Suivant en cela une partie de la doctrine, la Cour de cassation établit une distinction entre l’interdiction prononcée par un juge de poursuivre la diffusion d’un écrit dont la diffusion a déjà commencé, et l’interdiction qui serait prononcée avant même que la diffusion ne commence. Dans cette affaire, où le juge des référés, dans une ordonnance confirmée ensuite tant sur tierce opposition qu’en appel, avait ordonné le retrait de la vente de tous les exemplaires de l’hebdomadaire Ciné Revue comprenant la reproduction des notes confisquées à la juge Doutrewe par le Président de la Commission d’enquête parlementaire sur les disparitions d’enfants, la Cour de cassation considère qu’il ne s’agit pas là d’une mesure de censure puisque la diffusion avait déjà commencé : « Attendu que l’arrêt constate qu’au moment du dépôt de la requête unilatérale de la défenderesse tendant à obtenir la condamnation du demandeur à prendre toutes mesures pour retirer dans les trois heures de l’ordonnance à intervenir le n° 5 de l’hebdomadaire contenant l’article litigieux de tous les points de vente où celui-ci avait été diffusé, cet hebdomadaire était imprimé et mis en vente et qu’il avait, de l’affirmation même des demandeurs, « déjà reçu une large diffusion au moment de la signification de l’ordonnance de retrait » ; qu’il résulte de ces constatations que la Cour d’appel n’a pas établi de censure » .
On peut en tout cas déduire de cet arrêt que la Cour de cassation considère qu’il n’y a pas censure lorsque la diffusion a déjà commencé. Peut-être sera-t-elle amenée un jour à se prononcer sur la compatibilité avec l’article 25 de la Constitution d’un ordre d’interdiction de diffusion préalable à toute diffusion .
d) Responsabilité en cascade
57. Le paragraphe 2 de l'article 25 organise le système de la responsabilité en cascade. Celui-ci vise à protéger ceux qui, dans la chaîne de la presse, se situent en aval de l'auteur.
On a longtemps cru que le principe de responsabilité en cascade ne s'appliquait qu'à la responsabilité pénale, à l'exclusion de la responsabilité civile. Cette interprétation a été démentie par un arrêt de la Cour de Cassation aux termes duquel l'article 25 de la Constitution "confère aux éditeurs, imprimeurs et distributeurs le privilège de pouvoir se soustraire à toute responsabilité tant pénale que civile, lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique : il apporte, dans cette mesure, une restriction à l'applicabilité de l'article 1382 du Code civil.”.
Il paraît évident de ce point de vue que le deuxième paragraphe de l'article 25 n'est plus adéquat eu égard à la situation économique actuelle de la presse : si l'on peut comprendre que l'imprimeur et le distributeur restent mis hors cause, il semble que l'éditeur et le rédacteur en chef devraient pouvoir répondre d'infractions éventuelles au même titre que le journaliste, et ce tant civilement que pénalement.
58. Consacré par la Constitution, le principe de la responsabilité en cascade est absolu, et il appartient au juge de le soulever d’office si, d’aventure, les parties omettent de s’en prévaloir. C’est dès lors de façon surprenante et inexacte à mon sens que le tribunal de première instance de Nivelles a jugé que le principe de responsabilité en cascade devait être explicitement invoqué au titre d’exception pour que l’éditeur puisse s’en prévaloir: “Attendu qu’il importe peu que certaines phrases incriminées par M. Lavry soient signées par une dame Van Caillie au titre de «Courrier des lecteurs »; Qu’en publiant ce qu’une lectrice lui a écrit, et à défaut d’invoquer le principe de la responsabilité en cascade visée par le second alinéa de l’article 25 de la Constitution, la responsabilité des défendeurs reste entière; qu’en effet, cette disposition qui permet aux éditeurs, imprimeurs et distributeurs de se soustraire à toute responsabilité tant pénale que civile (...) n’est pas invoquée en l’espèce; Que, dans un même contexte, aucun des défendeurs ne soulève d’exception d’irrecevabilité affirmant donc implicitement mais certainement qu’ils assument la responsabilité qui découle des publications litigieuses;” .
59. Le principe de responsabilité en cascade ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’éditeur déclare explicitement assumer la responsabilité d’écrits litigieux, et ce alors même que l’auteur est connu et domicilié en Belgique. Les optimistes y verront un bel exemple de solidarité d’un éditeur à l’égard de ses journalistes, et la juste correction d’un mécanisme constitutionnel qui aboutit à faire des journalistes les seuls responsables de dérives qui profitent aux éditeurs.
Les réalistes rappelleront que, si le journaliste est seul condamné et que l’éditeur veut quand même payer le dommage en lieu et place de son employé, l’éditeur devra débourser une somme nettement plus élevée: l’argent de la condamnation payé au journaliste sera en effet considéré dans son chef comme une rémunération taxable, en manière telle que l’éditeur devra lui verser plus de deux fois le montant du dommage en brut pour qu’il puisse payer sa dette en net. Dans ce contexte, mieux vaut pour l’éditeur se laisser attraire à la cause, voire y intervenir volontairement.
On notera toutefois que, dans l’affaire SDRB évoquée ci-avant, le tribunal de première instance de Bruxelles a accordé à deux éditeurs responsables 100.000 FB de dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire au motif d’une part que la demanderesse n’avait pas attaqué des journaux plus importants qui avaient véhiculé les mêmes allégations, et d’autre part que la demanderesse « ne pouvait effectivement ignorer la jurisprudence récente de la Cour de Cassation, étendant à la matière civile le principe de la responsabilité en cascade ».
60. Si la prééminence de l’article 25 de la Constitution sur l’article 1382 du code civil a été clairement rappelée par la Cour de cassation, une certaine confusion semble maintenue quant à l’applicabilité de la responsabilité en cascade à la matière de la responsabilité de l’employeur, et donc à la prééminence du même article 25 de la Constitution sur les articles 1384 du code civil et 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail.
On a en effet vu plusieurs décisions considérer que, nonobstant le principe de l’article 25, al. 2, de la Constitution, l’éditeur devait être tenu pour responsable d’un article écrit par un journaliste engagé dans les liens d’un contrat de travail à moins que le dommage soit la conséquence d’un dol, d’une faute lourde ou d’une faute légère présentant un caractère habituel.
Dans un cas, cela a amené le tribunal à ordonner la réouverture des débats pour laisser les parties s’exprimer sur la question . Dans l’autre, la question n’a pas porté à conséquence, aucune faute n’ayant été retenue dans les articles litigieux. La motivation de ce jugement ne mérite pas moins d’être soulignée, même si elle paraît contestable: “Attendu que l’ article 18 de la loi sur le contrat de travail a créé au profit du préposé, une immunité absolue de responsabilité à l’égard des tiers comme de l’employeur pour ses fautes légères; Attendu qu’il n’en demeure pas moins que, dès lors qu’in abstracto, une telle faute serait reconnue dans le chef du préposé et, à cette condition, la responsabilité de l’employeur pourrait être recherchée sur le plan de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil; Attendu que l’on ne voit pas pourquoi l’affirmation de l'application de la responsabilité en cascade en matière de délits de presse, également au civil, pourrait entraîner en quelque sorte une exonération parallèle de l’employeur, dès lors que l’employé serait exonéré de sa responsabilité; que doit, en effet, jouer dans le cas du journaliste employé le mécanisme de la responsabilité de l’employeur fondé tant sur le fait qu’il lui appartient de subir le risque entraîné par le mauvais choix de ses collaborateurs que sur le fait qu’il tire profit du travail de ses préposés; qu’en réalité, dans ce cas, la qualité de préposé l’emporte sur celle de journaliste par l’effet de la subordination dans laquelle se trouve le préposé par rapport à l’éditeur, lequel seul, dès lors, doit pouvoir être inquiété sur le fondement de l’article 1384, alinéa 2 du Code civil, sans quoi 1a raison des textes en cause - l’ article 25 de la Constitution et 1'article 18 de la loi sur le contrat de travail - ne serait pas respectée”.
Enfin, dans l’arrêt déjà évoqué du 5 février 1999 prononcé dans l’affaire Doutrewe Soir illustré , la Cour d’appel de Bruxelles a également considéré que l’article 1384 du code civil primait sur l’article 25 de la Constitution, jugeant que le journaliste employé ne devait répondre que de sa faute lourde. Outre qu’elle paraît contraire aux enseignements de l’arrêt de la Cour de cassation du 31 mai 1996, pareille solution pose problème: en sous-entendant en effet que l’éditeur reste responsable de la faute légère, elle oblige à assigner ce dernier dans tous les cas où l’on assigne un journaliste, dès lors qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de prédire ce qui sera considéré par le juge comme faute lourde ou comme faute légère.
En réalité, dès lors que la Cour de cassation a, dans son arrêt du 31 mai 1996, énoncé le principe du caractère absolu de la règle de l’article 25, al. 2, qui prime sur l’article 1382 du code civil, on comprend mal pourquoi la même règle constitutionnelle ne primerait pas sur l’article 1384 du code civil, ni sur l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail.
61. Malgré la règle de la responsabilité en cascade, l’éditeur pourra se voir poursuivi civilement si les circonstances de la cause amènent le juge à lui reconnaître la qualité de co-auteur. Ainsi, un éditeur a vu sa responsabilité civile engagée pour avoir, à la suite de l’exercice d’un droit de réponse, publié sous l’appellation “Ndlr” (Note de la rédaction) le texte “Nous maintenons le contenu de nos informations. Dont acte.”.
Le tribunal a en effet jugé que l’action était d’abord recevable à l’égard de l’éditeur, au motif que l’auteur de la “Ndlr” était inconnu et que l’éditeur était dès lors susceptible d’être poursuivi. Il a ensuite jugé l’action fondée à l’égard de l’éditeur au motif que celui-ci, en cautionnant ainsi les informations litigieuses, avait directement coopéré à la faute: “Attendu que la première défenderesse a édité au bas du droit de réponse du demandeur une note anonyme dans 1aquelle elle a déclaré maintenir le contenu de ses informations antérieures; que, ce faisant, elle a coopéré directement à la faute des défendeurs; qu’il convient en effet de prendre en considération les informations litigieuses dans leur globalité, les unes étant indissociables des autres et la première défenderesse ayant dès lors participé directement aux imputations graves lancées par les défendeurs sans aucune nuance”.
62. Dans une affaire opposant une société d’enseignement par correspondance à la revue Test- Achat à propos d’un article de la seconde mettant en cause les méthodes de la première, l’éditeur de la revue a également été considéré comme co-auteur au motif que, selon le tribunal, il ressortait des éléments du dossier qu’il avait joué un rôle prédominant dans la rédaction des articles.
L’article étant anonyme, l’action, fondée sur l’article 1382 du Code civil et la loi du 23 juin 1961 relative au droit de réponse, avait été formée tant contre l’éditeur responsable, personne physique, que contre la S.C. Test-Achats. Le tribunal conclut non seulement à l’imputabilité de l’article litigieux au premier défendeur (“en sa qualité, non contestée, d’éditeur responsable de “Test-Achats magazine” le défendeur doit incontestablement assumer cette responsabilité, l’auteur des articles incriminés n’étant pas identifié”), mais aussi à la seconde défenderesse: “Attendu que dans leur défense pour tenter de justifier la publication tardive du droit de réponse, les défendeurs font grand cas du rôle du “comité de lecture” qui, manifestement, doit donner son imprimatur aux textes des articles proposés par les rédacteurs et peut, le cas échéant,, ordonner aux rédacteurs de modifier leur textes; que, ce faisant, la défenderesse devient le “co-auteur” de ces articles et endosse incontestablement la responsabilité de ceux qu’elle publie dans ses différentes revues”.
Par contre, le même tribunal a refusé de dire recevable une action formée contre l’éditeur responsable de La Libre Belgique, alors même que les demandeurs soutenaient que “ en laissant publier l’article litigieux sans en assurer la surveillance du contenu et sans contrôler les informations retenues par l’auteur de l’article”. En l’espèce en effet, le tribunal a constaté que “il n’est pas allégué que [l’éditeur responsable] serait coauteur de l’écrit publié, ayant participé directement ou principalement à son élaboration.”.
63. Sans même être auteur ou co-auteur de l’article litigieux, l’éditeur peut également voir sa responsabilité engagée en tant que responsable des titres et chapeaux.. C’est en tout cas ce qui ressort d’un jugement aux termes duquel la responsabilité de l’éditeur du Soir illustré a été retenue sur base du raisonnement qui suit: “Attendu que la défenderesse S.A. Rossel a également commis une faute distincte e celle de monsieur D. en insérant en titre gras, et avec l’intention évidente d’attirer l’ attention du lecteur, le chapeau qui amplifie et renforce de manière non équivoque, par l’utilisation des termes employés (les termes «quatre escrocs» sont substitués aux termes «auteurs de l’escroquerie» figurant dans le corps de l’article), l’assertion que le demandeur est effectivement d’ores et déjà coupable d’escroquerie; qu’au surplus, ledit chapeau n’est pas constitué par un passage littéralement reproduit de l’ article de monsieur D. mais qu’il se présente comme un écrit spécifique, en manière telle que la responsabilité personnelle de l’éditeur est engagée sur la base de l’article 1382 du code civil puisque l’auteur du texte de ce chapeau n’est pas connu” .
La solution retenue par le tribunal ne convainc pas entièrement, tant il est vrai que l’absence de signature sous un chapeau est constante, et que le fait que quelques mots y diffèrent de ceux du texte original n’est pas une preuve suffisante de ce que le chapeau n’a pas été rédigé par l’auteur de l’article. A la limite, un chapeau n’étant jamais signé et la plupart des articles étant précédés de chapeaux, on pourrait chaque fois mettre en cause la responsabilité de l’éditeur, nonobstant la règle de l’article 25, al. 2, de la Constitution.
64. On évoquera enfin un récent arrêt de la cour d’appel d’Anvers, à mon sens éminemment contestable, excluant le bénéficie des règles de responsabilité en cascade pour un éditeur et pour un distributeur au motif que, s’agissant de diffusions d’informations fausses, secrètes ou interdites par la loi, il n’y avait pas abus de la liberté d’expression et donc pas délit de presse.
La cour va même plus loin et motive également la mise en cause de la responsabilité civile de l’éditeur et du distributeur par la circonstance que l’éditeur est visé par l’auteur dans ses “remerciements” comme ayant pris une part déterminante dans l’achèvement du livre, et par la considération que ce qui vaut pour l’éditeur vaut également pour le distributeur puisqu’ils ont conclu ensemble un contrat qu’ils exécutent en commun. Ce dernier motif paraît faire peu de cas du principe constitutionnel: il eût, à tout prendre, été plus logique d’invoquer le fait que l’éditeur était établi aux Pays-Bas pour justifier la mise à la cause du distributeur belge.
