse et à prendre conscience de leur caractère polysémique.
Dans ce programme, on n'aborde que très accessoirement l'étude des grands médias de masse comme la radio, la télévision ou le cinéma. On privilégie la bande dessinée et l'affiche publicitaire pour initier les jeunes à la découverte de leur environnement médiatique. Ce qui est central dans la démarche d'éducation aux médias de ce programme, c'est l'étude du message lui-même, soit ce qu'il signifie, et non l'étude des médias par lesquels il est transmis. Le contenu du programme est axé sur l'apprentissage des images dans une perspective sémiologique.
Les élèves sont ainsi appelés à maîtriser les concepts de dénotation et de connotation dans leur " lecture " des images et ils doivent se familiariser avec les codes techniques de la " grammaire " de l'image (cadrage, montage, choix des plans, etc.) afin de comprendre la manière dont ces procédés techniques influencent le sens que l'on perçoit d'une image. Ce programme a été officiellement intégré dans le programme d'enseignement des établissements scolaires cantonaux et c'est le Centre d'Initiation aux Mass-Media de Fribourg qui est chargé d'offrir des stages de formation pour les maîtres (Berger, 1983).
En Suisse alémanique, le décodage de l'image est également au coeur des préoccupations des spécialistes en éducation aux médias qui s'emploient à développer des outils didactiques en vue d'aider les élèves à maîtriser le langage de l'image (Doelker, 1992). Au Centre d'éducation aux médias de Zurich (Audiovisuelle Zentralstelle am Pestalozianum), qui, depuis de nombreuses années, s'emploie à développer du matériel didactique pour les enseignantes et enseignants de langue allemande, on ne se limite toutefois pas à l'initiation du jeune au langage de l'image. Une place importante est également réservée à l'étude critique de la télévision.
Dans le modèle zurichois, on aborde les rapports entre les jeunes et la télévision dans une perspective psychologique qui s'inspire des travaux de Piaget (Sturm et al., 1979; Doelker, 1979; Saxer et al., 1980; Saxer, 1992). Selon ce modèle, la tâche principale de l'éducation aux médias est d'amener les jeunes à reconnaître les différents modes de représentation utilisés par les médias, afin qu'ils prennent conscience que la réalité présentée dans les médias est différente de la réalité dont ils peuvent faire eux-mêmes l'expérience (Centre for the Study of Communication and Culture, 1985).
Dans d'autres cantons suisses, on a également développé des modèles d'éducation aux médias qui accordent une place importante à l'initiation pratique des jeunes à la création et à la réalisation de productions médiatiques qui font, encore là, beaucoup appel à la maîtrise des codes de la communication visuelle (Amt für Unterichtsforschung und Plannung der Erziehungsdirektion des Kantons Bern, 1981; Grossmann et Mayer, 1983; Groupe de travail romand et tessinois de l'audiovisuel à l'école, 1988).
L'Allemagne
En Allemagne, le domaine de l'éducation aux médias fait l'objet, aujourd'hui, d'une attention toute particulière de la part du milieu de l'éducation comme en témoignent les travaux de la conférence internationale, organisée en 1992 sur le thème " La compétence médiatique : le défi pour l'école et l'éducation " (Bertesmann Stiftung, 1992). Des études ont été menées récemment en vue de présenter un inventaire des formes que prend l'éducation aux médias dans les programmes scolaires des différents États allemands (" Länders ") (Eschenauer, 1989, 1992; Tulodziecki, 1992a; Tulodziecki et Schöpf, 1992).
L'Institut für Film und Bildung in Wissenschaft (Institut du film et de l'image pour les sciences et l'enseignement) est le principal centre de production de documents didactiques d'éducation aux médias. En outre, certaines stations régionales de radiodiffusion, telles la Westdeutscher Rundfunk (Radio ouest-allemande) et la Bayerisher Rundfunk (Radio bavaroise), produisent et diffusent des émissions d'éducation aux médias dans le cadre de leur mission éducative.
En Allemagne, comme d'ailleurs dans les pays où l'éducation relève de gouvernements provinciaux ou régionaux, le niveau de développement de l'éducation aux médias varie considérablement d'un État à l'autre.
Si certains États ne font que suggérer aux enseignantes et aux enseignants d'intégrer, sur une base volontaire, l'étude des médias, d'autres, comme la Bavière, se sont dotés d'une politique générale de l'enseignement aux médias qui intègre apprentissage de la production audiovisuelle et analyse critique à tous les niveaux du programme scolaire : Gesamtkonzept der Medienerziehung in der Schule (Politique générale de l'éducation aux médias à l'école) (Bayerischen Staatsministerium für Unterricht und Kultus, 1988).
Dans d'autres régions du pays, comme en Wesphalie du Nord, on a mis sur pied des projets ponctuels d'éducation aux médias destinés à développer un modèle conceptuel général d'éducation aux médias fondé principalement sur une démarche d'analyse critique des productions médiatiques : Projektgruppe Medienerziehung (Groupe de travail sur l'éducation aux médias) (Tulodziecki, 1992b).
La Communauté française de Belgique
Durant leurs années de formation, les enseignantes et enseignants belges reçoivent une soixantaine d'heures d'initiation aux moyens audiovisuels. Il s'agit pour l'essentiel de cours qui portent sur l'utilisation des médias audiovisuels à des fins d'aide à l'enseignement et non de cours sur les médias à proprement parler.
Depuis la fin des années quatre-vingt, on assiste cependant à une série d'initiatives visant la formation des enseignantes et enseignants à l'éducation aux médias, particulièrement à l'éducation critique à la télévision. Un programme a été développé pour ceux qui désirent, sur une base volontaire, intégrer l'éducation critique à la télévision dans leurs pratiques d'enseignement. Le programme Tout savoir sur la télé a été réalisé dans le cadre du projet Médiacteurs soutenu par la Communauté française de Belgique.
Il comprend huit dossiers pédagogiques qui abordent chacun un aspect particulier de la télévision : les particularités du langage télévisuel, les stratégies de programmation des chaînes de télévision; la télévision éducative, la programmation télévisuelle et les mesures d'auditoires, le journal télévisé, la fiction télévisée, les programmes de variétés et la connaissance des aspects techniques de la télévision (Media Animation-Médialogue, 1989). À tous les mois, la revue Mediacteurs publie un supplément qui permet à l'enseignante ou l'enseignant d'approfondir les connaissances présentées sommairement dans les différents dossiers du programme, qui fait d'ailleurs l'objet d'une mise à jour annuelle.
Devant le succès du programme et l'intérêt croissant pour l'éducation aux médias, un groupe de travail a été mis sur pied en 1990 en vue de présenter un état de la situation de l'éducation des jeunes à l'audiovisuel en Communauté française de Belgique (Fondation Roi Beaudoin, 1990). Dans la foulée de sa réflexion, le groupe de travail a mis sur pied le vaste projet-pilote d'éducation critique à la télévision Télécole, subventionné par la Fondation Roi Beaudoin.
Ce projet qui s'est déroulé durant l'année scolaire 1991-1992 impliquait 21 classes allant du niveau de la maternelle à celui de l'enseignement secondaire (Fondation Roi Beaudoin, 1993). La formation des élèves, durant ce projet, comportait une alphabétisation audiovisuelle (initiation aux codes du langage et du son) et une appropriation des éléments de base du langage télévisuel (ateliers de réalisation de courtes productions, visites d'installations professionnelles et de centres de ressources de documents audiovisuels).
Cette expérience avait comme objectif de démontrer la pertinence de l'éducation aux médias dans le cadre de la formation scolaire des jeunes et elle visait à sensibiliser les autorités scolaires à la nécessité d'intégrer officiellement cet enseignement. À cet effet, les responsables du projet ont suggéré, dans leurs recommandations, l'élaboration d'un programme-cadre d'éducation aux médias, pour les différentes clientèles scolaires de la communauté francophone de Belgique, qui devrait être élaboré sous peu.
La Grande-Bretagne
Il existe en Grande-Bretagne une très longue tradition dans l'enseignement aux médias qui remonte à l'époque de la création du British Film Institute (BFI) dans les années trente. À ses débuts, l'éducation aux médias était essentiellement consacrée à l'étude du cinéma. Sous l'appellation générale de Film Studies, de nombreux établissements scolaires britanniques intégraient, sur une base volontaire, l'enseignement du cinéma dans leur programme scolaire. L'approche théorique s'inspirait alors largement de la tradition de la critique littéraire, et le contenu des cours s'articulait autour de l'étude de notions de genres, d'auteurs, de mise en scène, etc. (Alvarado, 1977).
Vers le milieu des années soixante-dix, un mouvement se dessine en faveur de l'intégration de l'enseignement des autres médias, notamment la télévision, à l'intérieur du programme scolaire (Boscombe, 1974; Masterman, 1980). Le mouvement prend de l'ampleur sous l'impulsion notamment de la Society for Education in Film and Television (SEFT), un organisme qui se consacre à la promotion de l'éducation aux médias auprès des enseignantes et enseignants britanniques. C'est la SEFT qui publiera les revues Screen et Initiatives, qui deviendront des forums permettant de partager les résultats des expériences dans le domaine de l'enseignement sur les médias.
