En effet nous constatons ici le rapprochement de deux notions différentes: l’amusement et la solennité ; l’Église a la solution, elle met la cérémonie en spectacle pour rassurer le peuple. Nous pouvons relever le champ lexical de l’esthétique: "bel autodafé", "spectacle", "grande cérémonie", "belle musique", "cadence".
Voltaire fait ensuite l’énumération des victimes de l’auto-da-fé et cela grâce à une gradation « un Biscayen convaincu d’avoir épousé sa commère », « deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard », « le docteur Pangloss et son disciple Candide, l’un pour avoir parlé, et l’autre pour avoir écouté d’un air d’approbation. ». Nous pouvons remarquer une disproportion absurde entre le « crime » commis et la peine infligée. En effet, les deux hommes qui n’avaient pas voulu manger le lard et le Biscayen sont brûlés, Pangloss est pendu et Candide est fessé. Voltaire fait donc appel à la peine capitale. Voltaire recherche ici la pitié du lecteur pour les victimes.
L’ironie est encore soulignée grâce aux termes mélioratifs qui n’ont pas lieux d’être: « des appartements d’une extrême fraîcheur dans lesquels on n’était jamais incommodé du soleil. » Cette phrase est un euphémisme voulant, en fait, signifier une prison. Cela permet d’adoucir le passage mais étant très exagéré, cela provoque le rire chez le lecteur. Nous pouvons constater que l’utilisation de termes mélioratifs est très présente dans ce chapitre. En effet, il y a un rappel de l’idée du « spectacle » et de la « cérémonie » que l’on peut voir grâce aux citations suivantes: « on orna leurs têtes » (l 16-17), « d’une belle musique en faux bourdon » (l 22-23) et « fessé en cadence » (l 23). La cérémonie est rappelée par les termes suivants: « revêtus d’un san-benito » (l 16) ainsi que « Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très pathétique… » (L 21-22).
Pour terminer l’emploi de l’ironie dans le déroulement de l’auto-da-fé, Voltaire utilise une indication temporelle qui nous montre la simultanéité dans la phrase suivante: « Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable ». L’inefficacité de l’auto-da-fé est aussitôt démontrée.
Voltaire a du s’exilé après plusieurs de ses écrits, car ces derniers dénonçaient le fanatisme religieux de l’Église. Dans ce chapitre, il le fait implicitement grâce à l’ironie mais aussi grâce à l’emploi de termes spécifiques.
En effet, nous pouvons remarquer l’emploi de « surnoms » spéciaux qui sont emplis de préjugés religieux ou culturels. « Biscayen » est un provincial Basque et il y a une intolérance culturelle dans l’utilisation de ce terme.
« Arraché le lard » fait référence à la religion judaïque puisque arracher le lard est un rite juif. Nous constatons donc une intolérance religieuse qui se remarque aussi lorsque Voltaire parle du Biscayen ayant épousé sa commère, c’est-à-dire sa marraine. Ceci étant une union réprouvée par l’Église, nous pouvons voir le fanatisme religieux dans cet exemple. Voltaire dénonce ainsi des arrestations arbitraires (dépendant de la seule volonté et du caprice de l’Église) basées sur le fanatisme et l’intolérance.
Voltaire se sert de figures de style telles que l’accumulation de termes formant une gradation pour dénoncer le fanatisme et pour obliger le lecteur à s’interroger sur la véritable « foi chrétienne ». « Candide, épouvanté, interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant… »
« Il s’en retournait se soutenant à peine, prêché, fessé, absous et béni… » Est-ce tout cela vraiment chrétien?
Nous pouvons voir clairement la comparaison du peuple de Lisbonne à celui de France lors de cet auto-da-fé. En effet, le peuple attend l’auto-da-fé sans rien faire pour arrêter cela. Il accepte ce qui va arriver. C’est-ce qui c’est passé en France avant les révoltes de 1770. Le fanatisme empêche la raison.
La phrase suivante nous montre la critique de la religion dans ce chapitre: « Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable. » (l 26-27-28), ce qui veut dire que même avec le déploiement des « forces » de l’Église, tout ce qui a pu arrivé est resté vain puisqu’il y a eu un autre tremblement de terre, de plus dans la même journée.
Mais pour adhérer à la philosophie optimiste de Pangloss, nous pouvons dire que cet auto-da-fé à au moins servi de leçon à quelqu’un: Candide. Cet incident a été en quelque sorte un stimulus qui l’a fait réfléchir sur le véritable visage de la vie. Le réel et la violence viennent contredire l’optimisme de Pangloss. Les adjectifs suivants nous prouvent l’évolution chez Candide « épouvanté », « interdit », « éperdu », « sanglant », « palpitant » (l 28-29). Il commence même à s’interroger sur les paroles de son maître: « Si c’est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres? » (L 30-31).
Nous remarquons aussi l’emploi du vocatif « Ô mon cher Pangloss! », « Ô mon cher anabaptiste! », « Ô Mlle Cunégonde! » avec un parallélisme de construction puisque tous les vocatifs sont suivis de phrases ayant la même syntaxe. Cela nous montre la partie lyrique du chapitre mais surtout la déception et la finale prise de conscience de Candide.
Ce chapitre nous montre donc la critique implicite mais non pas impossible à voir de l’Église et par conséquent de la religion. Cette dénonciation nous est faite en majeure partie par l’ironie et par l’emploi de termes mélioratifs qui n’ont pas lieux d’être dans des situations pareilles. Néanmoins cela a du bon puisque Candide prend finalement conscience que « peut-être », les théories de son cher maître vénéré, Pangloss sont fausses et non appropriées aux différents contextes.
Cet extrait de Candide nous ramène encore et toujours au thème principal du livre: la philosophie des Lumières qui, en tant qu’hommes de raison et de progrès, vont tenter de se battre contre le fanatisme religieux du siècle de la Révolution pour les Droits de l‘homme.
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