65. En 2000, dans l’affaire Ciné-Revue déjà évoquée, la Cour de cassation a d’ailleurs pu nuancer ce que sa position en la matière pouvait avoir d’inflexible. Elle a en effet reconnu dans le chef de l’éditeur l’existence possible d’une faute spécifique et, partant, d’une responsabilité propre, indépendamment de celle liée à l’écriture d’un texte : cette faute découlait de la participation sous forme de « publicité tapageuse » non pas à l’expression d’une opinion de l’auteur, mais bien à la diffusion de documents portant atteinte à la vie privée de la demanderesse.
66. Non visé par le dispositif constitutionnel de la responsabilité en cascade, le rédacteur en chef peut se trouver lui-même entre le marteau et l’enclume. Parfois considéré par les journalistes comme le représentant de l’éditeur, et par l’éditeur comme le responsable de la rédaction, doit-il être considéré comme co-auteur ou complice de l’auteur (et donc susceptible d’être poursuivi au premier rang, en même temps que le journaliste), ou être placé, aux côtés de l’éditeur, à l’abri des poursuites ?
La jurisprudence n’a pas encore eu, à ma connaissance, l’occasion de se prononcer sur la question. Il faut toutefois relever un jugement récent du tribunal de première instance de Bruxelles rendu dans le cadre du litige opposant la juge Doutrewe – puis sa famille, reprenant l’instance après son décès – et le Soir illustré pour l’article déjà évoqué. Contraint de publier le premier jugement prononcé dans cette affaire, l’hebdomadaire bruxellois avait assorti cette publication contrainte et forcée d’un commentaire acide signé de son rédacteur en chef, ce qui valut à ce dernier assigné à son tour. Le tribunal lui reconnut à cette occasion la qualité de journaliste et le condamna moyennant un détour – à mon sens inutile, et contraire au prescrit constitutionnel – par l’article 1384 du Code civil et le constat du caractère lourd de la faute alléguée.
I.2. LA LIBERTÉ D’ENTREPRISE
67-90. Cette liberté, tout aussi importante (sinon plus) que la liberté d’expression dans l’activité des médias aujourd’hui, est étudiée dans le cadre du cours de droit des technologies de l’information, non dispensé en 2004-2005.
II. STATUT DES ACTEURS
II.1 LES JOURNALISTES
II.1.1. Statut
91. Il y a d’abord lieu de rappeler que, conformément à l’universalité du principe de liberté d’expression, quiconque peut s’exprimer, notamment par voie de presse, sans être journaliste
92. On distinguera ensuite la qualité de journaliste et le titre de journaliste professionnel, reconnu et protégé par la loi du 30 décembre 1963. Peut porter le titre de journaliste professionnel celui qui remplit plusieurs conditions cumulatives: être âgé de 21 ans, ne pas être déchu de ses droits civils et politiques, n’exercer aucune espèce de commerce et notamment aucune activité ayant pour objet la publicité et, à titre de profession principale, moyennant rémunération et depuis deux ans au moins, “participer à la rédaction de journaux quotidiens ou périodiques, d’émissions radiodiffusées ou télévisées, d’actualités filmées ou d’agences de presse consacrés à l’information générale”.
La compétence pour vérifier l’existence ou la perte des conditions requises pour porter le titre de journaliste professionnel est dévolue à une commission paritaire (éditeurs et journalistes): qualifiée, selon un belgicisme courant, de “commission d’agréation”, la commission a la qualité d’autorité administrative et est actuellement organisée par un arrêté royal du 16 octobre 1991. Appel peut être interjeté contre ses décisions devant une commission d‘appel, également paritaire mais présidée par un magistrat.
Les avantages liés au statut de journaliste professionnel sont limités. Il s’agit avant tout d’un laissez-passer national de presse et d’un laissez-passer pour automobiles, destinés à “faciliter l’identification des journalistes dans l’exercice de leur profession et à permettre aux autorités publiques de prêter aux représentants de la presse tout le concours compatible avec les circonstances”. On comprendra dès lors qu’il reste possible d’exercer l’activité de journaliste sans être pourvu de tels attributs.
La question centrale sera celle du sens de la notion d’« information générale ». Dans son arrêt Bruylandt du 4 février 1987, le Conseil d’Etat a jugé, à propos du rédacteur en chef du toutes-boîtes “Vlan”, que “la commission d‘appel n’excède pas ses pouvoirs en estimant, sur base d’un critère quantitatif qui ne figure pas dans la loi, qu’un périodique n’est pas consacré à l’information générale, parce qu’il ne rapporte pas principalement les nouvelles concernant l’ensemble des questions d’actualité, mais est constitué pour l’essentiel de son contenu, par la publicité et des annonces.”
A défaut de laissez-passer, les journalistes de la presse périodique d’information spécialisée devront se contenter d’un “coupe-file de presse périodique”. Il n’est pas sûr que ledit insigne soit fondamentalement moins utile qu’un laissez-passer.
93. Du point de vue du droit du travail, le journaliste est assimilé à un employé: il est, en principe, engagé dans les liens d’un contrat d’emploi au sens de la loi du 3 juillet 1978. Pendant longtemps, une “convention collective” (ainsi dénommée par les parties, mais hors du cadre de la loi du 5 décembre 1968) a régi les rapports entre journalistes et éditeurs, tant du point de vue du statut qu’en termes de barèmes: dénoncée mais prolongée plusieurs fois, elle est définitivement dénoncée depuis l’été 1998.
Côté flamand, l’ancienne convention collective a été remplacée par plusieurs conventions d’entreprises qui, selon les cas, renvoient ou ne renvoient pas à l’ancienne convention collective. Du côté francophone, une nouvelle convention collective a été adoptée le 18 juin 2003: elle règle l’ensemble des questions statutaires, mais également les questions barémiques en fixant des barèmes minima pour certaines catégories de journalistes. Les salaires dépendent d’une part du tirage du journal (trois catégories : - de 80.000 exemplaires, de 80.000 à 180.000 exemplaires et plus de 180.000 exemplaires), et d’autre part du type de fonctions exercées par le journaliste (catégories A, B, C ou D pour les contrats antérieurs à 1994, catégories 1, 2, 3 ou 4 pour les contrats conclu à partir de 1994).
A côté des journalistes employés, on trouve également dans nombre d’organes de presse des journalistes sous statut d’indépendants. S’il s’agit parfois de véritables indépendants (ayant, par exemple, d’autres activités par ailleurs), il existe également des journalistes indépendants qui prestent la totalité de leurs activités pour un seul et même média, et s’y trouvent dans un lien de subordination normalement caractéristique du contrat d’emploi: on parlera alors de “faux indépendants”.
94. Un mécanisme particulier du statut des journalistes doit être souligné: il s’agit du système dit de la clause de conscience. Elle permet à un journaliste, dans certaines circonstances, de rompre son contrat de travail de sa propre initiative tout en pouvant néanmoins prétendre à des indemnités de licenciement. On trouve dans cette “démission indemnisée” une des (rares) reconnaissances de la spécificité intellectuelle du travail des journalistes: des changements fondamentaux de la ligne idéologique d’un journal sont assimilés à une modification radicale des conditions de travail.
En France, la clause de conscience peut trouver à s’appliquer en cas de “changement notable du caractère ou de l’orientation du journal”, ou en cas de cession du journal. En Belgique, la clause existait dans l’ancienne convention collective entre journalistes et éditeurs, mais de façon plus restrictive : “en cas de modification radicale de la ligne politique, philosophique ou religieuse du journal, le journaliste professionnel ou journaliste stagiaire peut mettre fin à son contrat, sans préavis, et prétendre à une indemnité égale à celle qui lui eût été due en cas de résiliation de son contrat par la société qui l’emploie”. Son utilité s’avérait à ce point marginale qu’elle ne semble plus avoir été reprise dans la nouvelle convention collective.
II.1.2. Représentation
95. Les journalistes professionnels sont regroupés dans une union professionnelle, l’Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB). Elle compte quelque 4.000 membres, soit environ 75% des journalistes agréés en Belgique; pour la seule presse écrite, le taux d’affiliation est de 95%, mais les journalistes de l’audiovisuel s’affilient moins et font donc baisser la moyenne. A côté de l’AGJPB, l’APP (Association de la presse périodique) regroupe les quelque 300 journalistes qui ne portent pas le titre de journaliste professionnel parce qu’ils travaillent dans des périodiques spécialisés.
Depuis quelques années, un mouvement de communautarisation a été entamé: à côté de l’AGJPB, qui reste compétente pour les compétences fédérales (statut, déontologie, droit d’auteur, liberté de presse et autres questions de principe), deux nouvelles unions professionnelles ont été mises en place. L’AJP (Association des journalistes professionnels) regroupe les journalistes francophones et germanophones ainsi que la plupart des journalistes étrangers; la VVJ (Vereninging van Vlaamse BeroepsJournalisten) regroupe, on l’aura compris, les journalistes professionnels flamands. L’AJP et la VVJ sont compétentes pour les matières communautarisées - aide à la presse, formation, enseignement - ainsi que pour l’agrément des journalistes professionnels (la commission “d’agréation” étant scindée de longue date en deux collèges).
96. L’AGJPB remplit plusieurs fonctions. Elle est, d’abord, l’interlocuteur naturel des éditeurs ou des pouvoirs publics pour toutes les questions relatives au statut des journalistes. Elle participe, ensuite, à la procédure d’agrément des journalistes professionnels en introduisant les dossiers devant la commission compétente; l’AGJPB a d’ailleurs créé pour ses membres un statut et une carte de journaliste stagiaire pour la période correspondant aux deux ans précédant la reconnaissance.
97. L’AGJPB s’était également instituée en organe d’auto-régulation de la profession en créant en son sein, en 1995, un conseil de déontologie (organe de première instance) et un collège de déontologie (organe d’appel). Composés respectivement de onze et cinq journalistes professionnels membres de l’AGJPB, le conseil et le collège de déontologie étaient compétents pour prendre position dans les dossiers relatifs à des plaintes formées par des personnes contre des journalistes. Le conseil de déontologie pouvait également formuler, d’initiative ou sur demande, des avis sur les questions de déontologie.
Toute personne pouvait - à condition de le faire en quinze exemplaires ! - introduire auprès de l’AGJPB une plainte contre un journaliste. Après examen par le bureau de l’AGJPB, la plainte était transmise au conseil de déontologie qui rendait son avis dans les quinze jours. Les avis étaient publiés dans la revue “Journalistes” (revue de l’AGJPB) ainsi que dans l’annuaire officiel de la presse belge; parfois - mais il ne s’agissait pas d’une obligation, ni même d’une coutume -, ils étaient publiés par le journal concerné au titre de réparation.
Créés avant tout pour empêcher la création par la loi d’organes de régulation de la presse, le conseil de déontologie a traité une centaine de cas en sept ans d’existence. Ses principales faiblesses résidaient d’une part dans le corporatisme qui marquait nombre d’avis, compte tenu de la composition de ces organes, et d’autre part dans le caractère purement déclaratoire de leurs avis. Il n’était en aucune façon question de réparer le dommage subi par les victimes, ni encore moins de sanctionner le journaliste, fût-ce moralement: depuis 1998, chaque avis - qu’il conclue ou non à une faute du journaliste - se terminait d’ailleurs rituellement par la phrase”Un avis du conseil de déontologie n’emporte en aucun cas reconnaissance de la responsabilité au plan juridique - qu’il s’agisse de responsabilité civile ou pénale - du journaliste ou de quiconque.”
Ces faiblesses et le mouvement de communautarisation ont conduit, fin 2002, à la disparition de ces organes. Du côté flamand, un nouvel organe − le Raad voor Journalistiek − a été mis en place en novembre 2002 ; du côté francophone, rien n’a encore été fait.
98. Il y a encore lieu d’évoquer, au titre de la représentation des journalistes, les sociétés de rédacteurs existant au sein de nombre de quotidiens ainsi que dans certains médias audiovisuels. Généralement constituées sous forme d’ ASBL (mais aussi parfois en simples associations de fait), elles regroupent la majorité des journalistes de la rédaction concernée et tentent de se poser en interlocuteurs obligés de la direction du journal tant en matière économique et financière qu’en matière de ligne rédactionnelle.
Si, en France, certaines sociétés de rédacteurs ont réussi à acquérir un rôle essentiel (celle du journal Le Monde détient par exemple une partie significative du capital de la société éditrice du titre), les sociétés de rédacteurs belges ne disposent pas encore de la même reconnaissance. Il est toutefois question, à l’occasion de la réforme prochaine de l’aide à la presse, d’imposer aux éditeurs, comme condition d’octroi de cette aide, de garantir aux sociétés de rédacteurs un rôle d’interlocuteur privilégié dans la gestion du journal.
II.1.3. “Secret professionnel”
99. Le secret des sources des journalistes reste un point extrêmement controversé. Peu de législations le reconnaissent, mais tout le monde s'entend pour considérer qu'il est un des éléments essentiels de l'exercice de la liberté d'expression. La Cour a été ainsi amenée à se prononcer sur la condamnation dont avait fait l'objet un journaliste britannique qui avait refusé de révéler au tribunal par quelle voie il avait obtenu le plan de restructuration confidentiel d'une entreprise :
"La protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de presse, comme cela ressort des lois et codes déontologiques en vigueur dans nombre d'états contractants et comme l'affirment en outre plusieurs instruments internationaux sur les libertés journalistiques (...). L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de "chien de garde", et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver amoindrie. Eu égard à l'importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique et à l'effet négatif sur l'exercice de cette liberté que risque de produire une ordonnance de divulgation, pareille mesure ne saurait se concilier avec l'article 10 de la convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d'intérêt public.”
100. A défaut de pouvoir exiger des journalistes qu’ils révèlent leurs sources, certaines autorités judiciaires ont parfois condamné les journalistes pour recel de documents frauduleusement communiqués. Cette pratique a également été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Fressoz du 20 janvier 1999. Il s’agissait du cas de deux journalistes du Canard Enchaîné condamnés par la justice française pour avoir publié la feuille d’impôts (confidentielle) de M. Calvet: le document révélait que ce PDG de Peugeot-Citroën s’était octroyé de confortables augmentations salariales, et ce au moment même où le personnel de l’entreprise était en grève faute d’obtenir les augmentations demandées.
Constatant que “les informations sur le montant des revenus annuels de M. Calvet étaient licites et leur divulgation autorisée”, la Cour juge que “la condamnation des requérants pour en avoir simplement publié le support, à savoir les avis d’imposition, ne saurait être justifiée au regard de l’article 10": “Cet article, par essence, laisse aux journalistes le soin de décider s’il est nécessaire ou non de reproduire le support de leurs informations pour en asseoir la crédibilité. Il protège le droit des journalistes de communiquer des informations sur des questions d’intérêt général dès lors qu’ils s’expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts et fournissent des informations «fiables et précises» dans le respect de l’éthique journalistique (...). En l’espèce, la Cour constate que ni la matérialité des faits relatés ni la bonne foi de MM. Fressoz et Roire n’ont été mises en cause. Le second, qui a vérifié l’authenticité des avis d’imposition, a agi dans le respect des règles de la profession journalistique. L’extrait de chaque document visait à corroborer les termes de l’article en question. La publication contestée servait ainsi non seulement l’objet mais aussi la crédibilité des informations communiquées.”