C'est toutefois dans les années quatre-vingt que l'éducation aux médias va se développer de manière spectaculaire en Grande-Bretagne, grâce notamment aux initiatives du BFI et à la SEFT qui produisent et diffusent de plus en plus de matériel didactique (" Teaching Pack ") dont s'inspirent les enseignantes et enseignants pour intégrer l'éducation aux médias dans leur enseignement des matières scolaires comme l'anglais. C'est également durant ces années que se précise un modèle britannique original d'éducation aux médias sous l'influence, notamment, de Len Masterman qui s'impose comme le théoricien le plus influent de l'éducation aux médias, et ce, non seulement en Grande-Bretagne, mais dans tous les pays anglo-saxons (1980, 1983a, 1983b, 1985, 1986, 1991).
L'objectif de Masterman est de systématiser, dans un cadre théorique rigoureux, les développements les plus récents dans le domaine de l'éducation aux médias en Grande-Bretagne, afin d'offrir aux enseignantes et enseignants les outils conceptuels leur permettant de guider de manière efficace leurs pratiques d'enseignement sur les médias. C'est également durant ces années que l'on voit se multiplier les regroupements régionaux d'enseignantes et d'enseignants intéressés par la problématique des médias et que le BFI organise à travers le pays des séminaires, des stages de formation, des conférences et des colloques consacrés à la promotion de l'éducation aux médias en milieu scolaire.
Ce qui caractérise le développement de l'éducation aux médias au Royaume-Uni, c'est que le mouvement s'est développé à la base. Ce sont en effet les enseignantes et enseignants qui sont responsables du développement de l'éducation aux médias dans leur école. Cela est rendu possible par le fait qu'ils jouissent d'une relative autonomie en matière de développement de programmes, ce qui n'est pas le cas dans la majorité des pays.
En effet, en Grande-Bretagne, ce n'est pas une autorité centrale qui décide entièrement des contenus des programmes qui sont offerts dans les institutions scolaires. Les écoles jouissent d'une certaine autonomie en matière de développement et d'innovation pédagogiques. Sous la pression des enseignantes et enseignants, de plus en plus nombreux à vouloir intégrer l'éducation aux médias dans le programme scolaire, notamment dans le cadre de l'enseignement de l'anglais, les écoles ont peu à peu ouvert la porte à l'expérimentation de projets éducatifs centrés sur l'enseignement, non seulement au cinéma et à la télévision, mais aussi à l'étude de tous les phénomènes sociaux et culturels associés aux médias.
À l'heure actuelle, on estime que 40 % des établissements d'enseignement secondaire en Grande-Bretagne offrent d'une manière ou d'une autre des cours d'éducation aux médias. Les élèves âgés de 16 ans et plus peuvent choisir l'éducation aux médias comme matière optionnelle comptant pour l'obtention de leur diplôme de certificat d'études. En Angleterre et au pays de Galles, on estime à plus de 10 000 le nombre d'étudiantes et d'étudiants qui se sont ainsi inscrits à ces cours optionnels en 1988 (British Film Institute et al., 1990).
Il est difficile de résumer l'ensemble de la production britannique dans le domaine du développement de programmes d'éducation aux médias; celle-ci est, en effet, très abondante et surtout très diversifiée. Le BFI et la SEFT publient chaque année un catalogue du matériel didactique disponible. Ce matériel prend la forme de guides d'enseignement (" Teaching Pack ") qui permettent d'aborder différents aspects liés à la problématique des médias.
On retrouve, à titre d'exemples, une série de documents consacrée au cinéma : étude des particularités des différents types de films, analyse du discours narratif cinématographique, étude du fonctionnement du " star system " hollywoodien, analyse de la représentation des femmes à l'écran, etc. D'autres documents portent sur l'étude de la télévision : analyse des particularités des différents genres d'émissions, étude des dimensions économiques et institutionnelles, etc.
Le matériel didactique permet d'aborder en classe l'étude des questions liées au processus de décodage des images ou encore l'analyse de l'influence des médias : étude des représentations sexistes, analyse des stéréotypes véhiculés dans les médias, etc. Ce matériel comprend également des exercices de simulation qui permettent aux élèves de s'initier au domaine de la production médiatique. Le personnel enseignant britannique dispose ainsi aujourd'hui d'un vaste répertoire de ressources qui lui permettent d'explorer, selon ses intérêts et ceux de ses élèves, différents aspects reliés à l'univers des médias .
L'Écosse
Bien qu'elle soit politiquement liée aux autres nations regroupées au sein du Royaume-Uni, l'Écosse a toujours fait preuve d'une large autonomie en matière d'éducation. Elle a entrepris, aux débuts des années quatre-vingt, une réflexion sur la manière d'intégrer l'éducation aux médias, afin de répondre aux besoins particuliers de son système scolaire (Scottish Council for Educational Technology, 1980, 1982; Scottish Film Council, 1981).
En Écosse, c'est le Scottish Film Council (SFC), qui assure l'encadrement et la promotion de l'éducation aux médias. Son rôle est comparable à celui que joue le BFI en Angleterre et au Pays de Galles. En 1984, le SFC procédait à l'inventaire des ressources didactiques disponibles (Cowle et Dick, 1984). Parallèlement au travail de promotion du SFC, on assistait à la création d'associations régionales d'enseignantes et d'enseignants intéressées à intégrer l'éducation aux médias dans leur enseignement.
Ces regroupements régionaux ont conduit à la création d'une association nationale, l'AMES (Association for Media Education in Scotland), qui publie le bulletin d'information Journal of the Association for Media Education in Scotland.
Cette revue présente les résultats d'expériences d'éducation aux médias entreprises dans les différents établissements scolaires écossais. Dans le cadre de la réforme du programme scolaire pour les élèves de 16 à 18 ans, entreprise par le ministère de l'Éducation, l'AMES, en collaboration avec le SFGC, proposait un programme modulaire d'enseignement aux médias composé de huit modules médiatiques (" Media Unit ").
Le premier module porte sur l'analyse des médias pris dans leur ensemble; les autres modules abordent l'étude des particularités des différents médias : télévision, radio, arts graphiques, photographie, journaux, périodiques, cinéma; et l'analyse des aspects reliés à l'industrie du divertissement populaire : musique rock et spectacles. Devant le succès des cours offerts à ce niveau, les enseignantes et enseignants écossais ont fait pression pour que l'enseignement aux médias soit introduit au niveau primaire et secondaire.
On estime aujourd'hui qu'en Écosse plus de 170 écoles primaires et secondaires offrent des cours d'éducation aux médias (Butts, 1986; British Film Institute et al., 1990). Le Scottish Film Council produit régulièrement de nouveaux programmes d'éducation aux médias qui abordent différents aspects de la culture médiatique, tels Picturing Women, qui porte sur la représentation féminine dans la photographie, et Local Heroes, qui s'intéresse au phénomène des groupes rock écossais et leur imbrication dans l'industrie des médias britanniques (Scottish Film Council, 1990a, 1990b).
L'Australie
L'Australie compte aujourd'hui parmi les pays les plus engagés dans l'intégration de l'éducation aux médias dans le cadre de son système scolaire. En Australie, on procède actuellement, pour la première fois, à l'évaluation systématique de l'impact de l'enseignement aux médias sur la clientèle scolaire (McMahon et Quin, 1992). Il n'existe toutefois pas encore de programme à l'échelle nationale, c'est donc dire que l'intégration de cet enseignement varie d'un État à un autre.
C'est le réseau des écoles catholiques qui, le premier, s'est intéressé à la problématique de l'enseignement aux médias. Reconnaissant l'importance du phénomène des médias chez les jeunes, le Sydney Catholic Education Office développa un programme d'éducation aux médias pour les écoles primaires et secondaires : Mass Media Education: Curriculum Guidelines for Primary and Secondary Schools (Canavan, 1972, 1975).
Ce programme, qui est encore largement utilisé dans le réseau des écoles catholiques australiennes, aborde l'étude de la presse, de la radio, de la télévision et du cinéma dans une perspective centrée sur l'analyse des valeurs véhiculées dans les médias. Ce programme peut autant servir à la mise sur pied de cours portant spécifiquement sur les médias qu'à l'intégration de l'éducation aux médias dans le cadre des autres matières scolaires.
En Nouvelle-Galles du Sud, le ministère de l'Éducation a établi une politique générale d'intégration de l'éducation aux médias de la maternelle à la fin de l'école secondaire : Mass Media Education K-12 (New South Wales Department of Education, 1984). Le programme, qui prend la forme de modules d'enseignement conçus pour les différents niveaux scolaires, adopte une perspective d'analyse sociologique sur la place et le rôle des médias dans la société. Les modules d'enseignement peuvent servir à développer des cours portant spécifiquement sur l'étude de la communication de masse, ou encore ils peuvent servir à l'étude de certains aspects particuliers des médias dans l'enseignement des autres matières scolaires.
En Australie méridionale, les programmes R-7 Media Lab et 8-12 Media Lab, qui s'adressent respectivement aux élèves du niveau primaire et secondaire, se présentent comme une série d'activités qui peuvent ponctuellement prendre place dans le cadre de l'enseignement des autres matières scolaires.
