Le Prince Charmant Il y avait une fois un prince, qui perdit son père, quand il n'avait que seize ans. D'abord il fut un peu triste ; et puis, le plaisir d'être roi le consola bientôt. Ce prince, qui se nommait Charmant, n'avait pas un mauvais coeur ; mais il avait été élevé en prince, c'est-à-dire à faire sa volonté ; et cette mauvaise habitude l'aurait sans doute rendu méchant par la suite. Il commençait déjà à se fâcher, quand on lui faisait voir qu'il s'était trompé. Il négligeait ses affaires pour se divertir, et surtout, il aimait si passionnément la chasse, qu'il y passait presque toutes les journées. On l'avait gâté, comme on fait tous les princes. Il avait pourtant un bon gouverneur, et il l'aimait beaucoup, quand il était jeune ; mais, lorsqu'il fut devenu roi, il pensa que ce gouverneur était trop vertueux.« Je n'oserai jamais suivre mes fantaisies devant lui, disait-il en lui-même ; il dit qu'un prince doit donner tout son temps aux affaires de son royaume, et j'aime mes plaisirs. Quand même il ne me dirait rien, il serait triste, et je connaîtrais à son visage, qu'il serait mécontent de moi: il faut l'éloigner, car il me gênerait. »Le lendemain, Charmant assembla son conseil, donna de grandes louanges à son gouverneur, et dit que pour le récompenser du soin qu'il avait eu de lui, il lui donnait le gouvernement d'une province, qui était fort éloignée de la cour. Quand son gouverneur fut parti, il se livra aux plaisirs, et surtout à la chasse, qu'il aimait passionnément. Un jour que Charmant était dans une grande forêt, il vit passer une biche, blanche comme la neige ; elle avait un collier d'or au cou, et lorsqu'elle fut proche du prince, elle le regarda fixement, et ensuite s'éloigna.« Je ne veux pas qu'on la tue », s'écria Charmant. il commanda donc à ses gens, de rester là avec ses chiens, et il suivit la biche. Il semblait qu'elle l'attendait: mais lorsqu'il était proche d'elle, elle s'éloignait en sautant et gambadant. Il avait tant d'envie de la prendre, qu'en la suivant il fit beaucoup de chemin, sans y penser. La nuit vint, et il perdit la biche de vue. Le voilà bien embarrassé ; car il ne savait pas où il était. Tout d'un coup, il entendit des instruments ; mais ils paraissaient être bien loin. Il suivit ce bruit agréable, et arriva enfin à un grand château, où l'on faisait ce beau concert. Le portier lui demanda ce qu'il voulait, et le prince lui conta son aventure.« Soyez le bienvenu, lui dit cet homme. On vous attend pour souper ; car la biche blanche appartient à ma maîtresse ; et toutes les fois qu'elle la fait sortir, c'est pour lui amener compagnie. »En même temps, le portier siffla, et plusieurs domestiques parurent avec des flambeaux, et conduisirent le prince dans un appartement bien éclairé. Les meubles de cet appartement n'étaient point
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magnifiques ; mais tout était propre et si bien arrangée que cela faisait plaisir à voir. Aussitôt, il vit paraître la maîtresse de la maison. Charmant fut ébloui de sa beauté, et s'étant jeté à ses pieds, il ne pouvait parler, tant il était occupé à la regarder.« Levez-vous, mon prince, lui dit-elle, en lui donnant la main. Je suis charmée de l'admiration que je vous cause: vous paraissez si aimable, que je souhaite de tout mon coeur, que vous soyez celui qui doit me tirer de ma solitude. Je m'appelle Vraie-gloire, et je suis immortelle. Je vis dans ce ...

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