101. Dans le prolongement des arrêts précédents, il a été jugé que des perquisitions à grande échelle menées dans les locaux de plusieurs médias et au domicile de journalistes pouvaient constituer une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression garantie par l’article 10. Il s’agissait de perquisitions menées en 1995 dans le cadre des dossiers Cools et Agusta aux sièges de la RTBF, du Morgen, du Soir et du Soir illustré à la suite de ce qui apparaissait comme des violations du secret de l’instruction.
Pour la Cour, « des perquisitions ayant pour objet de découvrir la source d’information des journalistes – même si elles restent sans résultat – constituent un acte encore plus grave qu’une sommation de divulgation de l’identité de la source. En effet, les enquêteurs qui, munis de mandats de perquisition, surprennent des journalistes à leur lieu de travail ou à leur domicile, ont des pouvoirs d’investigation très larges du fait qu’ils ont, par définition, accès à toute leur documentation. La Cour, qui rappelle que « les limitations apportées à la confidentialité des sources journalistiques appellent de la part de la Cour l’examen le plus scrupuleux », estime ainsi que les perquisitions et saisies litigieuses avaient un effet encore plus important quant à la protection des sources journalistiques que dans l’affaire Goodwin. ». Elle en conclut que le gouvernement belge « n’a pas démontré qu’une balance équitable des intérêts en présence a été préservée » et que, partant, l’article 10 a été violé.
102. L’article 458 du Code pénal ne s’applique pas aux journalistes: n’étant pas “dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie”, ils ne sont pas tenus au secret professionnel. Tout au contraire, les journalistes ont vocation à révéler les secrets qu’ils reçoivent, mais - en même temps - à cacher l’identité de leurs sources.
De même, si les magistrats sont tenus par le secret de l’instruction, il n’existe donc en droit belge aucune règle permettant d’imposer aux journalistes le respect du secret de l’instruction. Cela peut évidemment poser problème quand le nom d’un inculpé, ou même d’une personne simplement interrogée comme témoin, est lancé dans le public, d’autant que les médias sont beaucoup moins prompts à évoquer les décisions de non-lieu ou les acquittements que les inculpations et les condamnations; il faut toutefois préciser que, parfois, les violations du secret de l’instruction sont le fait de l’inculpé ou de ses conseils.
Cette différence de secret explique notamment les relations parfois orageuses entre la justice et la presse dans le cadre d’affaires en cours d’instruction. Alors que la justice et la presse poursuivent un même objectif - la recherche de la vérité -, les voies qu’elles suivent pour y parvenir sont radicalement différentes. Le juge ne fait pas mystère de qui il entend et interroge, mais garde le secret sur les résultat de ces colloques; le journaliste, au contraire, fait la publicité de l’information obtenue tout en tenant éventuellement secret le nom de celui qui l’aura révélée. Un secret ratione materiae s’oppose à un secret ratione personae, et tous deux répondent aux exigences des fonctions considérées.
103. Actuellement, aucune disposition de droit belge ne garantit au journaliste le secret de ses sources. Non seulement, il ne peut se retrancher derrière le secret professionnel mais, tout au contraire, l’article 80 du Code d’instruction criminelle qui punit le refus de témoigner pourrait lui être opposé. Dans la pratique cependant, les enseignements de l’arrêt Goodwin - qui reconnaît le caractère essentiel de ce secret - semblent bien appliqués par la justice belge.
Ceci n’empêche pas théoriquement que des perquisitions puissent être menées au bureau et au domicile du journaliste, mais le récent arrêt Ernst et consorts de la Cour européenne des droits de l’homme est venu rappeler que de telles perquisitions, si elles étaient menées sans discernement et de façon trop massive, pouvaient constituer une violation de l’article 10 de la Convention. Si une perquisition a en principe pour objet la recherche d’une pièce précise, il a pu arriver que des perquisitions soient menées dans le simple but de voir s’il n’y avait pas quelque chose à trouver, voire même pour impressionner celui qui en fait l’objet. Dans l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, une circulaire du 2 mai 1990 règle la question en prévoyant notamment la présence d’un représentant de l’AGJPB.
104. Le délit de recel (article 505 du Code pénal) a également été utilisé contre certains journalistes qui avaient rendu public le contenu de documents secrets qui leur avaient été communiqués en violation du secret professionnel ou en violation de l’interdiction faite aux fonctionnaires publics de détourner les pièces en leur possession. Le recel suppose la détention d’un objet obtenu à l’aide d’un crime ou d’un délit commis par un tiers, la connaissance de l’origine délictueuse de l’objet et un élément moral: celui-ci a jusqu’ici été entendu de façon large, comme étant la simple connaissance de l’origine illicite - ce qui tend à la confondre avec le deuxième critère. Ont ainsi été condamnés un traducteur qui avait transmis à un journaliste copie de traduction de télex reçus d’Interpol Wiesbaden, ainsi que le journaliste qui avait publié ces documents tout en les recelant et en les cachant.
Ici encore, les enseignements de l’arrêt Fressoz et Roire de la Cour européenne des droits de l’homme devraient toutefois, à l’avenir, empêcher de telles condamnations, à tout le moins dans les cas où la divulgation des documents recelés est licite.
105. L’arrêt Ernst et consorts ainsi qu’une affaire où le juge des référés avait, sur requête unilatérale de la SNCB, ordonné à un journaliste du Morgen de produire les documents prouvant ses affirmations, ont toutefois créé une prise de conscience du problème au sein du monde politique. Une proposition de loi reconnaissant le secret des sources était toujours en discussion fin 2004.
II.1.4. Choix des méthodes
106. On a déjà évoqué ci-avant l'arrêt Jersild, ce journaliste de la radio danoise qui avait été condamné pour avoir laissé le micro trop largement ouvert à des skinheads racistes. Tout en considérant que le discours raciste ne bénéficiait pas de la protection de l'article 10, la Cour a néanmoins jugé que la condamnation infligée par le Danemark au journaliste Jersild dépassait la mesure de ce qui était nécessaire dans une société démocratique. Elle a en effet jugé que : « Sanctionner un journaliste pour avoir aidé à la diffusion de déclarations émanant d'un tiers dans un entretien entraverait gravement la contribution de la presse aux discussions d'intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses. »
107. Dans le même sens, on évoquera l’affaire Bergens Tidende, du nom d’un quotidien norvégien condamné pour avoir publié divers témoignages jugés diffamatoires à l’égard d’un chirurgien plasticien mammaire : « la Cour rappelle que les reportages d’actualité basés sur des entretiens représentent l’un des moyens les plus importants sans lesquels la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de « chien de garde ». Les méthodes permettant de faire des reportages objectifs et équilibrés peuvent varier considérablement, en fonction notamment du moyen de communication dont il s’agit ; il n’appartient pas à la Cour, ni aux juridictions nationales d’ailleurs, de se substituer à la presse pour dire quelle technique de compte-rendu les journalistes doivent adopter ».
108. Toujours à ce sujet, on relèvera que, dans l’affaire Ozgür Gündem déjà citée, la Cour a rappelé à propos d’une interview d’Abdula Öcalan, le chef du PKK, que « le fait qu’un membre d’une organisation interdite accorde des entretiens ou fasse des déclarations ne saurait en soi justifier une ingérence dans le droit du journal à la liberté d’expression, pas plus que le fait que les uns ou les autres renfermaient des critiques virulentes de la politique du gouvernement. Pour déterminer si les textes dans leur ensemble peuvent passer pour une incitation à la violence, il convient plutôt de porter attention aux termes employés et au contexte dans lequel leur publication s’inscrit ».
C’est ici la question de la violence, souvent sensible en Turquie, qui est posée. A cet égard, la Cour a reconnu dans de nombreuses affaires que « là où les propos litigieux incitent à l’usage de la violence à l’égard d’un individu, d’un représentant de l’Etat ou d’une partie de la population, les autorités nationales jouissent d’une marche d’appréciation plus large dans leur examen de la nécessité d’une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression » et que « en cas de conflits et de tensions dans un pays, les autorités nationales se doivent d’examiner avec une vigilance particulière la publication d’opinions qui suggèrent le recours à la violence contre l’Etat, faute de quoi les médias risquent de devenir un support de diffusion de discours, de haine et d’incitation à la violence ». Toutefois, dans la même affaire, la Cour précise que « lorsqu’une publication ne relève pas de la catégorie de celles qui incitent à la violence, les Etats contractants ne peuvent se prévaloir de la protection de la défense de l’ordre ou de la prévention du crime pour restreindre le droit du public à être informé en utilisant le droit pénal pour peser sur les médias ».
II.2. LES EDITEURS
II.2.1. Principes
109. Le principe pour l’activité d’édition est la liberté absolue: il est notamment consacré par l’interdiction du cautionnement inscrite à l’article 25 de la Constitution.
110. Cette liberté étant indissociable de la notion de responsabilité, l’article 299 du Code pénal punit celui qui “aura sciemment contribué à la publication ou distribution d’imprimés quelconques dans lesquels ne se trouve pas l’indication vraie du nom et du domicile de l’auteur ou de l’imprimeur”. Dans la pratique, c’est généralement de l’éditeur - qualifié pour l’occasion d’éditeur responsable - qu’on indiquera le nom et le domicile. Cette qualification d’éditeur responsable ne fait toutefois pas obstacle à l’application des règles constitutionnelles de la responsabilité en cascade (cfr. supra).
II.2.2. Aide à la presse
111. Au cours des années 70, il est apparu nécessaire de faire passer les éditeurs de presse quotidienne du stade de la liberté franchise à celui de la liberté créance: pour freiner le mouvement de disparition des quotidiens d’opinion, il a été décidé de mettre en place des aides directes à la presse; à côté de ces aides directes subsistent diverses formes d’aides indirectes.
II.2.2.1. Aides directes
112. Après plusieurs lois annuelles depuis 1974, le législateur a adopté en 1979 une loi tendant à maintenir la diversité dans la presse quotidienne d’opinion. Il faut toutefois constater que la loi n’a pas complètement atteint ses objectifs, puisque, bien qu’elle eût été conçue pour donner plus d’argent aux quotidiens en difficulté (on pouvait légitimement parler de « canards boîteux »), elle n’a pas empêché la disparition de titres d’opinion comme “Le Drapeau rouge”, “La Cité, “Le Journal et Indépendance - Le Peuple”, “La Wallonie” ou « Le Matin ». Aujourd’hui - la matière est communautarisée depuis 1989 -, la Communauté flamande a abandonné le système de la loi de 1979 et l’a remplacé par des aides sous forme d’achat par les pouvoirs publics de pages de publicité; en Communauté française, la loi de 1979 vient d’être remplacée par un nouveau décret du 31 mars 2004.
Quelques chiffres permettent de comprendre l’échec de l’ancien système de l’aide à la presse. En 1980, l’ensemble des quotidiens belges se partageaient un montant total de 234 millions, dont 45% pour les titres francophones, 45% pour les titres flamands, 6% pour l’agence Belga et 4% pour les (en fait, le) quotidiens germanophones. Ce montant est passé à 211 millions en 1982, 61 en 1985, 120 en 1986 et 80 millions en 1988, juste avant la communautarisation. La Communauté française attribuait jusqu’en 2003 quelque 36 millions, bien moins donc que les 105 millions (45% de 234) réservés aux quotidiens francophones en 1980.
113. Lorsque la publicité a été autorisée à la télévision puis à la radio, il a été décidé que des compensations devraient être prévues au bénéfice de la presse écrite: on prévoyait en effet - et à raison - que les investissements publicitaires allaient, dans une certaine mesure, se déplacer des médias écrits vers les médias audiovisuels.
Dans cette optique, l’attribution en 1987 des monopoles de la diffusion de publicité commerciale s’est faite aux télédiffuseurs privés qui associaient à leur capital les éditeurs de quotidiens: RTL-TVi en Communauté française, VTM en Communauté flamande.
En Communauté française, ce monopole a été remis en question dès 1988 avec l’autorisation donnée à la RTBF (en télévision d’abord, en radio quelques années plus tard) de diffuser également de la publicité commerciale. On a donc imaginé un système plus interventionniste de contributions des principaux diffuseurs au financement de la presse écrite, inscrit dans un arrêté de l’Exécutif de la Communauté française du 24 décembre 1991: chaque année, les quotidiens bénéficiaient d’une somme forfaitaire de 75 millions prélevée sur les recettes de la RTBF, de 25 millions prélevés sur les recettes de RTL-TVi et d’un pourcentage de 20% sur les sommes recueillies (par les deux diffuseurs pris globalement) au-delà d’un minimum de 3, 069 milliards. Ces montants étaient indexés selon un indice spécifique des coûts de télévision, et la somme ainsi perçue représentait en 1998 quelque 121 millions de francs belges, soit près de quatre fois plus que le montant de l’aide directe à la presse.
Ici, à la différence du mécanisme mis en place par la loi de 1979, la répartition se faisait au bénéfice des groupes susceptibles d’avoir perdu le plus de recettes publicitaires, c’est-à-dire des plus gros. Il faut encore noter qu’un litige opposait l’ABEJ (association des éditeurs de journaux) à la RTBF à propos des 20% de ce qui dépasse 3,069 milliards (3,634 aujourd’hui en valeur indexée), litige à rebondissements ayant donné lieu à une jurisprudence abondante et parfois contradictoire .
114. On notera encore que, en vertu de l’article 42 de son contrat de gestion du 11 octobre 2001, la RTBF s’acquitte également d’une contribution supplémentaire conçue comme une compensation pour l’obtention de l’autorisation de diffuser de la publicité en radio. Elle est de 3% du montant brut de ses recettes publicitaires, ce qui représentait en 2003 un peu plus d’1.860.000 euros.
L’affectation actuelle de cette somme, autrefois réservée à la presse hebdomadaire et à la presse quotidienne en difficulté, a fait l’objet de plusieurs arrêtés successifs, dont le dernier le 11 avril 2003 répartissant 1.860.068 € entre les six titres subsistant de la presse quotidienne (apparemment présumés être tous en difficultés financières) et un titre hebdomadaire, le Journal du Samedi, à raison de 300.000 €. Dans l’absence de tout fondement législatif ou réglementaire de portée générale, les critères retenus ici pour le choix des titres bénéficiaires et pour la ventilation entre eux des montants disponibles semblaient être totalement discrétionnaires, sinon arbitraires.