Les activités sont organisées autour de cinq grandes thématiques : le langage des médias, les intentions des messages, la forme et le contenu des messages, l'étude de l'influence des médias sur la société et l'étude des aspects techniques des médias. Ces activités sont conçues comme de courts projets médias que les élèves réalisent en petites équipes de travail. L'approche que privilégient ces programmes est centrée sur la production et la réalisation plutôt que sur l'analyse et l'acquisition de connaissances factuelles sur les médias (South Australia Education Department, 1983a, 1983b, 1984a, 1984b, 1984c).
En Australie occidentale, le programme Media Studies 8-12 vise à amener l'élève à comprendre la manière dont les médias participent au processus de construction et de représentation de la réalité, en fonction des publics particuliers auxquels ils sont destinés.
On estime que la compréhension des rapports qui unissent les médias à leurs publics permet aux jeunes de comprendre les particularités propres à chacun des médias. Barrie McMahon et Robin Quin ont préparé une série d'ouvrages destinés à aider à l'étude des médias en classe : Exploring Images (1984), Real Images: Film and Television (1985), Stories and Stereotypes (1987), Meet the Media (1988) et Australian Images (1990).
Ces manuels s'adressent aux jeunes et ils sont construits sur le modèle des manuels scolaires conventionnels. Chaque chapitre propose l'analyse d'un aspect particulier du processus de production médiatique. Une fois que les élèves ont pris connaissance des informations présentées dans le chapitre, ils sont invités à poursuivre leur réflexion sur certains aspects particuliers, par le biais d'activités de recherche.
L'Australian Teachers of Media (ATOM) regroupe les enseignantes et enseignants qui s'intéressent à la pratique de l'enseignement aux médias. En plus d'organiser une conférence annuelle sur les enjeux de l'éducation aux médias en Australie, elle publie le magazine d'information Metro, qui est spécialement destiné à assurer la promotion de l'éducation aux médias à travers le pays.
Les États-Unis
Durant les années 1970-1980 existait aux États-Unis un très grand intérêt concernant la problématique des jeunes et des médias, et on invoquait sérieusement alors la possibilité d'intégrer cet enseignement à l'intérieur du programme scolaire.
Une série d'expériences-pilotes furent mises sur pied par des universitaires -- particulièrement des chercheurs en communication -- en vue de développer et d'expérimenter des programmes d'enseignement critique à la télévision. Parallèlement, des conférences nationales sur l'éducation étaient organisées dans le but de définir les rapports entre l'école et la télévision. Ces rencontres concluaient que l'école se devait d'assumer sa responsabilité en matière de formation des jeunes, en offrant, à l'intérieur de ses programmes, des cours d'éducation critique à la télévision (Corder-Bolz, 1979).
Le contexte social était à ce moment très favorable à la réflexion qui s'amorçait sur le rôle de l'école dans la formation du jeune téléspectateur. Inquiets de l'impact négatif de la violence à la télévision, les parents, les éducatrices, les éducateurs et les membres des associations communautaires avaient contraint le gouvernement américain à mettre sur pied la commission sénatoriale d'enquête chargée de faire la lumière sur la problématique de l'influence de la télévision sur les jeunes.
Or, les travaux de la commission n'avaient pas conduit à l'établissement d'une réglementation concernant la diffusion de messages à caractère violents. Le problème demeurait donc entier. C'est à partir de ce moment que l'éducation aux médias commence à s'imposer comme une solution toute indiquée au problème de l'influence négative de la télévision sur les jeunes. En effet, un nombre de plus en plus important de chercheurs s'est alors engagé à développer et à expérimenter des programmes destinés à former l'esprit critique des jeunes à l'égard de la télévision.
Aux États-Unis, la question de l'éducation aux médias a donc été, au départ, uniquement centrée sur l'éducation critique à la télévision (critical viewing skills, critical televiewing, television receivership skills, television literacy), et les programmes n'abordaient que très accessoirement l'étude des autres médias. C'est la télévision qui demeurait au coeur des préoccupations des chercheurs, et il semble que les autres médias n'apparaissaient pas problématiques.
Les programmes américains d'éducation critique à la télévision vont proposer des perspectives souvent très différentes dans leur manière d'envisager l'éducation critique des jeunes à la télévision. Pour ceux qui sont convaincus de l'influence négative de la télévision, les programmes doivent servir à sensibiliser les jeunes aux dangers que représente l'écoute assidue de la télévision. Pour ceux, au contraire, qui estiment que la télévision joue un rôle important dans le processus de socialisation des jeunes, les programmes d'éducation critique à la télévision doivent sensibiliser les jeunes au rôle de la télévision en tant qu'expérience culturelle enrichissante.
Devant l'intérêt croissant du milieu de l'enseignement pour l'expérimentation de programmes d'éducation critique à la télévision, le ministère fédéral américain de l'Éducation va mettre sur pied un programme de subventions de recherche destiné à encourager le développement de matériel pédagogique relatif à l'éducation critique à la télévision pour les différentes clientèles scolaires.
Pour le niveau primaire, on retrouve le programme Elementary School Student's Critical Television Viewing Skills Project (Southwest Educational Development Laboratory, 1979); pour le premier cycle du secondaire, Critical Television Viewing (WNET/Thirteen, 1980a, 1980b); pour le deuxième cycle du secondaire, Inside Television (Far West Laboratory Office of Educational Project, 1980); et pour le niveau postsecondaire, Television Literacy (Boston School of Public Communication, 1981). Parmi les autres programmes importants d'éducation critique à la télévision développés durant ces années, citons le Teaching Critical Viewing Skills: An Integrated Approach (Ploghoft et Anderson, 1982), Getting the Most Out of TV, de même que Teaching Television (Singer et al., 1981a, 1981b).
Des enseignantes et enseignants du niveau primaire et secondaire vont également développer, à partir de leurs expériences d'enseignement, du matériel didactique destiné à l'éducation critique à la télévision (Lehman, 1980; Potter et al., 1979, 1980, 1981). De même, les associations communautaires préoccupées par la question de l'influence de la télévision sur les jeunes vont également développer du matériel pour la mise sur pied d'ateliers de sensibilisation critique à la télévision pour les jeunes et pour les adultes .
Au milieu des années quatre-vingt, on assiste aux États-Unis au développement d'un fort mouvement conservateur dans le milieu de l'éducation. Il s'agit d'un mouvement qui prône le " retour aux sources " (" back to basics "), c'est-à-dire le retour à l'enseignement exclusif des matières de " base " que sont l'anglais, les mathématiques, la religion, etc. Ce mouvement va annoncer le déclin rapide du développement des expériences originales d'éducation aux médias. Ce mouvement de " retour aux sources " s'opposait aux expériences innovatrices en éducation; le terme même " d'éducation critique à la télévision " était devenu suspect.
Plusieurs voyaient, en effet, d'un mauvais oeil, l'étude en classe d'un média de divertissement que l'on tenait par ailleurs responsable du désintéressement des jeunes pour la lecture et l'écriture, et à qui l'on reprochait d'envahir le temps de loisir des jeunes. Les années quatre-vingt vont être celles des " nouveaux médias ". L'engouement du milieu de l'enseignement pour l'intégration de la micro-informatique à l'école va complètement supplanter le mouvement en faveur de l'enseignement critique d'un média " traditionnel " comme la télévision.
On assiste cependant, aux tournants des années quatre-vingt dix, à une résurgence de l'intérêt pour l'éducation aux médias aux États-Unis. Influencées par les orientations théoriques qui se dessinent dans les autres pays anglo-saxons, notamment en Grande-Bretagne, en Australie et au Canada anglais, certaines associations américaines reprennent le flambeau de la promotion de l'éducation aux médias. Le mouvement est animé par des organisations comme le centre Strategies for Media Literacy, le National Telemedia Council et le Centre for Media and Values, qui publient les bulletins d'informations Strategies, Telemedium et Connect.
Ces publications ont pour objectif de favoriser la promotion de l'éducation aux médias parmi les enseignantes et enseignants américains. Des outils pédagogiques sont à nouveau développés en vue d'identifier des stratégies d'intégration de l'éducation aux médias à l'enseignement des matières traditionnelles. C'est le cas, par exemple, du programme Media and You, une initiative récente du centre Strategies for Media Literacy, qui s'adresse aux élèves de niveau primaire (Lloyd-Kohlin et Tyner, 1991).
Toutefois, comme le souligne Aimée Dorr dans son enquête sur la situation de l'éducation aux médias aux États-Unis, ces organisations sont présentement en dehors de l'" establishment " du milieu de l'enseignement américain et ne jouissent, pour le moment, d'aucune reconnaissance officielle de la part des autorités chargées de sanctionner l'intégration de nouvelles matières à l'intérieur des programmes scolaires existants (Dorr et Brannon, 1992).
Le Canada anglais
C'est au début des années quatre-vingt que l'on voit se développer au Canada anglais les premières véritables expériences d'éducation aux médias. Il s'agit là toutefois d'initiatives ponctuelles qui ont une portée très limitée. La formule privilégiée est celle de guides destinés à l'animation de courts ateliers (" workshops ") de sensibilisation critique à la télévision plutôt que l'élaboration de programmes complets.