II.2.2.2. Aides indirectes
115. Les éditeurs de journaux bénéficient également de diverses aides indirectes, dont le montant est plus difficilement chiffrable: absence de TVA, réduction de tarifs postaux ou téléphoniques, réductions sur les frais de transports des journalistes professionnels...
II.2.2.3. Aides à l’investissement
116. En tant qu’entreprises créatrices d’emplois, les éditeurs de journaux peuvent également se voir attribuer des aides à l’investissement, par exemple à l’occasion de l’installation de nouveaux ateliers de fabrication technique.
II.2.2.4. Le nouveau système du décret du 31 mars 2004
117-180. Adopté très rapidement à la suite d’un accord conclu le 16 janvier 2004 entre toutes les parties concernées (gouvernement de la Communauté française, éditeurs de journaux, télévisions), le nouveau décret du 31 mars 2004 poursuit plusieurs objectifs :
- la prise en compte de la spécificité de chaque titre aidé ;
- un meilleur contrôle des subventions ;
- la protection des journalistes et, principalement, de leur emploi ;
- la possibilité d’aider non seulement des titres existant, mais aussi de nouveaux titres ;
- l’éducation aux médias.
Le système repose sur un centre d’aide à la presse écrite placé sous l’autorité du ministre ayant les médias dans ses attributions. Ce centre sera doté d’un budget annuel de 6.200.000 €, somme correspondant à peu près à l’addition des ressources anciennement disponibles (loi de 1979, compensations de la publicité TV et compensations de la pub radio). Le centre attribuera les aides aux entreprises de presse qui lui en auront fait la demande motivée, après avis des éditeurs (représentés par leur association JFB) et de la commission d’agréation instituée par la loi de 1963 relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel. Pour être éligibles, les entreprises de presse doivent notamment appliquer et faire appliquer le code de principes du journalisme adopté par l’ABEJ et l’AGJPB, mais aussi reconnaître comme interlocutrice la société de rédacteurs existant éventuellement.
Les aides sont destinées à couvrir les coûts de l’activité rédactionnelle, à la modernisation des système d’édition, à l’adaptation aux technologies modernes ainsi qu’à l’incitation et à la formation à la lecture. Des pourcentages du montant total disponible sont spécifiquement réservés pour ces divers objectifs. Fin 2004, il était toutefois encore impossible de porter une appréciation sur l’efficacité du nouveau décret.
II. 3. RECEPTEURS
II.3.1. Principe: liberté de réception
181. Au niveau européen: article 10 CEDH
En Belgique: loi du 30 juillet 1979 relative aux radiocommunications, art. 1er, 4° exclusion explicite du champ d'application des appareils "destinés exclusivement à la réception des émissions de radiodiffusion sonore ou télévisuelle".
II.3.2. Restrictions
II.3.2.1. Médias écrits
182. Prohibée par l’article 25 de la Constitution, la censure administrative institutionnelle des écrits n’existe plus en Belgique. Il subsiste toutefois dans l’arsenal législatif un texte qui, même s’il n’est plus utilisé, permet l’exercice par le gouvernement d’une forme évidente de censure : la loi du 11 avril 1936 permettant au gouvernement d’interdire l’entrée en Belgique de publications étrangères obscènes.
La loi du 11 avril 1936 permet au Roi, par arrêté délibéré en conseil des Ministres, d’interdire l’introduction en Belgique de publications étrangères obscènes. Ceux qui, nonobstant cette interdiction, auront importé, fait importer, vendu, exposé en vente ou distribué des publications interdites seront punis de peines de prison et d’amende, et les publications seront saisies ou confisquées. Comme le rappela l’avocat général Stryckmans dans sa mercuriale prononcée à l’audience solennelle de rentrée de la Cour d‘appel de Bruxelles en 1958, la loi de 1936 poursuivait un triple objectif : pallier le retard apporté à l’exercice de l’action publique de par la lourdeur des procédures d’assises, éviter la publicité inhérente à ces procédures, et prévenir le risque d’acquittement par les jurys populaires.
183. On retrouvait donc clairement les impératifs d’efficacité et d’exhaustivité qui président à l’exercice d’une bonne censure, l’idée étant de déplacer le débat du judiciaire – avec ce qu’il suppose d’indépendance et d’aléas – vers l’exécutif en supprimant en l’espèce la qualification de délit de presse : dans le régime de la loi de 1936, l’importation, la vente, l’exposition en vente ou la distribution de publications interdites est une infraction ordinaire et non un délit de presse.
L’objection de l’inconstitutionnalité de la loi de 1936 fut d’ailleurs soulevée lors des travaux qui précédèrent son adoption, mais le gouvernement la repoussa au motif – difficilement acceptable aujourd’hui – que la liberté de presse n’était garantie qu’aux seuls Belges et que la loi ne visait que des publications étrangères. Le débat se focalisa plutôt sur le rôle précis du gouvernement en la matière. Si une majorité de parlementaires semblait accepter que le conseil des ministres était – de par sa responsabilité politique – l’organe le mieux à même d’être contrôlé dans l’exercice de cette tâche de censeur, beaucoup firent observer qu’il était peu probable que les ministres se livrent eux-mêmes à une lecture attentive des publications litigieuses et que, en fin de compte, c’est à l’un ou l’autre fonctionnaire que reviendrait ce rôle. La proposition de confier à une commission ad hoc réunissant parlementaires, artistes et littérateurs la tâche de passer au crible les publications ne fut pas retenue.
184. La liste des publications interdites par le conseil des ministres doit être publiée au Moniteur belge à l’initiative du ministre de l’Intérieur. Entre 1936 et 1954, un total de quatorze arrêtés d’interdiction ont ainsi été publiés. Furent interdits 63 périodiques aux noms plus ou moins évocateurs et où la capitale française semble être un phare particulièrement significatif : il est d’ailleurs intéressant de constater – mais on ne sait si c’est une question de mœurs ou de rapport linguistique – que la plupart des titres visés étaient des titres en français, aucun arrêté ne visant des publications en néerlandais et seules une demi-douzaine de publication en langue allemande étant également visées. Furent également prohibés à l’importation 69 romans parmi lesquels « Cocktail charnel » de Pierre Pic, « Tu paieras de ta chair » de Larry Saunders, « Interdit aux jeunes filles » de René Roques. La seule des œuvres visées qui ait résisté à l’injure du temps est « Justine ou les Malheurs de la Vertu» de Sade, interdit par un arrêté du 14 janvier 1954 : il est d’ailleurs intéressant de souligner que ces arrêtés n’ont apparemment pas été abrogés, en manière telles que leurs prescriptions continuent en principe toujours à s’appliquer.
Le Roi et le gouvernement semblent avoir renoncé depuis les années 60 à recourir à la procédure de la loi du 11 mars 1936. C’est évidemment que l’obscénité est une notion plus relative encore que la notion de bonnes mœurs, en référence à laquelle elle fut définie lors de l’adoption de la loi de 1936 : l’acception des bonnes mœurs s’est radicalement modifiée en soixante ans, et il est aujourd’hui admis que l’obscénité peut résider plus dans la médiocrité, la vulgarité ou la bêtise que dans la représentation de la sexualité.
185. Est-ce à dire que toutes les publications étrangères entrent désormais librement en Belgique ? Sans doute pas. On se souviendra par exemple que certains numéros de « Charlie-Hebdo », notamment au lendemain du décès du Roi Baudouin en 1993, ne furent pas distribués sur le territoire belge : il semble toutefois que pareille mesure trouve sa cause dans une décision spontanée du distributeur belge, et non dans un arrêté royal ou même dans une injonction des autorités judiciaires.
II.3.2.2 Cinéma
186. On aurait presque tendance à l’oublier, tant le texte est vieux, mais l’entrée des salles de cinéma est en principe interdite aux mineurs de moins de seize ans en Belgique : telle est la règle, et ce n’est qu’à titre d’exception que certains films peuvent être vus par les enfants.
Principe.
187. Selon le mécanisme mis en place par la loi du 1er septembre 1920, il est, en Belgique, deux catégories de films. Ceux qui, ayant été présentés devant la Commission de contrôle des films cinématographiques, auront été reconnus comme « constituant des spectacles pour familles et enfants » - c’est la mention connue aujourd’hui comme enfants admis - et ceux qui, soit parce qu’ils n’auront pas été présentés devant ladite Commission soit parce qu’elle leur aura refusé le visa en question, seront présentés comme enfants non admis. La première catégorie est l’exception, la seconde la règle.
On a tendance à considérer aujourd’hui que le mécanisme de la loi de 1920 consiste à rendre accessible aux mineurs de moins de seize ans les films déclarés enfants admis, et à leur interdire l’accès aux autres films. La réalité du texte n’est pas exactement celle-là. Si l’on retourne au prescrit légal – inchangé depuis plus de 80 ans -, on constate que le principe est bien l’interdiction aux « mineurs des deux sexes âgés de moins de 16 ans accompagnés », mais que l’exception de l’article 2 vise en réalité des salles et non des films : « L’interdiction prononcée par l’article précédent ne s’applique pas aux établissements cinématographiques lorsqu’ils représentent exclusivement des films autorisés par une commission dont l’organisation et le fonctionnement seront réglés par arrêté royal. » En d’autres termes, les salles accessibles aux mineurs devraient se trouver exclusivement dans des cinéma ne projetant que des films EA : les multiplexes présentant parallèlement des films Enfants admis et des films Enfants non admis sont donc dans l’illégalité s’ils laissent entrer des mineurs de moins de seize ans dans leurs salles, et ce quel que soit le programme.
188. Cela dit, la précision est d’une utilité toute relative, tant il semble que les contrôles sont devenus rarissimes, et que la conscience de l’obsolescence de la loi est largement partagée. Ainsi du dernier – et rare – cas de poursuites connu, véritable cas d’école il est vrai. L’exploitant et les ouvreuses d‘un cinéma liégeois d’art et d’essai, le Churchill, avaient été poursuivis pour avoir laissé entrer un mineur de 15 ans et 2 mois accompagné de sa tante (qu’il dépassait par la taille) dans une salle où était projeté le film « Raï » de Thomas Gillou, classé tous publics en France mais qualifié « enfants non admis » en Belgique, non parce que la Commission de contrôle l’avait classé comme tel mais simplement parce que, pour raisons budgétaires, il n’avait pu être présenté devant ladite Commission : il faut en effet savoir que le distributeur qui soumet un film à la Commission doit s’acquitter d’une redevance correspondant environ à 1 FB par mètre de pellicule, montant dont on ne sait d’ailleurs à quoi il sert exactement puisque les membres de la Commission ne reçoivent que 3 € d’indemnité par séance, à l’exclusion de tout remboursement de frais de déplacement.
Dans un jugement au ton d’une franchise inhabituelle, le tribunal de police de Liège acquitta l’exploitant du cinéma et son personnel au bénéfice de l’erreur invincible, et accorda à la tante du mineur la suspension du prononcé au motif qu’il aurait été « invraisemblable, voire ubuesque de sanctionner pénalement ledit comportement en ne tenant pas compte de l’évolution des mœurs et des techniques audiovisuelles dont le législateur ne semble pas vraiment s’être préoccupé ces derniers temps », épinglant au passage l’ « absence totale de discernement » des policiers qui avaient procédé au contrôle, la « comédie projetée dans la salle [ transformée] en vaudeville à l’extérieur de celle-ci » ainsi que les services du Parquet « qui malgré leurs très larges pouvoirs d’appréciation quant à l’opportunité des poursuites, estimèrent néanmoins impérieux de devoir traduire (sans doute pour l’exemple !!!) devant le Tribunal de Police (pourtant oh combien encombré) les contrevenants à cette législation dont le texte vierge de toute modification législative date du 1er septembre 1920. »
Ratio legis.
189. La lecture des travaux préparatoires de la loi du 1er septembre 1920 est riche d’enseignements. On apprend, d’abord, qu’il existait à l’époque plus de 1.500 salles de cinéma en Belgique, et que le nombre moyen de sorties de nouveaux films chaque semaine s’élevait à cinquante. Que, avant même l’intervention du législateur, divers conseils communaux avaient adopté des règlements de police pour interdire la représentation, dans les cinémas, de scènes immorales, mais que certains de ces règlements avaient été déclarés inconstitutionnels pas les tribunaux. Et que, juste avant que soit déposée la proposition qui allait aboutir à la loi que l’on connaît toujours aujourd’hui, une autre proposition tendant à soumettre tous les films à une censure avait été déposée.
Les motifs des défenseurs de la loi étaient de deux ordres. A titre principal, l’idée fut de protéger la jeunesse contre l’influence présumée nocive de ce qu’on appellerait aujourd’hui un certain cinéma et qui était alors principalement représenté par le cinéma policier ; à titre accessoire, il s’agissait aussi de protéger les jeunes têtes blondes non plus contre ce qu’on voyait sur l’écran, mais contre ce qui se passait dans la salle.
190. On débattit de la question de savoir si le régime juridique du cinéma pouvait vraiment, en la matière, être disjoint de ceux du livre, du cabaret ou du théâtre, jugés par certains aussi potentiellement dangereux : les détracteurs de la loi – qui auraient préféré qu’on se limite à interdire l’entrée des salles de cinéma aux mineurs non accompagnés d’un adulte – établirent ces comparaisons pour pousser le raisonnement jusqu’à l’absurde. Ils insistèrent notamment sur les qualités éducatives du cinéma, et sur sa capacité d’émancipation sociale. Il leur fut répondu par le ministre de la Justice – Emile Vandervelde – que la nouvelle loi ne serait que le pendant logique de l’interdiction faite aux mêmes mineurs de fréquenter les salles d’audience.
191. La question de la constitutionnalité du projet de loi fut évidemment soulevée, mais sans aucune référence à l’article 25 de la Constitution : on invoqua plutôt la liberté de réunion consacrée par l’article 26, ainsi que la liberté du commerce et de l’industrie. Le terme de censure fut pourtant évoqué plus d’une fois.
Il fut répondu par le ministre de la Justice qu’il n’y avait pas d’inconstitutionnalité « car la censure n’est interdite qu’en matière de presse, et non lorsqu’il s’agit du théâtre ou du cinéma ». Mais on insista aussi et surtout pour dire qu’il ne s’agissait pas de censure, puisque l’obligation de présenter les films devant la Commission de contrôle n’était pas absolue, chaque distributeur restant libre de sortir ses films à destination des seuls spectateurs de plus de seize ans : le système proposé était donc pour ses auteurs un moindre mal.
Fonctionnement.
192. La Commission de contrôle des films cinématographiques fut instituée et organisée par un arrêté royal du 10 novembre 1920. Ses membres étaient nommés par arrêté royal jusqu’à ce que, par effet – tardif – de la dévolution aux Communautés de la compétence en matière de protection de la jeunesse, l’ancienne Commission fédérale de contrôle se transforme en Commission intercommunautaire de contrôle des films, désormais instituée en vertu d’un accord de coopération. Après avoir d’abord reconduit les membres de l’ancienne commission fédérale, les Communautés ont nommé, en 2001, une centaine de nouveaux membres pour les sections de 1ère instance, et une vingtaine pour la section d’appel. Ces membres, dont on peut craindre qu’ils aient été notamment motivés par l’attribution à chacun d’une carte de libre accès à toute salle publique de spectacle cinématographique bruxelloise (pour exercer une fonction de contrôle de respect de la loi !), ne semblent toutefois pas suffire puisque la commission serait encore bien en peine de constituer les sections de cinq membres requises par son règlement.
Etabli dès 1920 et confirmé par l’accord de coopération de 1990, le système est celui d’un double degré de juridiction : le distributeur soumet à la Commission le film accompagné de son scénario. Une décision est prise par une section de première instance, la possibilité d’appel de cette décision étant ouverte tant au distributeur qu’au président de la Commission dans un délai de quinze jours. La section d’appel se prononce alors à son tour par une décision définitive qui pourra faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. La suspension de la décision peut en théorie être également demandée au Conseil d’Etat, mais risque d’être rejetée faute de préjudice grave et difficilement réparable.
193. A. Berenboom rappelle qu’une circulaire du ministre de la Justice avait, dès 1921, rappelé à la commission qu’elle n’était pas une commission de censure, et qu’elle n’avait pas à s’occuper des tendances politiques, philosophiques ou religieuses des films soumis à son contrôle, mais devait uniquement s’inspirer des intérêts de la protection de l’enfance. Une note interne de 1951 précisa ainsi que « la Commission a été créée pour éviter que soient projetés devant les mineurs de moins de 16 ans des films dont la vision pourrait être dangereuse tant pour leur moralité que pour leur éducation. Tout film ou toute scène qui pourrait exercer une influence mauvaise sur la jeunesse doit impitoyablement être rejeté ». La frontière entre la protection de la moralité et l’appréciation politique est toutefois ténue, si l’on constate qu’avaient ainsi été classés au rang des influences mauvaises :
« - Les films aux scènes représentant des faits délictueux pour autant qu’ils puissent être de nature à éveiller chez le jeune spectateur le désir de les imiter ;
- Les films qui mettent en scène des actes de violence, meurtre, assassinat, exécutions capitales, pillages, rixes… y compris les scène de guerre ou de révolution d’un réalisme trop brutal ;
- Les films qui présentent un caractère pornographique ;
- Les films et scènes de nature à ridiculiser ou attaquer la moralité publique ou l’ordre social établi tels ceux prônant ou privilégiant l’union libre, l’adultère, attaquant au tournant en dérision la fidélité conjugale ;
- Des films ou des scènes battant en brèche ou tournant en dérision l’autorité paternelle et la famille ;
- Les films qui, sous prétexte de documentation scientifique ou d’actualité, représentent des sacrifices sanglants, des pratiques rituelles violentes, des opération chirurgicales graves, des scènes de carnage, duels, etc…
- Les films faisant montre de mépris pour l’autorité, battant en brèche l’ordre établi en le ridiculisant. »
194. Ces critères ne sont plus d’application aujourd’hui. Selon un membre de la Commission entendu par le Groupe de travail « Enfants admis » mis en place à l’initiative des ministres de l’aide à la jeunesse et de l’audiovisuel de la Communauté française, les critères appliqués aujourd’hui sont plus succincts : on s’oppose à la violence gratuite, aux films à caractère immoral ou amoral – catégorie assurément imprécise – et aux film anxiogènes. L’imprécision reste telle que certaines décisions continuent de surprendre.
Ainsi, en avril 2001, du film « Yamakasi », d’abord classé ENA par la section de première instance avec une motivation qui fleure bon les années 50 : « satire contre l’ordre établi, on y critique violemment les médecins, les hôpitaux, les politiques, la police. Les seuls bons sont les gens de couleur, les étrangers ; ces escaladeurs de façade sont un mauvais exemple pour les enfants, cela suscite leur admiration et leur désir d’imitation. ». A telle enseigne que, réformant la décision de première instance, la section d’appel jugea nécessaire de préciser : « La Commission, à l’unanimité, est d’avis que ce film ne contient aucune image choquante pour les enfants. Le message du film n’a rien en soi d’immoral et peut même constituer un modèle positif. La Commission regrette la manière dont la motivation de la première instance a été formulée ».
Il faut encore préciser que l’accord intercommunautaire encourage à plus d’un titre la mutilation des œuvres. L’article 8 précise en effet que « Les films pourront être acceptés moyennant coupures. » et que « Les coupures resteront en dépôt au siège de la Commission jusqu’au moment où le déposant du film restituera la carte d’autorisation qui lui a été délivrée. » : on est ici dans l’hypothèse d’une acceptation conditionnée à l’acceptation de coupures par le distributeur. De même, l’article 9 expose que « Un film refusé peut, après modifications, être représenté à la Commission à la condition que la demande formulée à cet effet soit accompagnée d’une indication précise des modifications qui y auraient été apportées. », ce qui est sans nul doute un appel du pied à la censure de l’œuvre par le distributeur qui souhaiterait obtenir à tout prix le précieux sésame.
Perspectives d’avenir.
195. Il existe aujourd’hui un large consensus, tant politique que juridique, sur l’obsolescence patente de la loi du 1er septembre 1920. Arbitraire des décisions, absence de cohérence avec la signalétique TV, classification insuffisamment différenciée, absence d’effet sur les marchés de la vidéo et du DVD sont quelques uns des griefs les plus fréquemment formulés. Plusieurs propositions de lois et de décrets ont déjà été déposées en ce sens. Pourtant, deux obstacles semblent freiner toute velléité de réforme.
C’est, d’abord, la question de la portée du nouveau texte qui devra être adopté. Faut-il le limiter à l’accès aux salles cinématographiques, ou viser – à l’instar du système Kijkwijzer du NICAM aux Pays- Bas – mettre en place un système de classification tous supports ?
196. C’est, ensuite et surtout, que le caractère supposé communautaire de la matière a rendu toute tentative de réforme plus délicate encore. Non seulement parce que les joies de l’article 127 § 2 de la Constitution font qu’il aurait été absurde d’imaginer – surtout à Bruxelles – des commissions de contrôle fonctionnant séparément pour chaque Communauté, et que l’accord intercommunautaire reste un instrument lourd à manier. Mais aussi parce que l’essence même de la compétence des Communautés restait contestée : lors de la conclusion de l’accord intercommunautaire en 1990, le ministre fédéral de la Justice continuait à considérer que la matière ressortissait à la politique pénale et donc à la compétence fédérale, et un recours au Conseil d’Etat fut même introduit contre l’accord intercommunautaire. C’est d’ailleurs pour limiter autant que possible les effets d’une éventuelle annulation que l’accord intercommunautaire avait mis en place une commission dont les membres étaient les mêmes que ceux de l’ancienne commission fédérale ; l’Etat belge se désista toutefois de son recours en annulation, en manière telle que la question resta dans la flou encore pendant une quinzaine d’années.
Elle vient toutefois d’en sortir à la faveur d’un récent arrêt du Conseil d’Etat : le Conseil d’Etat conteste la compétence des Communautés et, par voie de conséquence, constate que l’actuelle commission n’est pas valablement composée. Théoriquement donc, tous les films devraient rester enfants non admis !
II.3.2.3 Médias audiovisuels
II.3.2.3.1. Redevance
197. Instituée par une loi du 13 juillet 1987, la redevance radio télé n’existe plus en principe aujourd’hui que pour les personnes domiciliées en région wallonne. Elle a été supprimée en région flamande et – mais de façon un peu factice car la taxe régionale passait en même temps de 50 à 165 € - dans la région de Bruxelles-Capitale.
La redevance radio-télé est due pour la détention de toute télévision ou pour la détention d’une radio, mais uniquement dans une voiture. Il n’est pas nécessaire de regarder la télévision, ni encore moins de regarder les chaînes publiques, pour devoir payer la redevance. La redevance n’est pas affectée directement aux établissements publics, mais entre dans le budget global. Les télédistributeurs sont tenus d’apporter leur collaboration en mettant à disposition du service de contrôle la liste de leurs abonnés.
II.3.2.3.2. Détention des antennes paraboliques
198. La réception par satellite des programmes de télévision a été longtemps contrariée en Belgique par diverses contraintes. Il y a, d’abord, l’exigence de principe d’un permis d’urbanisme pour leur placement, tel qu’inscrite à l’article 84 § 1er du CWATUP du 27 novembre 1997 pour la Région wallonne ou à l’article 98, § 1er, 1 du COBAT pour la Région de Bruxelles-Capitale. Dans les deux régions, il es toutefois prévu (CWATUP, art. 262, 6° et arrêté du gouvernement de la région de Bruxelles-Capitale du 12 juin 2003, art. 14 A) que le placement d’une antenne peut être dispensé de permis moyennant certaines conditions de superficie maximum et de non-visibilité depuis la voie publique.
199. L’autre restriction majeure au développement de la réception par satellite réside dans les taxes communales frappant leur détention, taxes extrêmement élevées au regard de la valeur de ces dispositifs et dont la fonction est le plus souvent de protéger les recettes des télédistributeurs (et, par voie de conséquence, les recettes des communes qui imposent ces taxes dissuasives) . Est, ou était, puisque ces taxes sont en voie de disparition, le coup de grâce semblant leur avoir été donné par l’arrêt de Coster de la Cour de justice des Communautés européennes du 29 novembre 2001 : « il y a lieu de constater que l'instauration d'une taxe sur les antennes paraboliques a pour effet d'imposer à la réception d'émissions télévisées diffusées par voie de satellite une charge qui ne pèse pas sur celle d'émissions transmises par câble, ce dernier moyen de réception n'étant pas soumis à une taxe similaire à la charge du destinataire (…)une taxe telle que celle instaurée par le règlement-taxe est de nature à dissuader les destinataires de services de radiodiffusion télévisuelle établis sur le territoire de la commune de Watermael-Boitsfort de rechercher un accès aux émissions de radiodiffusion télévisuelle en provenance d'autres États membres, dès lors que la réception de telles émissions est soumise à une charge qui ne pèse pas sur celle des émissions émanant d'organismes de radiodiffusion établis en Belgique (…)l'instauration d'une telle taxe est de nature à entraver l'exercice des activités des opérateurs actifs dans le domaine de la transmission par satellite en imposant à la réception d'émissions transmises par de tels opérateurs une charge qui ne pèse pas sur celle d'émissions diffusées par les câblodistributeurs nationaux. Il résulte des développements qui précèdent que la taxe sur les antennes paraboliques instituée par le règlement-taxe est de nature à gêner davantage les activités des opérateurs actifs dans le domaine de la radiodiffusion ou de la transmission télévisuelle établis dans des États membres autres que le royaume de Belgique, tandis qu'elle assure un avantage particulier au marché intérieur belge et aux activités de radiodiffusion et de télédistribution internes à ce dernier État membre. (…)les articles 59, 60 et 66 du traité doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'application d'une taxe sur les antennes paraboliques »
II.3.3. Garanties particulières
200. Deux dispositions du décret de la Communauté française du 27 février 2003 sur la radiodiffusion garantissent l’accès du public à certains événements.
201. L’article 3 consacre le droit du public à l’information sur les événements publics définis comme tout « événement, organisé ou non, auquel l’accès a été donné à un éditeur de services par l’organisateur de cet événement ou par toute personne exerçant un contrôle sur l’accès à cet événement ». Ce droit à l’information est garanti par la reconnaissance au bénéfice des autres éditeurs de service d’un droit d'enregistrement, moyennant contrepartie, de brefs extraits.
202. L’article 4, qui ne vise lui que les éditeurs de service de radiodiffusion télévisuelle (il s’agit d‘une transposition de l’article 3 bis de la directive TVSF), vise à garantir le droit du public de voir certains événements reconnus comme étant d’intérêt majeur Un événement est considéré d’intérêt majeur pour le public de la Communauté française lorsqu’il répond au moins à deux des critères énoncés ci-après :
1° l’événement a un écho particulier auprès du public de la Communauté française en général et non auprès du public qui suit habituellement un tel événement;
2° l’événement a une importance culturelle globalement reconnue par le public de la Communauté française et constitue un catalyseur de son identité culturelle ;
3° une personnalité ou une équipe nationale participe à l’événement concerné dans le cadre d’une compétition ou d’une manifestation internationale majeure ;
4° l’événement fait traditionnellement l’objet d’une retransmission dans un programme d’un service de radiodiffusion télévisuelle à accès libre en Communauté française et mobilise un large public.
Selon l’article 4, ces événements ne pourront être acquis en exclusivité que par des services de radiodiffusion télévisuelle à accès libre, c’est-à-dire des services diffusés en langue française et pouvant être capté par 90% des foyers équipés d’une installation de réception de services de radiodiffusion télévisuelle, situés dans la région de langue française et dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, sans autre coûts que les coûts techniques ou l’éventuel prix d’abonnement à l'offre de base d’un service de distribution par câble. Et donc pas par une télévision payante.
III. RÈGLES DE CONTENU
III.1. PROTECTION DE L’ORDRE PUBLIC
III.1.1. Protection des institutions et de ceux qui les incarnent
III.1.1.1. Protection des institutions
203. Atteintes à la force obligatoire des lois : décret sur la presse du 20 juillet 1831, art. 2
204. Atteintes à l’autorité constitutionnelle du Roi : décret sur la presse du 20 juillet 1831, art. 3
205. Atteintes aux corps constitués : Code pénal, art. 277
206. Provocation à commettre des crimes et délits: loi du 25 mars 1891
207. Avis ou informations de nature à ébranler le crédit de l’Etat: A.R. du 19 juillet 1926
208. Propagande d’indiscipline ou de démoralisation: A.L. 30 avril 1940
209. Sondages d’opinion : loi du 18 juillet 1985
III.1.1.2. Protection de ceux qui incarnent les institutions
III.1.1.2.1. Personne du Roi et membres de la famille royale
210. Offense envers la personne du Roi: loi du 6 avril 1847, art. 1er
211. Offense envers les membres de la famille royale: loi du 6 avril 1847, art. 2.
III.1.1.2.2. Hommes politiques
212. Outrage aux membres des Chambres, aux ministres : Code Pénal, art. 275
213. De par le choix qu'il font d'exercer des fonctions publiques, les hommes politiques doivent accepter un degré plus élevé de critiques que le reste de la population : dès lors, il appartiendra aux autorités nationales de faire preuve d'une plus grande tolérance à l'égard de critiques frappant un homme politique. En d'autres termes, la Cour considérera plus rapidement que le critère de proportionnalité n'a pas été respecté si une condamnation est infligée pour la critique d'un homme politique.