C'est le cas par exemple du Media Education Workshop: "Happy Days" Project développé à la demande du ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique par des chercheurs universitaires (Urgerleider et Jacques, 1980). Ce matériel portait sur l'initiation à l'analyse critique d'une série de télévision américaine très populaire à cette époque. Le projet avait été conçu pour l'animation de courts ateliers auprès d'étudiantes et d'étudiants de niveau secondaire.
De même, le Children's Broadcast Institute de Toronto développait durant ces années son programme Guidelines for the Power of Television Workshops, destiné à la mise sur pied d'ateliers de sensibilisation à la télévision pour les parents et les éducateurs (Nostbaken et Nostbaken, 1981). La télévision éducative de l'Ontario a également conçu du matériel destiné à l'animation d'ateliers d'éducation critique à la télévision : Let's Play TV in the Classroom. Ce programme était axé sur l'initiation des jeunes aux aspects liés à la production technique des émissions de télévision (TVOntario, 1982).
C'est au milieu des années quatre-vingt que l'éducation aux médias va véritablement prendre son envol dans la province d'Ontario, sous l'impulsion conjuguée de l'Association for Media Literacy (AML) et du Jesuit Communication Project.
Appuyés par des groupes de parents, d'enseignantes et d'enseignants et des groupes de femmes, ces organismes ont mené un lobby très actif auprès du ministère de l'Éducation de la province, afin que l'enseignement aux médias soit intégré dans le programme des écoles secondaires de la province. Devant l'intérêt que soulevait l'éducation critique aux médias auprès des enseignantes et enseignants ontariens regroupés au sein de l'AML, les responsables du ministère de l'Éducation de la province ont accepté d'introduire l'étude des médias dans le cadre de l'enseignement des langues maternelles.
C'est ainsi qu'en 1986, le ministère a confié à l'AML et au Jesuit Communication Project le mandat de mettre sur pied une table de concertation qui était chargée de rédiger un programme-cadre d'éducation aux médias adapté au contexte ontarien. En 1989, le ministère a intégré officiellement l'éducation aux médias dans le programme scolaire pour les niveaux intermédiaire et supérieur de l'école secondaire et a accordé au document Media Literacy le statut de document d'appui (Ministry of Education of Ontario, 1989).
Une adaptation française du document a été réalisée à l'intention du personnel enseignant francophone de la province, La compétence médiatique (Ministère de l'Éducation de l'Ontario, 1989). Le programme ontarien propose l'étude des principaux moyens de communication de masse (cinéma, radio, télévision, livres, journaux, magazines, photographie) et l'analyse des principaux phénomènes et des principales problématiques associés à la culture masse-médiatique (musique populaire, vidéoclips, publicité, sexualité, pornographie, violence, identité nationale, etc.). L'adaptation française comporte une section originale qui traite des nouvelles technologies de communication et de leurs impacts.
L'approche sur laquelle se fonde le programme ontarien s'inscrit en filiation directe avec la perspective britannique développée en Grande-Bretagne sous l'influence de Len Masterman. Le concept central autour duquel s'articule tout le programme reconnaît que les médias ne reflètent pas la réalité extérieure, mais qu'ils présentent des constructions de cette réalité à des fins précises.
Les différentes sections du programme sont destinées à amener l'élève à s'interroger sur la manière dont les médias construisent la réalité, sur la manière dont le public interagit avec les médias, sur les incidences commerciales, sociales et politiques des médias et sur le fait que le contenu et la nature spécifique de chacun des médias sont étroitement liés.
C'est l'AML et le Jesuit Communication Project qui se chargent de faire connaître le programme auprès des enseignantes et enseignants anglophones de la province. Ils organisent périodiquement des séminaires de formation, en vue d'expliquer de quelle manière on peut progressivement intégrer l'éducation aux médias dans le programme d'anglais.
Ils présentent régulièrement des colloques et des conférences, dont celle qui se tient à tous les deux ans à l'Université Guelph et qui réunit des chercheurs d'un peu partout à travers le monde. L'AML publie également Mediacy, un bulletin d'information à l'intention des enseignantes et enseignants ontariens, et le Jesuit Communication Project publie, pour sa part, le bulletin de liaison Clip Board destinés à faire état des derniers développements au niveau international.
C'est un regroupement d'enseignantes et d'enseignants francophones, le Conseil pour l'intégration des médias en éducation (CIME), qui s'est chargé de faire connaître le programme La Compétence médiatique dans le réseau des écoles francophones. TVOntario, la chaîne française, joue également un rôle très actif dans la promotion de l'éducation aux médias.
Elle s'emploie à produire du matériel didactique complémentaire au programme-cadre, telle la série de 13 émissions télévisées Pop Médias, destinée à aider les jeunes à mieux analyser et décoder les divers messages et valeurs transmis, par exemple, dans une émission télévisée, un vidéoclip, une publicité ou un magazine. La série est regroupée autour de cinq blocs thématiques : la publicité, l'industrie de la musique, l'information, les émissions de divertissement et les magazines.
Selon les directives du ministère de l'enseignement de l'Ontario, l'étude des médias doit représenter 10 % de l'enseignement en septième et huitième année et 33 % pour les niveaux intermédiaires et supérieurs. Le personnel enseignant détermine lui-même la manière dont il entend intégrer l'étude des médias dans le cadre du programme d'anglais ou de français langue maternelle.
Le programme Media Literacy/La Compétence Médiatique, ayant le statut de document d'appui, n'est pas imposé. Les enseignantes et enseignants sont cependant invités à s'en inspirer. Le fait que ce soit l'éducation aux médias qui soit reconnue comme matière obligatoire et non le programme lui-même a eu une conséquence très importante. Cela a ouvert la voie au développement d'autres programmes d'éducation aux médias en Ontario.
C'est ainsi que l'AML et le Jesuit Communication Project ont encouragé les enseignantes et enseignants à développer leur propre matériel didactique. Il existe aujourd'hui en Ontario un matériel pédagogique abondant et diversifié qui permet au personnel enseignant de se familiariser avec la problématique de l'éducation aux médias. Parmi les programmes les plus utilisés, citons les programmes suivants : Meet the Media (Livesley et al., 1990 ), Media Scenes and Class Acts (Livesley, 1987), Media: Images and Issues (Carpenter et al., 1988), Mass Media and Popular Culture (Duncan, 1988) et Media Works (Andersen, 1989).
L'Office National du Film du Canada a également produit les documents vidéos Media and Society, qui sont utilisés pour l'enseignement sur les médias (National Film Board of Canada, 1989). De même, la Canadian Broadcasting Corporation a développé des documents vidéos, tel Inside the Box, qui servent à l'étude des nouvelles télévisées. Certaines commissions scolaires de la province ont, elles aussi, développé leur propre matériel didactique en fonction de leurs besoins spécifiques. L'AML publie un répertoire à jour des ressources didactiques disponibles : The AML Anthology (Smart, 1992).
Lors de la dernière conférence internationale sur l'éducation aux médias, organisée par l'AML en mai 1992, une association nationale a vu le jour : la Canadian Association of Media Education Organizations (CAMEO), qui entend regrouper les associations provinciales qui militent en faveur de l'éducation aux médias dans les différentes régions du pays. Pour le moment, il s'agit toutefois d'un mouvement embryonnaire puisque, pour la très grande majorité des autres provinces, le mouvement pour l'éducation aux médias en est encore à ses débuts.
Le Québec
Au Québec, ce sont les milieux associatifs qui ont été les premiers à s'intéresser à l'éducation aux médias. C'est ainsi qu'au milieu des années quatre-vingt, l'Association nationale des téléspectateurs entreprenait une série d'initiatives visant la promotion de l'éducation critique à la télévision : mise sur pied d'ateliers de sensibilisation pour les parents, les éducateurs et les animateurs en loisir socio-éducatif et culturel; organisation de colloques et de séminaires sur le thème de l'éducation critique des téléspectateurs; et développement de matériel didactique destiné à la formation des jeunes téléspectateurs (Caron-Bouchard et al., 1986a, 1986b; Lauson, 1986; Piette, 1985; Piette et al., 1986).
Pour sa part, le Centre St-Pierre anime depuis plus de quinze ans des ateliers d'éducation aux médias en milieu populaire. Son public est celui des adultes et son action se situe la plupart du temps en dehors du cadre scolaire (Centre St-Pierre, 1993; Labarre, 1988). D'autres groupes comme Évaluation Médias/Media Watch ont également développé du matériel en vue de sensibiliser les adultes aux effets des stéréotypes véhiculés dans les médias.
La question de l'influence des stéréotypes sexistes dans les médias et leur impact sur les jeunes a également amené certains organismes à développer, de manière ponctuelle, des outils de sensibilisation et d'éducation critique. Ce fut le cas notamment de la CEQ qui a développé, en 1988, un guide d'animation de sensibilisation aux stéréotypes sexistes à l'intention des enseignantes et enseignants (Gratton et Joncas, 1988).
Le gouvernement du Québec a également produit un document didactique, Clip mais Clip Égal, qui dénonce les stéréotypes sexistes présentés dans les vidéoclips. Certaines écoles ont mis sur pied des initiatives en vue de sensibiliser les élèves à l'influence des médias, mais il s'agit de projets très limités qui sont restés sans lendemain.