Ainsi, dans l'arrêt Lingens déjà cité, la Cour a jugé que « La liberté de la presse fournit à l’opinion publique l’un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants. Plus généralement, le libre jeu du débat politique se trouve au cœur même de la notion de société démocratique qui domine la Convention tout entière. Partant, les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier: à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance. »
214. Ces principes ont été rappelés à de multiples reprises, et notamment dans l’arrêt Oberschlick (2) à propos d’un journaliste autrichien qui avait traité de « Trottel » un certain Jörg Haider qui avait déclaré, lors d’une « célébration de la paix » que tout les soldats, y compris ceux de l’armée allemande, avaient combattu pour la paix et la liberté et qu’il ne fallait donc pas distinguer entre les bons et les mauvais soldats de cette génération.
Dans le même esprit, on évoquera l’arrêt Lopes Gomes da Silva, à l’occasion duquel la Cour a jugé non nécessaire dans une société démocratique la condamnation d’un journaliste portugais qui avait qualifié un sieur Silva Resende, candidat d’un parti de droite à la mairie de Lisbonne, comme « un mélange aussi incroyable de grossièreté réactionnaire, de bigoterie fasciste et d’antisémitisme vulgaire ».
Il faut préciser que le journaliste avait eu la bonne idée de publier à côté de ce commentaire divers extraits d’articles publiés par l’homme politique en question dans un autre quotidien, et que cette juxtaposition pouvait largement justifier les termes employés. La Cour a constaté à cet égard que « les opinions exprimées par Monsieur Silva Resende et reproduites à côté de l’éditorial incriminé sont elles-mêmes formulées dans un style incisif, provocateur et, à tout le moins non dépourvu de polémique. Il n’est pas déraisonnable de croire que la forme que le requérant a donnée à son article a été influencée par le style de Monsieur Silva Resende. De plus, en reproduisant, à côté de l’éditorial litigieux, de nombreux extraits d’article récents de Monsieur Silva Resende, le requérant a agi dans le respect des règles de la profession de journaliste. Il a ainsi, tout en réagissant à ces articles, permis aux lecteurs de se former leur propre opinion, en confrontant l’éditorial en cause aux déclarations de la personne visée par ce même éditorial. La Cour attache une grande importance à ce fait. (…) La Cour relève à cet égard que, dans ce domaine, l’invective politique déborde souvent sur le plan personnel : ce sont là les aléas du jeu politique et du libre débat d’idées, garants d’une société démocratique. »
215. De même, dans l'arrêt Castells où un sénateur autonomiste basque avait critiqué l'action du gouvernement, la Cour a jugé que « Les limites de la critique admissible sont plus larges à l'égard du gouvernement que d'un simple particulier, ou même d'un homme politique. Dans un système démocratique, ses actions ou omissions doivent se trouver placées sous le contrôle attentif non seulement des pouvoirs législatif et judiciaire, mais aussi de la presse et de l'opinion publique. En outre, la position dominante qu'il occupe lui commande de témoigner de retenue dans l'usage de la voie pénale, surtout s'il a d'autres moyens de répondre aux attaques et critiques injustifiées de ses adversaires ou des média. »
Semblablement, des associations privées doivent, si elles jouent un rôle dans un débat public, accepter un degré plus élevé de critique.
III.1.1.2.3. Magistrats
216. Outrage aux magistrats : Code Pénal, art. 275
217. Exerçant également une fonction publique, les magistrats se trouvent naturellement exposés à la critique des médias. Pourtant, il est exigé de leur part un degré de tolérance à l'égard de la critique moins élevé que celui qu'on imposera aux hommes politiques : en effet, à la différence des hommes politiques, les magistrats ne peuvent se défendre contre les attaques dont ils font l'objet et ce en vertu de leurs devoirs de réserve. C'est ce qu'a jugé la Cour dans un arrêt où l'Autriche était poursuivie par deux journalistes pour une condamnation que ceux-ci avaient encouru en suite d'articles assez virulents mettant en cause le fonctionnement de certains tribunaux viennois :
"La liberté journalistique comporte aussi le recours possible à une certaine dose d'exagération, voire même de provocation (...). Il convient cependant de tenir compte de la mission particulière du pouvoir judiciaire dans la société. Comme garant de la justice, valeur fondamentale dans un Etat de droit, son action a besoin de la confiance des citoyens pour prospérer. Aussi peut-il s'avérer nécessaire de protéger celle-ci contre des attaques destructrices dénuées de fondement sérieux, alors surtout que le devoir de réserve interdit aux magistrats visés de réagir.”.
218. Ici aussi toutefois, l’appréciation est affaire de contexte. Ainsi, dans l'affaire De Haes et Gijsels déjà citée, nonobstant le caractère également assez virulent des critiques, la Cour a considéré que la Belgique avait violé le critère de proportionnalité en condamnant les deux journalistes de Humo : se livrant à une analyse concrète du contexte dans lequel ces critiques avaient été faites, la Cour a en effet considéré que : « Si les commentaires de Messieurs De Haes et Gijsels contenaient certes des critiques très sévères, celles-ci n'en paraissent pas moins à la mesure de l'émotion et de l'indignation suscitées par les faits allégués dans les articles litigieux (...); ». De même, dans l’affaire Perna, il fut dans un premier temps jugé que les accusations de militantisme politique portées contre un juge étaient légitimes – parce que c’est ce militantisme qui portait atteinte à l’impartialité de la justice – mais que, par contre, d’autres accusations précises de noyautage par ce juge de l’appareil judiciaire avaient pu justifier la condamnation du journaliste faute d’être suffisamment étayées. Réunie en grande chambre, la Cour revint toutefois sur ce premier arrêt, considérant que l’article devait être considéré dans son ensemble et qu’il avait pu valablement justifier la condamnation du journaliste au regard de l’article 10 de la Convention.
III.1.1.2.4. Autres agents publics
219. Outrage aux officiers ministériels, agents dépositaires de l’autorité ou de la force publique et autres personnes ayant un caractère public : Code pénal , art. 276
III.1.1.2. Protection de la sûreté extérieure et des relations internationales
220. Communication à l’ennemi : art. 116 et suivants du Code pénal
221. Offense envers les chefs d’Etat étrangers: loi du 20 décembre 1852
222 Offense envers les agents diplomatiques accrédités: loi du 12 mars 1858
III.2. PROTECTION DES BONNES MŒURS
III.2.1. Outrage aux bonnes moeurs
223. Caractère évolutif
Lié à la représentation de la sexualité
Pénalisation
224. Texte central : Code Pénal, art. 383.
« Quiconque aura exposé, vendu ou distribué des chansons, pamphlets ou autres écrits imprimés ou non, des figures ou des images contraires aux bonnes moeurs, sera condamné à un emprisonnement de huit jours à six mois et à une amende de vingt-six francs à cinq cents francs. (Sera puni des mêmes peines quiconque aura chanté, lu, récité, fait entendre ou proféré des obscénités dans les réunions ou lieux publics visés au § 2 de l'article 444.) »
C’est l’article 383 du Code pénal qui fonda les poursuites intentées jusqu’en 1977 contre des distributeurs de film, le dernier à encourir pareilles foudres étant le distributeur de « L’empire des sens « de Nagisa Oshima. L’évolution des mœurs est telle toutefois qu’il n’a plus été recouru à cette norme en matière de cinéma.
225. Si l’article 383 du Code pénal est en principe une norme uniquement répressive, l’interprétation qui en est donnée sur base de critères désormais constants peut devenir une forme de soft law susceptible d’orienter les pratiques. Ainsi, en 1993, le Parquet de Bruxelles définissait à usage interne les critères applicables non seulement en matière de cassettes vidéo, mais aussi de peep-shows ou de films représentés sur les télévisions cryptées. Référence était ainsi faite à un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles qui, dans une affaire de cassettes vidéo, avait conclu : « Attendu que les images provenant de cassettes vidéo projetées en présence de la cour, pour érotiques qu’elles soient, ne contiennent notamment aucune scène de violence sexuelle, de pédophilie, de bestialité ou de sado-masochisme ; qu’il s’agit exclusivement de la représentation d’actes et de relations sexuelles sous différentes formes entre des adultes consentants ; que, dans ces conditions, de telles images – si elles sont susceptibles de blesser bien légitimement la pudeur individuelle de certains spectateurs – ne portent cependant pas atteinte, compte tenu de l’évolution des mœurs dans la société d’aujourd’hui, à la pudeur publique, c’est-à-dire à la pudeur de la généralité des citoyens qui consentent à les regarder et aux yeux desquels elles ne sont en aucune manière imposées »
La Cour de cassation peut sembler moins libérale, même si ses conceptions ont évolué avec le temps :
-
« L’étalage de nudités, aux fins de provoquer une excitation sexuelle, peut constituer un outrage public aux bonnes mœurs. » (11 septembre 1961) ;
-
« Est visé par l’article 383, al. 1er, le fait d’exposer, de vendre ou de distribuer des images empreintes de lascivité voulue, même par camouflage des parties sexuelles, les moyens employés ou les attitudes prises par les personnages tendant à souligner le caractère voluptueux des images, celles-ci ayant incontestablement l’érotisme comme seul but. » (4 mai 1964) ;
-
« Attendu que la notion légale de "bonnes moeurs" ne saurait s'apprécier d'après l'opinion d'un "grand nombre de personnes"; que le contenu de cette notion qui est susceptible d'évolution doit être déterminé en fonction des valeurs relevant de la moralité publique protégées par la loi, telles qu'elles sont perçues à un moment donné par la conscience collective?;
Attendu que les juges d'appel ont souverainement apprécié en fait que (…) la conscience collective, telle qu'elle existe actuellement, ne tolère ni la distribution, ni le stockage en vue de leur vente, d'images souvent en close-up - représentant des actes de copulation, de masturbation, d'éjaculation, de sodomie, de fellation, de parties collectives et autres" et "qu'il n'y est pas dérogé par la tolérance existant en d'autres matières et la plus grande liberté d'expression sur le plan sexuel généralement acceptée à l'heure actuelle dans notre société » (15 mars 1994) .
III.2.2. Incitation à la débauche
226. CP, art. 380 bis : « Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à trois mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, quiconque, dans un lieu public aura par paroles, gestes ou signes provoqué une personne à la débauche. La peine sera élevée au double si le délit a été commis envers un mineur. »
227. CP, art. 380 ter: “§ 1. Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de deux cents francs à deux mille francs, quiconque, quel qu'en soit le moyen, fait ou fait faire, publie, distribue ou diffuse de la publicité, de facon directe ou indirecte, même en en dissimulant la nature sous des artifices de langage, pour une offre de services à caractère sexuel, lorsque cette publicité s'adresse spécifiquement à des mineurs ou lorsqu'elle fait état de services proposés soit par des mineurs, soit par des personnes prétendues telles.
La peine sera d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de trois cents francs à trois mille francs lorsque la publicité visée à l'article 1er a pour objet ou pour effet, directs ou indirects, de faciliter la prostitution ou la débauche d'un mineur ou son exploitation à des fins sexuelles.
§ 2. Sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cent francs à mille francs, quiconque, quel qu'en soit le moyen, fait ou fait faire, publie, distribue ou diffuse de la publicité, de façon directe ou indirecte, même en en dissimulant la nature sous des artifices de langage, pour une offre de services à caractère sexuel, lorsque ces services sont fournis par un moyen de télécommunication.
§ 3. Dans les cas qui ne sont pas visés aux §§ 1er et 2, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cent francs à mille francs, quiconque aura, par un moyen quelconque de publicité, même en dissimulant la nature de son offre ou de sa demande sous des artifices de langage, fait connaître qu'il se livre à la prostitution, qu'il facilite la prostitution d'autrui ou qu'il désire entrer en relation avec une personne se livrant à la débauche.
Sera puni des mêmes peines, quiconque, par un moyen quelconque de publicité, incitera, par l'allusion qui y est faite, à l'exploitation de mineurs ou de majeurs à des fins sexuelles, ou utilisera une telle publicité à l'occasion d'une offre de services. »
III.2.3 Protection des mineurs
228. CP article 383 bis : « § 1. (Sans préjudice de l'application des articles 379 et 380, quiconque aura exposé, vendu, loué, distribué, diffusé ou remis des emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels qui représentent des positions ou des actes sexuels à caractère pornographique, impliquant ou présentant des mineurs ou les aura, en vue du commerce ou de la distribution, fabriqués ou détenus, importés ou fait importer, remis à un agent de transport ou de distribution, sera puni de la réclusion de cinq ans à dix ans et d'une amende de cinq cents francs a dix mille francs.
§ 2. Quiconque aura sciemment possédé les emblèmes, objets, films, photos, diapositives ou autres supports visuels visés sous le § 1er, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cent francs à mille francs. (…) »
229. Décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion, art. 9 :
« La RTBF et les éditeurs de services soumis au présent décret ne peuvent éditer :
(…)
2°des programmes susceptibles de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment des programmes comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite. Cette dernière interdiction s'étend aux autres programmes ou séquences de programmes, notamment les bandes annonces, susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, sauf s'il est assuré notamment par le choix de l'heure de diffusion du programme que les mineurs se trouvant dans le champ de diffusion ne voient pas ou n'écoutent normalement pas ces programmes et pour autant que ce programme soit précédé d’un avertissement acoustique ou identifié par la présence d’un symbole visuel tout au long de sa diffusion. Le Gouvernement détermine les modalités d'application du présent alinéa; »
C’est en exécution de l’article 9, 2° ci-dessus qu’a été adopté l’arrêté du gouvernement de la Communauté française du 1er juillet 2004 relatif à la protection des mineurs contre les programmes de télévisions susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral. A partir du 1er janvier 2005, cet arrêté se substituera à l’ancien arrêté du 12 octobre 2000 qui établissait, jusqu’ici, la signalétique applicable aux programmes de télévision, et une nouvelle signalétique sera applicable aux éditeurs de services de radiodiffusion télévisuelle de la Communauté française.
Comme elle l’avait déjà fait dans ses arrêtés précédents, la Communauté française de Belgique s’aligne sur la signalétique française : chose exceptionnelle pour un texte de droit belge, l’arrêté se réfère d’ailleurs, dans ses préliminaires, à un accord donné le 30 mars 2004 par le Conseil supérieur de l’audiovisuel de la République française et autorisant les télévisions belges à utiliser les pictogrammes et avertissements d’application en France. La solution de l’homogénéisation des signalétiques s’imposait par la forte pénétration de plusieurs chaînes de télévision françaises en Belgique francophone (TF 1, France 2, France 3, France 5 et Arte), ainsi que par le souci d’éviter la confusion des téléspectateurs belges qui, sans cela, auraient été confrontés à deux signalétiques différentes.
Dès le 1er janvier, les programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs seront classifiés selon quatre catégories : programmes déconseillés aux mineurs de moins de dix ans, programmes déconseillés aux mineurs de moins de douze ans, programmes déconseillés aux mineurs de moins de seize ans et programmes déconseillés aux mineurs. Les pictogrammes -10, -12, -16 et –18, selon les cas, devront être diffusés pendant la totalité de la diffusion, génériques inclus ; une mention correspondante devra également apparaître à l’antenne, soit en bas d’écran en blanc pendant au minimum une minute au début du programme, soit plein écran, avant le programme au minimum pendant dix secondes.