Ces deux dernières années, le mouvement en faveur de l'éducation aux médias a pris de l'ampleur au Québec, grâce aux initiatives provenant du milieu du cinéma et de l'éducation. En 1991, l'Association des cinémas parallèles du Québec développait un programme d'éducation filmique à l'intention des élèves du niveau primaire : Cinémagie (ACPQ, 1991).
En outre, il y a trois ans, l'Institut québécois du cinéma -- l'organisme chargé de conseiller le gouvernement du Québec en matière de développement cinématographique -- entreprenait une étude sur les besoins de formation des jeunes au cinéma. Dans son rapport sur l'état de la question, l'Institut identifiait l'éducation filmique comme une de ses priorités pour les années à venir (Institut québécois du cinéma, 1992).
Dans la foulée de ce rapport, l'Institut mettait sur pied une table de concertation regroupant des représentants de l'Institut, du ministère de la Culture, du ministère de l'Éducation, de Radio-Québec, de la Cinémathèque québécoise et de la Centrale de l'enseignement du Québec, en vue d'élaborer un plan d'action destiné à l'intégration d'un programme d'éducation filmique dans les écoles du Québec (Institut québécois du cinéma, 1993) .
Le milieu de l'éducation fait montre également d'un intérêt croissant pour la problématique de l'éducation aux médias et l'on voit se multiplier les initiatives dans le but de développer des outils pédagogiques destinés à favoriser l'expérimentation de l'éducation aux médias dans les écoles québécoises. La CEQ a ainsi collaboré à la production du guide d'animation qui accompagne le document didactique La population face aux médias, réalisé par Lina Trudel, de l'Institut canadien d'éducation aux adultes (ICEA) (Trudel, 1992; ICEA, 1993; ICEA-CEQ, 1993).
Le document de l'ICEA est destiné à la mise sur pied d'ateliers et de sessions de formation pour les adultes, concernant l'influence des médias sur la population et les moyens dont dispose le public pour faire entendre sa voix. Le programme de l'ICEA s'inscrit dans une perspective d'intervention proche de celle privilégiée par le Centre St-Pierre.
C'est du côté anglophone québécois que l'éducation aux médias semble toutefois se développer plus rapidement. Ainsi, le Centre for Literacy, qui est affilié au Collège Dawson de Montréal, a réorienté depuis deux ans son action en vue de la promotion active de l'éducation aux médias auprès des enseignantes et enseignants anglophones. Cet organisme publie, sur une base régulière, le bulletin d'information sur l'éducation aux médias, Media Focus, et il organise des activités destinées à la formation du personnel enseignant anglophone.
Le ministère de l'Éducation du Québec a constitué, pour sa part, une table de concertation regroupant des intervenants du milieu scolaire anglophone en vue de la production d'un guide pour l'intégration de l'éducation aux médias dans le programme English Language Arts Secondary 1-V: Media Files (Ministère de l'Éducation du Québec, en préparation). Le programme se propose d'aborder, sous forme de modules, l'étude des magazines, des journaux, de la radio, la communication visuelle et la culture populaire.
En juin 1993, le Centre for Literacy, en collaboration avec le Service des collectivités de l'UQAM, organisait le premier colloque d'importance sur l'éducation aux médias au Québec : Vivre avec les médias, ça s'apprend ! Cet événement réunissait des intervenants du milieu scolaire francophone et anglophone du Québec et de l'Ontario.
Ce colloque devrait marquer un point tournant dans le développement de l'éducation aux médias au Québec. Les participantes et participants ont clairement manifesté le désir de travailler de manière concertée à créer les bases d'un réseau d'échanges destiné à assurer la promotion de l'éducation aux médias, aussi bien du côté anglophone que francophone.
D'ailleurs, la création de l'Association québécoise pour l'éducation aux médias/Association for Media Education in Québec vise à regrouper dans un même organisme des personnes des deux communautés linguistiques intéressées par la problématique de l'enseignement aux médias. L'objectif de cette association est de constituer, à l'intérieur des différentes commissions scolaires, des réseaux d'enseignantes et d'enseignants intéressés à assurer au sein de leur école la promotion et l'expérimentation de l'éducation aux médias en classe.
L'éducation aux médias ailleurs dans le monde
Le mouvement en faveur de l'éducation aux médias ne se limite pas aux seuls pays industrialisés; certains pays en voie de développement sont également très actifs dans le domaine. Dans la plupart de ces pays, les projets émanent très souvent d'organismes catholiques, tels les Offices de communications sociales qui oeuvrent auprès des milieux populaires.
Cette implication des organismes à caractère religieux s'inscrit dans la mission sociale de l'Église, telle qu'énoncée dans le décret du Concile Vatican ll, qui porte sur les instruments de la communication sociale. Les réseaux des écoles catholiques de certains pays se sont engagés à encourager les initiatives visant la mise sur pied de cours destinés à l'initiation des jeunes aux grands médias de masse.
Ainsi, à Malte, c'est le Secrétariat pour la communication sociale qui a développé les programmes qui servent à l'enseignement aux médias dans le réseau des écoles primaires et secondaires catholiques du pays : Media Workbook, Media Teacher's Handbook (Borge, 1985) et Media Studies (Borge, 1989). En Colombie et aux Philippines, les programmes d'éducation aux médias qui ont été développés émanent également d'organismes très proches des milieux catholiques (Dominquez, 1990; JES-COM-Philippines et People in Communication, 1989).
Soulignons enfin que, depuis le début des années soixante-dix, l'Unesco s'est également engagée activement dans la promotion de l'éducation aux médias. En plus d'organiser périodiquement des rencontres internationales sur le thème de l'éducation aux médias, l'Unesco a commandé une série d'études destinées à présenter l'état du développement de l'éducation aux médias à travers le monde (Unesco, 1977, 1982, 1983, 1984).
L'Unesco a également demandé l'élaboration d'un programme-cadre d'éducation aux médias qui pourrait servir de modèle au niveau international. C'est Sirkka Minkkinen (1978), qui avait travaillé à la conception du programme finlandais, qui a été chargée de concevoir le programme international d'éducation aux médias parrainé par l'Unesco.
L'intérêt de l'Unesco pour l'éducation aux médias s'inscrit dans la démarche que poursuit l'organisme depuis le début des années soixante-dix dans la promotion d'un Nouvel ordre mondial de l'information et des communications. Pour l'Unesco, l'éducation aux médias apparaît, en effet, comme une solution aux inégalités qu'engendre l'accès inégal à l'information dans le monde. Elle considère que les populations en voie de développement doivent apprendre à développer leur sens critique à l'égard des moyens de communication, qui sont largement contrôlés par les pays occidentaux.
B. Les courants d’inspirations théoriques
Suivant Jacques Piette (L'éducation aux médias : un bilan), les courants (perspectives) qui ont influencé les pratiques dans les années 70-80 sont au nombre de six :
La perspective des effets
Une première perspective regroupe les programmes qui visent à contrer les effets des médias sur les jeunes. L'objectif principal de ces programmes est d'éduquer le jeune aux dangers des effets potentiellement négatifs que peuvent avoir sur lui les médias. Ces programmes considèrent que les médias présentent trop souvent des images déformées de la réalité, notamment au chapitre des comportements antisociaux (violence, stéréotype, racisme, préjugé, sexisme, etc.).
Selon cette perspective, on est donc avant tout préoccupé par l'impact négatif que peuvent avoir sur le développement psychologique des jeunes les images déformées de la réalité diffusées par les médias. On craint que les représentations du monde que proposent les médias, et tout particulièrement la télévision, n'entretiennent une dangereuse confusion entre la réalité et la fiction dans l'esprit des jeunes.
Ces programmes considèrent les jeunes comme une masse d'individus atomisés qui réagissent de manière homogène aux messages des médias. Les jeunes sont ainsi perçus comme des téléspectateurs passifs, des êtres vulnérables, voire des victimes livrées aux pouvoirs tout-puissants des médias. On considère que les jeunes ne sont pas véritablement en mesure de développer par eux-mêmes un comportement autonome à l'égard des médias.
On estime que ce sont les adultes (parents et éducateurs) qui doivent s'immiscer dans la relation que les jeunes entretiennent avec les médias en vue de contrer leurs effets. Selon cette perspective, l'adulte doit devenir un agent de médiation qui brise la relation de passivité qui caractérise les rapports entre les jeunes et les médias.
Dans ce type de programmes, la tâche du personnel enseignant est d'amener les jeunes à identifier, pour les dénoncer, les aspects négatifs des médias. On estime que c'est en prenant conscience des aspects potentiellement négatifs que les jeunes peuvent développer leurs habiletés de jugement critique à l'égard des médias.
L'éducation aux médias présente ici un caractère très normatif, car elle vise à proposer aux jeunes des modèles alternatifs ÷ socialement plus acceptables ÷ que ceux véhiculés par les messages des médias. Les contenus de ces programmes sont ainsi principalement centrés sur l'acquisition de connaissances qui permettent aux jeunes d'identifier les visions déformées de la réalité proposées dans les médias.
Parmi les programmes qui adoptent cette perspective des effets, on retrouve certains programmes américains d'éducation critique à la télévision, tels ceux développés pour les élèves de niveau primaire : Getting the Most Out of TV (Singer et al., 1981) et Elementary School Student's Critical Television Viewer Skills Project (Southwest Educational Development Laboratory, 1979); de même que celui développé pour les étudiants de niveau collégial: Television Literacy: Critical Television Viewing Skills (Boston University School of Public Communication, 1981). Dans le cas de ce dernier programme, l'accent est mis sur une analyse des effets indirects et cumulatifs des médias sur la société plutôt que sur l'étude des effets directs sur l'individu.1
La perspective des usages et des satisfactions
Une deuxième perspective rassemble les programmes qui adoptent au contraire une approche très positive centrée sur les usages et les satisfactions. Dans ce type de programmes, il ne s'agit aucunement de prémunir les jeunes contre les effets des médias, mais bien de s'assurer que la relation qu'ils entretiennent constitue une expérience culturelle enrichissante.
Ces programmes reconnaissent que les médias ont un rôle très important à jouer dans le processus de socialisation des jeunes. Ils perçoivent en quelque sorte les médias comme des « fenêtres sur le monde ». On estime ainsi que le contact avec les médias est l'occasion pour les jeunes d'apprendre à mieux comprendre la société complexe dans laquelle ils sont appelés à évoluer. Ces programmes ne voient nullement les jeunes comme des victimes potentielles des médias.
Bien au contraire, les jeunes sont vus comme des récepteurs actifs qui choisissent rationnellement de s'exposer aux médias en fonction de leurs besoins et de leurs attentes personnelles, qui sont nécessairement différents de ceux des autres. Selon cette perspective, ce ne sont pas les médias qui ont des effets sur les jeunes, ce sont les jeunes qui s'exposent aux contenus des médias en fonction de leurs attentes et de leurs besoins particuliers. On estime, en outre, que les médias ont des effets limités puisque ce sont les jeunes qui ont le contrôle sur les médias et non l'inverse.
L'éducation aux médias est vue dès lors comme une occasion unique pour les jeunes d'apprendre à se découvrir en tant que consommateur des médias; on considère que c'est en apprenant à mieux connaître leurs besoins personnels que les jeunes pourront devenir des consommateurs plus avertis.
Le contenu des programmes qui adoptent cette perspective se partage entre deux dimensions principales : une meilleure connaissance de la part des jeunes de leurs propres habitudes de consommation et une meilleure connaissance de la manière dont sont produits les messages des médias, c'est-à-dire la nature du processus de production de la part des médias. On souhaite que les jeunes développent des critères personnels qui guident leur consommation des médias et qui leur permettent de sélectionner de manière plus judicieuse ce à quoi ils s'exposent.
Les jeunes deviennent des téléspectateurs critiques s'ils sont capables de comprendre et d'exposer clairement la nature de la relation qu'ils entretiennent avec les médias. Ils sont aussi critiques s'ils peuvent analyser et évaluer objectivement la qualité des différentes composantes des émissions de télévision (jeu des comédiens, direction artistique, décor, éclairage, musique, rythme, etc.) en fonction du genre auquel appartiennent ces émissions (humour, divertissement, documentaire, information, etc.) et du public auquel elles sont destinées.
Un grand nombre de programmes américains d'éducation critique à la télévision adoptent cette perspective des usages et satisfactions, tels le Critical Television Viewing (WNET/Thirteen, 1980), Inside Television (Far West Laboratory Office of Educational Project, 1980), Teaching Critical Television Viewing Skills: An Integrated Approach (Ploghoft et Anderson, 1982).2
La perspective critique
Une autre catégorie rassemble les programmes qui adoptent une perspective critique, tel que l'envisagent, par exemple, les chercheurs qui se réclament d'une approche marxiste dans l'étude du rôle et de l'influence des médias. Selon cette perspective, l'éducation aux médias doit principalement être centrée sur l'analyse du rôle et de l'influence des médias dans le maintien et la reproduction des inégalités sociales, via l'étude des dimensions économiques et politiques des médias.
L'objectif principal est d'amener le jeune à réaliser que les médias véhiculent des idées et des valeurs qui servent avant tout les intérêts de certains groupes particuliers, dont ceux qui possèdent et contrôlent les médias. On considère que les médias présentent des conceptions de la réalité qui contribuent à légitimer les intérêts des classes dominantes. Dans ces programmes, on insiste beaucoup sur la menace d'uniformisation et de nivellement culturel que représentent les grands médias de masse.
On estime que les médias ont des effets manipulateurs très puissants et l'on considère le public des médias comme une masse d'individus atomisés, c'est-à-dire des victimes passives qui subissent le conditionnement idéologique des médias.
Ce type de programme ne se concentre pas sur l'étude d'un média en particulier, mais aborde l'analyse du rôle que joue l'ensemble des médias au sein de la dynamique sociale. On vise à amener le jeune à prendre conscience des contradictions sur lesquelles repose l'organisation de la société divisée en classes ayant des intérêts irréconciliables.
L'accent est mis sur l'étude des dimensions idéologiques des messages véhiculés par les médias. On cherche ainsi à révéler le rôle des médias dans le processus qui conduit à l'aliénation culturelle des masses et à l'appauvrissement des points de vue divergents dans la société.
Parmi les programmes qui adoptent cette perspective, on retrouve le programme finlandais développé au début des années 1970, Mass Communication Education in the Finish Comprehensive School (Committee Report on the Curriculum Planning for Comprehensive School in Finland, 1970), la section « The Companies You Keep » du programme du British Film Institute, Seeling Pictures (Bazalgette et al., 1983) et le programme développé pour l'Unesco, A General Curricular Model for Mass Media Education (Minkkinen, 1978).3
La perspective sémiologique
Certains programmes européens adoptent pour leur part une perspective sémiologique et font de la question du sens des messages le fondement même de l'enseignement des médias. Le contenu de ce type de programme est centré sur l'analyse du langage des médias et sur l'étude du processus par lequel la signification des médias s'impose au récepteur. Ces programmes postulent que les jeunes sont trop souvent passifs dans la relation qu'ils entretiennent avec les médias, ce qui les rend captifs du sens que cherchent à leur imposer les médias.
Ces programmes visent à enseigner aux jeunes la manière dont les médias s'y prennent pour imposer aux récepteurs certains cadres interprétatifs déterminés, certaines connotations particulières. Par le biais d'exercices centrés sur l'analyse d'images, on amène les jeunes à réaliser le caractère polysémique des messages et la manière dont les médias réussissent à réduire ce caractère polysémique.
Dans ces programmes, la culture de masse est étudiée avant tout comme un système signifiant structuré, comme un phénomène de langage. Le contenu de ces programmes propose aux jeunes un apprentissage des codes et des règles par lesquels le langage de l'image et le langage de l'audiovisuel produisent de la signification.
Selon cette perspective, l'étude des médias devient relativement secondaire, car ce n'est pas l'analyse du canal par lequel les messages sont véhiculés qui importe, mais bien l'étude du message lui-même. Certains programmes développés en Suisse adoptent cette idée, tels que Initiation aux Mass-Media: Méthodologie destinée aux élèves du cycle d'orientation (Centre d'Initiation aux Mass-Media, 1984) et Découverte de l'Image (Centre d'Initiation aux Communications de Masse, 1980).4
La perspective éthique
D'autres programmes envisagent l'éducation aux médias avant tout dans une perspective éthique. La question des valeurs véhiculées par les médias constitue la principale source de préoccupations de ce type de programmes.
L'objectif principal est de susciter chez les jeunes une réflexion sur l'impact des médias sur le système des valeurs des individus et de la société. Le contenu de ces programmes est donc largement centré sur l'analyse des modèles relationnels que proposent les médias, particulièrement la télévision, dont on craint l'énorme pouvoir de fascination et de séduction auprès des jeunes.
Ces programmes accordent une place importante à l'étude de problématiques comme l'impact de la violence, du sexisme et des stéréotypes véhiculés dans les médias. On s'intéresse également à cerner les différentes conceptions du monde que proposent les médias.
On voit, par exemple, comment la publicité cherche à imposer ses définitions du bonheur, de la réussite et des rapports sociaux, ou encore comment les séries télévisuelles de fiction proposent des modèles de relations interpersonnelles, suggèrent des manières de résoudre les conflits et finissent par imposer des systèmes de valeurs.
Dans cette catégorie de programmes, on retrouve ceux développés par les organismes associés aux institutions religieuses, comme les programmes créés en Australie pour le réseau des écoles catholiques (Canavan, 1972, 1975); le programme américain Television Awareness Training (Media Action Research Center, 1979); ou le matériel didactique développé récemment par le groupe américain Media and Values.
La perspective pratique
Finalement, on peut regrouper dans une même catégorie les programmes qui privilégient une approche centrée principalement sur l'initiation du jeune aux dimensions pratiques de la production médiatique. Ces programmes considèrent que la connaissance de l'univers des médias passe avant tout par l'expérimentation de la production de messages. Ils estiment que c'est encore par la production de messages que les jeunes peuvent le mieux comprendre les caractéristiques particulières du langage des médias.
Le contenu de ces programmes est donc axé sur l'apprentissage des techniques et des procédés de production de la communication audiovisuelle. L'objectif principal est de fournir l'occasion au jeune de découvrir de lui-même « la réalité derrière l'image » et de prendre conscience des possibilités d'expression créatrice qu'offrent les médias. On vise à initier les jeunes aux contraintes techniques des médias qui influencent la production médiatique. Certains programmes développés au Canada ont privilégié cette perspective technique.