La signalétique ne s’applique pas aux journaux télévisés, mais le présentateur est tenu d’y faire un avertissement oral en cas de scène susceptible de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs. La signalétique ne s’applique pas non plus à la publicité. Elle s’applique par contre aux bandes annonces des films.
III.2.4. Bonnes mœurs et blasphème
230. Le blasphème semble rester un sujet extrêmement délicat pour la Cour européenne des Droits de l'Homme. En effet, dans les deux cas où elle a eu à se prononcer sur des mesures d'interdiction prises par les autorités nationales pour blasphème, la Cour s'est abstenue d'effectuer elle-même une véritable vérification du critère de proportionnalité en considérant que les autorités locales étaient les mieux à même d'apprécier cette proportionnalité. Derrière ces deux arrêts, on sent une gêne manifeste de la Cour qui a préféré ne pas statuer directement.
La première affaire qui mettait en cause l'Autriche, pour des mesures d'interdiction de représentation par un ciné-club d'Innsbruck du film "Le concile d'amour" de Werner Schroeter d'après la pièce homonyme d'Oscar Panizza : « Le public avait une connaissance suffisante de son thème et de ses grandes lignes pour avoir une idée claire de sa nature (...); la projection envisagée doit passer pour avoir constitué une expression suffisamment publique pour être offensante (...) il appartient en premier lieu aux autorités nationales, mieux placées que le juge international, d'évaluer la nécessité de semblables mesures, à la lumière de la situation qui existe au plan local à une époque donnée. »
La deuxième affaire, déjà évoquée, était celle de la vidéo consacrée aux extases supposées de Sainte Thérèse d'Avila :
“L’imputation de blasphème ne peut, par sa nature même, se prêter à une définition précise. Dès lors, il faut reconnaître aux autorités nationales une certaine marge d’appréciation pour apprécier si les faits considérés tombent ou non sous cette imputation.”
III. 3. PROTECTION DES PERSONNES
III.3.1. Protections communes à toutes les personnes
III.3.1.1. Atteintes à l’honneur ou à la considération
III.3.1.1.1. Droit pénal
231. Calomnie et diffamation:
CP, art. 443 : « Celui qui, dans les cas ci-après indiqués, a méchamment imputé à une personne un fait précis qui est de nature à porter atteinte à l'honneur de cette personne ou à l'exposer au mépris public, et dont la preuve légale n'est pas rapportée, est coupable de calomnie lorsque la loi admet la preuve du fait imputé, et de diffamation lorsque la loi n'admet pas cette preuve. »
Eléments constitutifs :
- imputation méchante ;
- fait précis
- atteinte à l’honneur ou exposition au mépris
- preuve non rapportée
- publicité.
232. Conditions de publicité (communes à diverses infractions : calomnie et diffamation, injure, incitation à la haine raciale…):
CP, art. 444 : « Le coupable sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, lorsque les imputations auront été faites :
- Soit dans des réunions ou lieux publics;
- Soit en présence de plusieurs individus, dans un lieu non public, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s'y assembler ou de le fréquenter;
- Soit dans un lieu quelconque, en présence de la personne offensée et devant témoins;
- Soit par des écrits imprimés ou non, des images ou des emblèmes affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public;
- Soit enfin par des écrits non rendus publics, mais adressés ou communiqués à plusieurs personnes. »
233. Calomnie contre les dépositaires ou agents de l’autorité
CP, art. 447 : « Le prévenu d'un délit de calomnie pour imputations dirigées, à raison des faits relatifs à leurs fonctions, soit contre les dépositaires ou agents de l'autorité ou contre toute personne ayant un caractère public, soit contre tout corps constitué, sera admis à faire, par toutes les voies ordinaires, la preuve des faits imputés, sauf la preuve contraire par les mêmes voies.
S'il s'agit d'un fait qui rentre dans la vie privée, l'auteur de l'imputation ne pourra faire valoir, pour sa défense, aucune autre preuve que celle qui résulte d'un jugement ou de tout autre acte authentique.(…) »
234. Injure
CP, art. 448: « Quiconque aura injurié une personne soit par des faits, soit par des écrits, images ou emblèmes, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de vingt-six francs à cinq cents francs, ou d'une de ces peines seulement. »
Eléments constitutifs :
- Pas d’intention méchante requise ;
- Pas de fait précis ;
- Pas de preuve requise ;
- Publicité
III.3.1.1.2. Droit civil
235. Les dispositions pénales de la calomnie, de la diffamation et de l’injure étant rarement appliquées aux médias faute de responsabilité pénale effective, on se tournera le plus souvent vers les mécanismes de la responsabilité civile pour obtenir réparation d’éventuelles atteintes à l’honneur et à la réputation. Le plus souvent, on recourra à l’article 1382 du Code civil et à ses trois éléments constitutifs : la faute, le dommage et le lien de causalité.
236. Il y a d’abord lieu d’examiner si la faute alléguée repose sur l’articulation d’un fait précis, ou si elle procède d’un simple jugement de valeur (pareille distinction correspond d’ailleurs, mutatis mutandis, à celle que le pénaliste fera entre calomnie et diffamation d’une part, et injure d’autre part). L’appréciation que les tribunaux feront de l’écrit litigieux variera en effet selon qu’on se trouvera confronté à l’un ou l’autre cas de figure.
S’il y a articulation d’un fait précis, on constate que le travail effectué par le journaliste sera pour le juge un critère déterminant: s’agit-il véritablement de journalisme d’investigation - en d’autres termes, y a-t-il eu un travail de recherche propre au journaliste? -, ou seulement de journalisme de révélation, c’est-à-dire de la reproduction d’informations communiquées par un tiers?
Si, par contre, il y a jugement de valeur, le juge ne sanctionnera que l’excès éventuellement commis dans l’expression de ce jugement de valeur: par définition en effet, pareilles considérations ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une preuve, et relèvent de l’essence même de la liberté d’opinion.
a) Articulation d’un fait précis
237. S’il y a véritablement eu investigation, et si le travail d’investigation peut être prouvé, les tribunaux se montreront cléments, et ce quand bien même une partie des faits allégués s’avérerait inexacte: tout se passe comme si la jurisprudence imposait à la presse une obligation de moyens, mais non de résultats. Dans deux jugements récents, on voit ainsi le tribunal évoquer par le menu les diverses investigations effectuées par le journaliste avant de conclure à l’absence de faute.
Plus encore, dans ces affaires, le tribunal trace les limites du devoir d’investigation, en soulignant le pouvoir d’appréciation conservé par le journaliste à l’égard des vérifications à effectuer: “ un journaliste a le choix de la recherche de ses informations (...)”; “Dans son travail, le journaliste n’a aucune obligation d’interpeller personnellement les personnes physiques ou morales sur lesquelles il va rapporter des informations”.
238. Si, tout au contraire, l’intervention du journaliste consiste seulement ou pour l’essentiel à révéler des informations communiquées par un tiers, et que son apport propre est négligeable, c’est à lui, et non à son informateur - dont, au surplus, il ne pourra le plus souvent révéler le nom en vertu de la protection due au secret des sources -, qu’il appartiendra d’endosser la responsabilité liée à l’inexactitude éventuelle de ces informations. Quand bien même le journaliste se serait fondé sur des sources en principe dignes de foi (on pense principalement aux enquêteurs dans une affaire mise à l’information ou à l’instruction), il ne lui sera pas pardonné de présenter des hypothèses comme vérités établies ou même comme vérités supposées. C’est l’atteinte à la présomption d’innocence qui est ici sanctionnée. Cinq cas récents, tous liés à l’affaire Dutroux, en apportent l’illustration.
Le premier opposait un gendarme un moment soupçonné d’être un des protecteurs de Marc Dutroux à un journaliste de La Lanterne qui l’avait mis en cause de façon particulièrement péremptoire. Le journaliste fut condamné à un franc de dommages-intérêts, le jugement soulignant “que ces affirmations ont été avancées sans nuance et sans aucune circonlocution qui aurait pu permettre au public de douter de la réalité de ces propos” et que “la subjectivité du journaliste peut être admise lorsqu’il est question de discuter d’idées, il ne peut en être ainsi lorsqu’il s’agit de présenter et de commenter la réalité de faits matériels; en répandant de simples rumeurs dans son article, le défendeur leur a donné une tout autre dimension et a porté atteinte à l‘honneur personnel et à la réputation du demandeur”.
Dans le même sens, l’éditeur responsable du Soir Illustré fut condamné à verser 25.000 FB de dommages et intérêts aux deux animateurs d’une secte sataniste qui, le jour du solstice d’hiver, avaient fait l’objet d’une perquisition très médiatisée et s’étaient vu ensuite mis en cause dans un article de l’hebdomadaire faisant référence à des pratiques sacrificielles: “de telles affirmations et insinuations sont extrêmement graves pour la réputation des demandeurs ; un journaliste normalement prudent se devait de vérifier ses sources avant de rédiger et publier une telle prose. (...) les défendeurs ne font cependant état, outre de la perquisition qui n’a débouché sur aucune inculpation et dont les maigres résultats furent déjà commentés dans la presse fin 1996, que d’une attestation d’ un tenancier de bar, qui affirme avoir documenté le journaliste en sa basant lui-même sur des confidences de prostituées (...) l’utilisation d’une telle source, qui ne fait d’ailleurs pas mention de sacrifices humains, aurait à tout le moins dû amener le journaliste à opérer des vérifications et à s’exprimer en termes plus mesurés et moins affirmatifs.”
Le troisième cas opposa à un journaliste et à l’éditeur de La Libre Belgique un avocat qui, après avoir défrayé l’actualité dans l’affaire Haemers, s’était vu accuser, apparemment sur foi d’informations émanant du Parquet de Neufchâteau, d’avoir participé avec Michel Nihoul à un trafic d’ecstasy et de voitures volées: accusation rapidement dégonflée lorsqu’il apparut qu’elle était simplement le fruit d’une homonymie. Ici encore, la condamnation (250.000 FB de dommages et intérêts) se fondera sur le défaut d’investigation propre du journaliste: “dans l’accomplissement de sa mission d’information la presse doit veiller à ne pas répandre des rumeurs qui pourraient causer un préjudice à des tiers lorsqu’elle n’en a vérifié la conformité à la vérité (...); en relayant sans autre vérification une imputation grave dont ils ne pouvaient ignorer que si elle était erronée elle porterait atteinte à 1‘honneur et à la considération du demandeur, les défendeurs n ‘ont pas agi comme des journalistes norma1ement prudents et avisés”.
Les deux derniers cas, enfin, se présentent en une parfaite symétrie. A trois semaines d’intervalle, le tribunal de première instance de Bruxelles a condamné des journalistes de deux hebdomadaires de divertissement concurrents, pour avoir porté sans preuves suffisantes des allégations fautives contre deux équipes de gendarmes également concurrentes.
Dans un cas, le tribunal reproche à des journalistes de Télémoustique d’avoir critiqué l’enquête menée par le commandant Duterme « en n’ayant pas veillé au recoupement de différentes sources et en ayant présenté sur le mode affirmatif, péremptoire voire accusatoire ce qui n’était que des interrogations et aurait dû en conséquence être présenté comme tel, avec toutes les précautions de style requises » .
Dans l’autre cas, il est fait grief à des journalistes du Soir Illustré d’avoir mis en cause les gendarmes De Baets et consorts, subordonnés du précédent dans l’ « antenne de Neufchâteau ». Tout en relevant au passage qu’il « n’appartient pas aux demandeurs d’apporter la preuve que les faits allégués à leur égard sont inexacts ; que ce n’est pas aux demandeurs de prouver leur innocence ; que ce serait inverser la charge de la preuve», la même quatorzième chambre du tribunal de première instance de Bruxelles considère que, dès lors que les journalistes « ne prouvent pas s’être livrés à une enquête approfondie ni avoir étayé leur information en utilisant les données contrôlées dans la mesure raisonnable de leurs moyens », les articles incriminés « ont un caractère injurieux, offensant, calomnieux » et « démontrent dans le chef des journalistes un acharnement particulier » .
239. Critiquant ces décisions, Simon-Pierre De Coster observe : « Dans ce genre d’affaires, relatives à des investigations journalistiques sur des enquêtes judiciaires en cours, on a le sentiment que, dans l’état actuel du droit positif belge, les journalistes se trouvent comme pris au piège : soit ils refusent de produire leurs documents – pour protéger leurs sources d’information – et ils ne parviennent alors pas à prouver la réalité matérielle des faits qu’ils allèguent, soit ils s’y résignent et risquent des poursuites pénales pour recel et déontologiques pour violation du secret des sources » . Et l’auteur de proposer : « Sans doute serait-il opportun que l’on réfléchisse à la possibilité de reconnaître dans le Code judiciaire, de lege ferenda, aux journalistes confrontés à ce genre de situation, soit l’immunité pénale quant au délit de recel des documents produits, soit le droit de faire produire, en toute hypothèse, par le tribunal les documents cités par le journaliste ».
Les tribunaux n’ignorent pas la difficulté, comme en témoigne cet extrait d’un jugement prononcé par le tribunal de première instance de Liège en suite d’une demande introduite par des membres de la famille d’un des « amants diaboliques » : « Bien sûr, la preuve de la véracité des informations est difficile à rapporter puisque existent d’une part le secret de l’instruction (derrière lequel les journalistes s’abritent lorsque cela les arrange mais non lorsqu’il s’agit d’apporter un retentissement aux violations du secret) et d’autre part la nécessité de protéger ses sources. Cette difficulté ne peut cependant faire obstacle aux légitimes protestations des personnes dont l’honneur a été mis en cause. Ce n’est pas à celles-ci de démontrer qu’elles n’ont rien fait de répréhensible » .
b) Jugement de valeur
240. La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion de le répéter à plusieurs reprises, et notamment dans l’affaire Oberschlick II: une opinion ne se prête pas à une démonstration de véracité. Elle peut certes se révéler excessive, notamment si elle est dépourvue de toute base factuelle, mais c’est bien à un contrôle marginal - celui de l’excès éventuel - que devra se livrer le juge lorsqu’il aura à statuer sur le caractère éventuellement fautif d’un jugement de valeur.
Dans la jurisprudence belge récente, c’est essentiellement la presse satirique qui donne matière à application de cette notion. On constate toutefois que ce contrôle marginal de l’excès est, plus encore que d’autres contrôles exercés par le juge, empreint de subjectivité.