C'est le cas, par exemple, du programme Au-delà de l'image, développé pour L'Association nationale des téléspectateurs (Lauson, 1985), et du guide conçu par TVOntario, aux débuts des années quatre-vingt, pour la mise sur pied d'ateliers d'initiation à la télévision (TVOntario, 1982). De même, le programme australien Media Lab, conçu par le ministère de l'Éducation de l'Australie méridionale, accorde une place très importante à l'apprentissage des aspects pratiques de la production médiatique (South Australia Education Department, 1983, 1984a, 1984b, 1984c).
Si la catégorisation des programmes que nous venons de présenter peut s'avérer utile pour saisir les différences et les similitudes que présentent les programmes entre eux, il importe toutefois de souligner que cette catégorisation demeure quelque peu grossière. Il est rare, en effet, que les programmes se limitent à une seule perspective.
Très souvent, les programmes qui privilégient une perspective particulière intègrent également l'étude d'aspects liés à d'autres approches. Par exemple, la plupart des programmes comportent des activités liées à l'initiation du jeune à une certaine forme de pratique des médias. De même, les programmes qui adoptent une perspective des effets s'intéressent très souvent à la dimension morale et éthique et vice versa.
Cela étant dit, on constate malgré tout que, durant cette phase d'expérimentation, l'éducation aux médias s'est développée selon des perspectives fort différentes et qu'elle n'a pas réussi à développer un cadre théorique unifié capable d'intégrer ces diverses approches. C'est seulement à partir du milieu des années quatre-vingt que commence progressivement à émerger un cadre théorique général qui s'efforce d'unifier, dans un tout cohérent, les diverses pratiques d'enseignement aux médias.
3. L’éducation aux médias en Belgique francophone
Historique de l’implantation institutionnelle de l’éducation aux médias en Belgique francophone
La nécessité de l’éducation aux médias s’est imposée dans notre société depuis une trentaine d’années. En Belgique, elle résulte essentiellement d’un mouvement issu de la base (parents, éducateurs, enseignants individuels et associations) vers les centres de décision politiques et administratifs.
Facteurs contextuels propres à la Belgique francophone
- La pratique de l'image
- Un rapport problématique à la langue
- Une crise des médias
- Une déception pédagogique en éducation par les médias
Réunions d’experts
Il faut rappeler que, dès 1973, plusieurs réunions d’experts ont eu lieu en Europe sur ce thème. Des initiatives éparses existaient en Communauté française, mais il est apparu que faute d’un dispositif structuré, on en restait au stade des expériences limitées.
Les travaux menés par la Médiathèque de la Communauté française
, notamment à travers les formations qu’elle organise pour les enseignants, ses collections en éducation aux médias, la publication de deux quides destinés au grand public et aux éducateurs et la réunion périodique d’un groupe de réflexion sur l’audiovisuel et la pédagogie, aboutissent, en octobre 1992, au Livre blanc “ Pour une éducation aux médias généralisée en Communauté française de Belgique ”.
Les travaux menés par la Fondation Roi Baudouin
aboutissent à la publication, en 1990, de l’étude “ Pour l’éducation des jeunes à l’audiovisuel ”. A la suite de l’Opération Télécole – expérimentation de l’éducation aux médias dans 21 classes de la maternelle au secondaire – la Fondation Roi Baudouin énonce, en 1993, les objectifs et les exigences d’une politique d’éducation aux médias.
Un groupe de réflexion
est chargé par le ministre de l’Education et de l’Audiovisuel, d’élaborer un rapport “ L’éducation à l’audiovisuel et aux médias ”, en 1993-1994.
Le dispositif
C’est à la suite des conclusions de ce rapport que le dispositif actuel est mis en place en 1995. L’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 19 mai 1995 crée un Conseil de l’Education aux Médias et officialise un Centre de ressources en éducation aux médias par réseau d’enseignants. Ce dispositif a pour but de généraliser, de stabiliser et de permettre la permanence des initiatives éparses qui existaient jusque là en matière d’éducation aux médias.
Le Conseil de l’Education aux Médias
Composé de personnes représentatives du monde de l'enseignement et des médias, d'experts universitaires, de représentants de l'administration de l'Education et de l'Audiovisuel, ainsi que de représentants du Gouvernement de la Communauté française, le Conseil de l'Education aux Médias a pour mission de :
- Donner des avis au Gouvernement sur toute question relative à l'éducation aux médias, et en particulier sur
- les priorités en matière d'éducation aux médias ; il lui appartient de définir les grandes orientations en concordance avec les objectifs généraux de l'enseignement;
- l'intégration de l'éducation aux médias dans les programmes de formation continuée et de formation initiale à destination des enseignants ;
- l'introduction de l'éducation aux médias dans les branches obligatoires et par conséquent son intégration dans les socles de compétences et dans les programmes d'enseignement à soumettre à l'approbation du ministre.
- Stimuler, notamment par le biais des Centres de ressources, des actions, des recherches, des expériences pédagogiques, susceptibles de promouvoir et d'évaluer l'éducation aux médias .
- Favoriser la coopération entre les différents partenaires concernés par l'éducation aux médias (centres de ressources, centres de distribution, Médias, associations socioculturelles, presse audiovisuelle et presse écrite ).
Les centres de ressources en éducation aux médias
Le CEM travaille en collaboration avec les Centres de ressources en éducation aux médias, reconnus par le Gouvernement de la Communauté française :
- pour l'enseignement de la Communauté française : le Centre d'Autoformation et de Formation continuée de la Communauté française à Tihange
- pour l'enseignement subventionné officiel: le Centre Audiovisuel de la Ville de Liège
- pour l'enseignement subventionné confessionnel: l'ASBL Média Animation
Fait remarquable, l’assistance de ces trois centres de ressources peut être attribuée à tout établissement scolaire, même appartenant à un autre réseau. Un pas vers la fusion des réseaux ?
Education par les médias et éducation aux médias
Les pédagogies de l'éducation aux médias
Les multiples observations mises en place, notamment par les recherches menées par le CLEMI font apparaître que les enseignants recourent à différents types d’activités pour pratiquer l’éducation aux médias. Cette situation résulte
- en partie du fait qu’aucune pédagogie n’est imposée par le ministère
- et en partie par l’origine des initiatives prises par les enseignants pionniers, dans l’axe de leurs intuitions respectives.
Les activités se distribuent en cinq catégories : la production de médias, l’analyse des médias, les théories des médias, la prise de conscience psychoaffective et les activités ludiques.
Chacune de ces catégories présente des avantages et des limites. Le tableau ci-dessous en propose un aperçu.
Modalités pédagogiques d’éducation aux médias
Les observations menées ces dernières années conduisent à favoriser une combinaison des modalités pédagogiques - production, analyse, théorie, émotion - dans les activités choisies par l’enseignant. Il apparaît que chaque enseignant accentue les modalités vis-à-vis desquelles il se sent le plus à l’aise.
Chapitre 3: les effets de l'éducation aux médias
(Etude de la recherche menée au CLEMI de 1994 à aujourd’hui.)
Hypothèses:
hypothèses concernant les élèves
Hypothèses concernant les enseignants
Champ d'investigation; cinq sites considérés comme pilotes
Méthode
Évaluation de la méthode
Résultats
Concernants les élèves
Concernant les ensignants
Conclusion : scénarios prospectifs de l’évolution de l’éducation aux médias.
Source : Education aux médias : les controverses fécondes, Jacques Gonnet, CNDP / - 2001 - Collection : Ressources formation - ISBN : 2-240-00699-4
A partir de l’inventaire dressé par Jacques Gonnet dans l’ouvrage ci-dessus, on peut distinguer quatre scénarios sur l’évolution de l’éducation aux médias pratiquée à l’école :
1. Le saupoudrage et les compétences fondamentales: approche du CEM
2. La spécialisation disciplinaire : exemple de l’Académie de Versailles
3. Une tension dynamique par rapport au système scolaire (Jacques Gonnet)
4. Une réforme éducative: Geneviève Delaunnay-Jacquinot : « Fonder toutes les pratiques sur partenariat entre l'école et les médias d’où, une nouvelle identité du pédagoque. «
Questions d'examen en Éducation aux médias (COMU 2269)
Questions
1. Définissez le concept de média, tel qu'il est utilisé dans le cours.
2. Où en est l'introduction de l'éducation aux médias dans l'enseignement de la communauté française de Belgique ?
3. Quels facteurs ont favorisés l'émergence de l'éducation aux médias en Belgique francophone ?
4. En quoi la tradition chrétienne peut être elle vue comme une base à l'interrogation sur les médias, mais aussi à leur mise en place. (réf. "Qui me voit, voit le Père... C'est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres oeuvres." (Évangile de Saint Jean 14, 9-11))
5. Quel est le rapport entre la querelle historique des iconoclastes et des iconodules, et l'éducation aux médias ?
6. L'éducation scolaire aux médias en Belgique francophone est-elle conçue comme une discipline spécifique ? Quels sont les avantages et les inconvénients de cette conception ?
7. Définissez l'éducation aux médias comme si vous deviez la présenter à quelqu'un qui en ignore tout.
8. Les médias sont gérés par des professionnels spécialisés dans la conception de documents médiatiques adaptés aux différents publics. Dans un tel contexte, l'éducation aux médias a-t-elle encore une justification ?
9. Quelle est la différence entre éducation aux médias l'éducation par les médias ?
10. Quelles thématiques ont été identifiées en Belgique francophone comme recelant les notions indispensables à l'éducation aux médias ?
11. Quelle est votre opinion sur la pertinence de ces thématiques ?
12. A quels problèmes l'éducation aux médias tente-t-elle de répondre ?
13. Quels arguments justifieraient une coordination internationale de l'éducation aux médias ?
14. Quels arguments mettraient en question la légitimité d'une coordination internationale de l'éducation aux médias ?
15. Quelle modification a été introduite par le cours d'éducation aux médias dans votre perspective personnelle sur la communication sociale ?
16. Quelles sont les hypothèses sur les effets de l'éducation aux médias qui ont été formulées a priori comme étant susceptibles d'être évaluées par l'équipe de recherche du CLEMI, en 1994-96 ?
17. Quelles sont les hypothèses sur les effets de l'éducation aux médias qui se sont trouvées confirmées par l'évaluation des cinq sites-pilotes réalisée en France, par le CLEMI, en 1994-96 ?
18. Le développement de compétences spectatorielles induit par l'éducation aux médias varie-t-il suivant le type de média, si l'on s'en tient aux observations de l'évaluation CLEMI 1994-96 ?
19. Les observations menées dans le cadre de l'évaluation des cinq sites-pilotes réalisée en France, par le CLEMI, en 1994-96 montrent-elles que le rôle de l'enseignant est moins important en éducation aux médias que dans l'enseignement des matières traditionnelles ?
20. Parmi les hypothèses sur les effets de l'éducation aux médias, évalués par le CLEMI en 1994-96, quelles sont celles qui présenteraient le plus de pertinence dans le cadre d'une éducation au « hypermédias » (simplement dit, à Internet)?
21. Selon les promoteurs du projet EDUCAUNET (Grems-Média-Animation-CLEMI 2001), Internet introduit une nouvelle perspective du « risque communicationnel » laquelle ?
22. Comment les promoteurs d'EDUCAUNET distinguent-ils les notions de « danger » et de « risque » ?
23. Quel sens peut avoir la prise de risque et ses conséquences dommageables pour le jeune, dans le contexte spécifique de la post-adolescence, selon Philippe van Meerbeeck ?
24. Peut-on appliquer cette distinction à l'usage des médias traditionnels ? Décrivez un exemple basé sur un cas précis.
25. Cette perspective est elle cohérente par rapport aux mesures de prévention des risques basées sur le « rating » et le filtrage de l'accès aux sites.
26. Quelles sont les particularités des « risques communicationnels » définis par les promoteurs d'EDUCAUNET, par rapport aux risques des médias traditionnels ?
27. Quelles sont les différentes approches pédagogiques pratiquées en éducation aux médias ?
28. Quels ont leurs avantages et leurs inconvénients respectifs ?
29. L'éducation aux médias a-t-elle des effets sensibles sur les enseignants, si l'on en croit les observations de l'évaluation CLEMI 1994-96 ?
30. Existe-t-il une liaison entre l'éducation aux médias et l'éducation par les médias ?
31. Selon Michel Pichette, quels sont les obstacles rencontrés par les enseignants québécois dans l'intégration de l'EM à leurs pratiques d'enseignement ?
32. L'éducation aux médias peut-elle conduire à l'émergence d'une science des médias construite à partir d'un point de vue spectatoriel ?
33. Exposez, en les décrivant, trois ou quatre scénarios possibles de l'évolution future de l'éducation aux médias à l'école.
34. Lequel de ces scénarios considérez-vous comme préférable pour répondre aux problèmes qui ont justifié l'émergence de l'éducation aux médias ? Pourquoi ?
35. Lequel de ces scénarios considérez-vous comme le plus probable? Pourquoi ?
B. Travaux
1. « Plus je connais ce avec quoi je suis en relation, plus je vis des expériences enrichissantes » (Piette). Discussion sur l'approche de Serge Tisseron dans « le bonheur est dans l'image ». Implications sur l'éducation aux médias.
2. Essai de conception d'un manuel d'initiation au dessin animé. (Public : 10 ans.)
3. Analyse du décalage entre l'effet du film « Alexandre Nevsky » sur le public soviétique et sur un public d'étudiants contemporains. Application d'une méthode d'éducation aux médias.
4. Conception d'un dispositif d'éducation aux médias à travers une séquence d'enseignement du latin (la Guerre des Gaules).
5. Outil d'éducation aux médias sur la publicité télévisée. Inspiré de J-N. Kapferer : L'enfant et la publicité (1985).
6. A la découverte de l'image d'un produit construite par la publicité. Conception d'une éducation scolaire aux médias publicitaires. 11-12 ans. École communale de Bonlez. Structure : évaluation initiale, éducation aux médias, évaluation finale.
7. Le musée des enfants Scientastic. Application d'un questionnaire en EM aux enfants qui ont visité un musée scientifique.
8. L'éducation aux médias, effectuée par les médias eux-mêmes, sur leur propre production.
9. Évaluation de l'éducation aux médias menée par le « Journal de Bord » de l'AGJPB.
10. Un étudiant issu de la pédagogie Freinet même une réflexion sur sa relation à l'éducation aux médias.
11. Analyse de l'ouvrage « les médias et l'indifférence » de Jacques Gonnet.
12. Réflexion sur l'application de l'éducation aux médias dans un mouvement de jeunesse par la réalisation d'un film.
13. L'apport de l'éducation aux médias dans l'influence de la publicité télévisée sur les enfants.
14. L'apport de l'éducation aux médias dans l'influence de la publicité, en comparant les textes du CEM aux résultats de l'enquête de Josette Sultan sur l'influence de la pub télévisée sur les enfants.
15. Analyse de la Brochure « Télé Junior » de la Communauté française de Belgique, sur la signalétique des émissions télévisées.
Cours cités en référence
Pratiques chrétiennes et communication
COMU 2113 Presse, journalisme et société [30] G. RINGLET
Histoire du cinéma
Filmologie
Communication analogique (rupture d'égocentrisme, rupture de diégèse)
Suggestion
Renforcer les travaux d'étudiants sur le terrain, l'étude d'une action concrète en EM.
Peirce, Charles Sanders, Collected Papers. Harvard University Press, Cambridge, Mass, 1931ff.
"On a New List of Categories."
Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences 7
(1867), 287-298.
Traduction française et commentaires: Charles S. Peirce, Ecrits sur le signe, rassemblés, traduits et commentés par Gérard Deledalle, Collection L'ordre philosophique, Editions du Seuil, Paris 1978. Pages 139-140.
Peirce, dans sa théorie du signe, définit le symbole en insistant sur l’importance d’une loi générale qui régit la relation entre le signe et ce qu’il désigne (son objet). On a donc bien, dans ce cas une figure triangulaire signe - loi – objet.
A ce titre, il est frappant – et dramatique - de constater combien les massacres de 1994 au Rwanda ont été caractérisés par un refus collectif des médiations : les tueurs s’en sont pris très souvent non seulement aux individus identifiés comme appartenant à l’ethnie ennemie, mais aussi aux personne connues pour leur position médiatrice : les enseignants, les intellectuels contestataires, les membres de l’opposition politique, des artistes, certains commerçant, les citoyens modérés. De même toute personne exprimant une compassion, des réserves sur le sort d’une victime se trouvait d’office identifié à l’ennemi. Pour dire sèchement les choses, l’identité d’autrui ne faisait plus question. Le triangle avait fait place à la ligne.
C’est notamment la cas dans l’ouvrage « L’école et les médias, pour une éducation à l citoyenneté », publié par le CLEMI aux éditions MédiasPouvoirs en 1995.
Evelyne Bevort, Hélène Cardy, Thierry De Smedt, Isabelle Garcin-Marrou, Évaluation des pratiques en éducation aux médias, CLEMI, Ministère de l’Éducation nationale, 1999, P. 32
GRYSPEERDT Axel et KLEIN Annabelle, La galaxie des rumeurs, Bruxelles, Editions Vie Ouvrière, 1996
Programme d’éducation critique aux risques liés à l’usage d’Internet, soutenu par la Commission européenne. http://www.educaunet.org
Kudret Dalli, Edwige Godelet, Elise Mathieu et Aurore Van de Winkel, « Enquête sur la pratique d’Internet des jeunes », in Rapport de problématisation initiale, Educaunet, 2001, p.15.
C-M. Pons, J. Piette, L. Giroux et F. Millerand, « Les jeunes Québécois et Internet (représentation, utilisation, appropriation) », 1999, Ministère de la Culture et des Communications, Gouvernement du Québec, 328p.
Evelyne Bévort et Isabelle Bréda, « Les jeunes et Internet. représentations, usages et appropriations », in La recherche au Clemi, 2001, p.101.
le texte intégral se trouve en annexe 3
le texte intégral se trouve en annexe 4
Pour plus de détails, voir le Dossier de synthèse “ L’éducation à l’audiovisuel et aux médias ”, publié par le Conseil de l’Education aux Médias en 1996, pp.1 à 5