Certes, si la presse satirique livre, sous le couvert de l’humour, des informations inexactes, il n’y a pas lieu de la traiter différemment de la presse ordinaire: on se trouve alors dans l’hypothèse de l’articulation d’un fait précis, et c’est à bon droit que le juge peut considérer à propos de l’allégation selon laquelle un gendarme aurait “multiplié les faux dossiers” que, “même si la nécessité d’éclairer le lecteur permet au journaliste d’émettre des critiques sévères ou mordantes, elle ne l’autorise pas à conférer une couleur de vérité à des informations dont la véracité n’est pas vérifiée”.
Par contre, en ce qui concerne le caractère excessif ou non d’un jugement de valeur, la même décision paraît plus contestable quand elle juge fautive la qualification de “Robespierre aux petits pieds”, jugeant que “cette assimilation du demandeur au chef de la terreur dépasse les limites de la critique admissible; que ce qualificatif “au petit pied” a une connotation méprisante; que si la liberté d’expression comprend le droit de critiquer pour un journaliste, en l’espèce, les termes utilisés par le journaliste dépassent une critique admissible puisqu’ils tendent à déconsidérer le demandeur”.
De même, si l’on peut suivre le raisonnement du tribunal lorsque, dans un second jugement prononcé le même jour dans une affaire connexe, il relève que « s’il peut être admis qu’une presse dite satirique puisse exprimer les choses avec une certaine liberté, il n’en demeure pas moins que cette liberté ne peut dépasser les limites de l’injure et en arriver ainsi à déconsidérer un individu » le juge ne fait-il pas preuve d’une sévérité excessive quand il juge fautif, parce que tendant aussi à déconsidérer, l’usage du terme “âme damnée” appliqué à un autre gendarme ?
A titre de comparaison, on évoquera un troisième jugement du même tribunal, opposant cette fois au même hebdomadaire satirique un conseiller communal extrême droite qualifié successivement (et notamment) d’illuminé, de comique troupier, de clown grandiloquent et procédurier ou de tête à claques. Relevant il est vrai que le demandeur avait lui-même suscité pareils qualificatifs, notamment en adressant au journal des textes provocateurs, le tribunal juge que “en commentant pareille intervention sur le mode satirique qui lui est propre, le journal PAN a librement exercé son droit d’expression; que la suite d’articles litigieux doit être appréciée dans pareil contexte, auquel le demandeur lui-même est loin d’être étranger, sinon l’initiateur; que l’action est dès lors manifestement non fondée”.
c) Prise en considération du comportement du demandeur
241. On constate d’ailleurs à cet égard une tendance croissante des cours et tribunaux à prendre en considération pour l’évaluation de la faute les fonctions ou le comportement du demandeur, non seulement quand l’écrit litigieux consiste en un jugement de valeur mais aussi quand il consiste en l’imputation d’un fait précis.
Ainsi, a été jugé dépourvu de caractère fautif un article du toutes-boîtes Vlan imputant à la présidente du CPAS de Jette le licenciement d’une secrétaire avec l’arrière-pensée de libérer une place pour sa propre fille, au double motif que l’article était « sur le mode ironique et [accompagné] de toutes les précautions oratoires requises » et que « la demanderesse est engagée en politique et occupe des fonctions publiques (…) qu’ainsi, elle s’expose naturellement à la critique, en particulier de son opposition et de la presse « chien de garde de la démocratie » ».
242. Dans le même sens, à propos d’un psychiatre dont une journaliste de La Libre Belgique avait écrit « que certaine sources nous décrivent comme un homme d’un esprit purement vénal. Et d’en vouloir pour preuve cette cassette vidéo relative aux activités de Nihoul, saisie, que le médecin proposait à la vente », le tribunal de première instance de Bruxelles, tout en admettant « que l’insinuation litigieuse de vénalité paraît sans rapport avec ce qui précède et, dès lors, gratuite ; qu’en outre, sa véracité (« certaines sources ») ne semble pas avoir été sérieusement vérifiée ; que, ce faisant, la défenderesse a fait preuve d’une certaine légèreté » conclut : « Attendu cependant que le demandeur, en intervenant volontairement et publiquement dans des affaires aussi controversées que les « dossiers X », dans le climat passionnel déjà évoqué, devait nécessairement avoir conscience qu’il s’exposait à la critique ; que, recherchant la publicité et la médiatisation de sa cause et de son action, le demandeur est mal fondé à se plaindre des retombées personnelles, éventuellement désagréables, que cette recherche a pu entraîner ; Attendu que, dans ce contexte, la légèreté de la défenderesse ne peut être assimilée à une faute, au sens de l’article 1382 du Code civil ; » .
Cette motivation suscite une question : l’influence d’une fonction ou d’un comportement du demandeur ne devrait-elle pas plutôt en considération dans l’appréciation du lien de causalité entre la faute et le dommage que pour exonérer le défendeur de la faute éventuellement commise ?
III.3.1.2. Protection de la vie privée
243. L'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme garantit à chaque personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
244. En droit belge, la protection de la vie privée se trouve désormais garantie par l'article 22 de la Constitution, qui garantit le droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale. Il n'y a pas, dans l'état actuel du droit, de législation en générale belge quant à la protection de la vie privée. S'il existe certes une loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel, cette loi a, comme son nom l'indique, un objet limité. Ce n’est dès lors pas là que l’on trouvera le fondement d’une action fondée sur la violation par un média de la vie privée d’un individu, célèbre ou non. Ici encore, l’article 1382 du Code civil fera, par sa généralité, l’affaire. Mais il convient d’entendre ce que recouvre la vie privée.
245. La protection de la vie privée sensu lato recouvre principalement :
-
la protection de la vie privée sensu stricto, reconnue à tout citoyen mais dans une moindre mesure pour les personnes publiques (hommes et femmes politiques, sportifs de haut niveau, célébrités des arts, du show-business ou de la télévision…) et pour les personnes accédant à l’actualité ;
- la protection du droit à l’image, partiellement consacré en Belgique par l'article 10 de la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins du 30 juin 1994 ;
- le droit au nom ;
- le droit à l’oubli.
Ici encore, la jurisprudence apportera quelques éclairages sur ces diverses notions.
246. Est-ce parce que la presse belge est plus respectueuse de la vie privée des célébrités que ses consœurs britannique ou française, ou simplement parce que la Belgique compte peu de célébrités dont les frasques sont susceptibles de faire vendre des journaux? Toujours est-il qu’on ne rencontre pas, dans la jurisprudence récente, d’atteintes à la vie privée au sens pur du terme.
L’atteinte à la vie privée se combinera le plus souvent avec un autre grief: il s’agira alors soit d’atteintes à des valeurs qui font partie intrinsèque de la vie privée (droit à l’image, droit à l’oubli), soit d’atteintes à d’autres droits de la personnalité, comme l’honneur et la réputation. Et si la Belgique manque de stars médiatiques, l’affaire Dutroux en a fait apparaître quelques unes, le plus souvent contre leur gré.
Ainsi de la juge d’instruction liégeoise Martine Doutrewe, en charge de l’enquête sur la disparition de Julie et Mélissa, objet jusqu’à son décès en 1999 de toutes les attentions médiatiques. Deux procédures menées contre des journalistes ou éditeurs du “Soir illustré” et de “Ciné-Revue” ont permis de préciser la responsabilité des médias quant à la vie privée d’un personnage accédant à l’actualité sans que ce soit de sa propre initiative.
247. Dans le premier cas , il s’agissait d’un article, illustré d’une photo de la magistrate en maillot de bain au bord d’une piscine, évoquant de façon mêlée l’inculpation de son mari dans une autre affaire, la façon dont elle avait mené son enquête et les cours de préparation qu’elle aurait pris avant son audition devant la commission d’enquête parlementaire: il était donc question tout à la fois d’atteinte à l’image et à la vie privée mais aussi à l’honneur et à la réputation.
La décision est intéressante en ce qu’elle cerne la notion de personnage public. Tout en observant que “la règle de l’interdiction de l’utilisation de l’image fléchira devant l’intérêt légitime du public à être informé et que, en conséquence, une personne ne pourra s’opposer à la reproduction de ses traits chaque fois que la scène qui la représente s’intègre dans l’actualité”, le tribunal souligne que la juge “est entrée dans l’actualité de par sa fonction et particulièrement de par un dossier qu’elle a eu à instruire; elle n’est pas pour autant devenue un personnage public” . Dès lors, en l’espèce, l’utilisation d’une photo de vacances est considérée comme attentatoire au droit à l’image: “si les journalistes peuvent révéler des éléments relatifs à la vie privée des individus qui, comme c’est le cas en l’espèce, accèdent momentanément à l’actualité, il va de soi que ces éléments ne doivent pas être superflus et doivent être nécessaires aux besoins de l’information”.
248. Dans le second cas, il était fait grief à Ciné-Revue d’avoir publié les notes préparées par la magistrate en vue de son audition devant la commission d’enquête parlementaire, notes saisies lors de cette comparution et répandues ensuite par ce qu’il est convenu d’appeler un vent favorable. Après avoir fondé une ordonnance de retrait de la vente du numéro litigieux motivée par une atteinte aux droits de la défense, cette publication fut jugée fautive dans le chef du journaliste comme ayant “porté atteinte au respect des droits à la défense et [ayant] nui au respect dû à la vie privée”.
249. Il faut enfin évoquer la tendance croissante des tribunaux belges à reconnaître le droit à l’oubli comme partie intégrante du droit au respect de la vie privée. Ce droit a été reconnu tant à une personne elle-même condamnée pour meurtre - la demande ne visait pas alors à mettre en cause la responsabilité des journalistes, mais seulement à empêcher la diffusion d’un reportage - qu’aux parents d’une personne condamnée et décédée entre-temps.
Dans ce dernier cas, l’atteinte au droit à l’oubli fut jugée constitutive d’une faute mettant en cause la responsabilité du journaliste: “il y a lieu de présumer, jusqu’à preuve du contraire (...) que ces liens [de parenté] impliquent l’existence d’une affection familiale qui suffit, à elle seule, à justifier de l’intérêt légitime qu’ont les parties demanderesses à agir, dès lors qu’elles estiment qu’il a été porté atteinte au droit au silence et à l’oubli de leur proche, expression de son droit au respect de la vie privée, dont réparation de la violation peut être poursuivie par les membres de la famille de l’intéressé, dans la mesure où ils peuvent s’estimer atteints, à travers le disparu”.
III.3.2. Protections de catégories vulnérables
III.3.2.1. Protection des justiciables
II.3.2.1.1. Victimes d’attentats à la pudeur
250. CP, art. 378 bis:« La publication et la diffusion par le livre, la presse, la cinématographie, la radiophonie, la télévision ou par quelque autre manière, de textes, de dessins, de photographies, d'images quelconques ou de messages sonores de nature à révéler l'identité de la victime d'une infraction visée au présent chapitre sont interdites, sauf si cette dernière a donné son accord écrit ou si le procureur du Roi ou le magistrat chargé de l'instruction a donné son accord pour les besoins de l'information ou de l'instruction. »
III.3.2.1.2 . Procédures en divorce et séparation de corps
251. CJ, articles 1270 et 1306
III.3.2.1.3 . Mineurs
252. Loi du 8 avril 1865 relative à la protection de la jeunesse, art. 80 :
« La publication et la diffusion du compte rendu des débats des chambres de la jeunesse des cours d'appel et des tribunaux de la jeunesse par le livre, la presse, la cinématographie, la radiophonie, la télévision ou par quelque autre manière sont interdites.
La publication et la diffusion par les mêmes procédés de textes, dessins, photographies ou images de nature à révéler l'identité des mineurs poursuivis ou qui ont fait l'objet d'une mesure prévue aux articles 37, 38, 39, 40 et 43 sont également interdites.
Les infractions au présent article sont punies d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de trois cents francs à trois mille francs ou d'une de ces peines seulement. »
III.3.2.1.4 . Présomption d’innocence
253. Au niveau européen, le développement croissant d’un journalisme d’investigation se substituant parfois aux autorités judiciaires a évidemment conduit la Cour européenne des droits de l’homme à s’intéresser à la question de la présomption d’innocence, notamment à travers le contrôle de diverses décisions de juridictions nationales ayant considéré que des journalistes avaient violé cette présomption.
Ainsi, en France, une loi de 1931 interdit purement et simplement de publier, avant décision judiciaire, toute information relative à des constitutions de partie civile. Deux journalistes de l’ « Evénement du Jeudi » qui avait été condamné sur base de cette loi ont ainsi obtenu la reconnaissance par la Cour d’une violation de leur liberté d’expression : « la Cour observe que l’ingérence litigieuse consiste en une interdiction de publication absolue et générale visant tout type d’information. Si, comme dans le cas d’espèce, les juridictions internes l’ont estimée justifiée pour protéger la réputation d’autrui et garantir l’autorité du pouvoir judiciaire, cette justification ne paraît pas suffisante lorsque l’on sait qu’elle ne concerne que les procédures pénales ouvertes sur plainte avec constitution de partie civile à l’exclusion de celles ouvertes sur réquisition du parquet ou sur plainte simple. Or, une telle différence de traitement du droit à l’information ne semble fondée sur aucune raison objective, alors qu’elle entrave de manière totale le droit de la presse à informer le public sur des sujets qui, bien que concernant une procédure pénale avec constitution de partie civile, peuvent être d’intérêt public. En l’espèce, tel était le cas, car cette affaire visait des personnalités du monde politique français et mettait en cause leurs agissements, prétendument frauduleux, à la direction d’une société publique de gestion de foyers d’hébergement pour émigrés. De toute façon, la Cour note que d’autres mécanismes protecteurs des droits des personnes mises en cause rendent non nécessaire l’interdiction absolue prévue par la loi de 1931 ( …) ».
Semblablement, on évoquera l’arrêt News Verlags, du nom de l’éditeur d’un magazine autrichien qui s’était vu interdire de publier encore la photographie d’un militant néo-nazi suspecté d’une campagne d’attentats par lettres piégées. Pour fonder son interdiction, la Cour d’appel de Vienne s’était basée sur un article de la loi autrichienne sur le droit d’auteur qui interdit la publication d’images de personne lorsque les intérêts légitimes de personne en question pourraient être atteints : tout en constatant d’une part qu’il était loisible au journal de publier des informations sur la procédure judiciaire en cours, et d’autre part qu’il lui était également loisible de publier la photographie de l’intéressé tout au long de la procédure pénale en cause, la Cour sanctionne assez logiquement la légitimité au regard de l’article 10 d’une condamnation qui se fondait simplement sur le fait que le magazine avait publié à la fois la photo du suspect et un texte évoquant la procédure.
254. Dans certains cas toutefois, la condamnation d’une atteinte à la présomption d’innocence peut être jugée légitime par la Cour. Ainsi, dans une affaire opposant le nouveau dirigeant d’un syndicat d’enseignants aux anciens dirigeants accusés de détournement de fonds, la Cour a considéré le premier avait été légitimement condamné pour avoir taxé les secondes de l’accusation de « receleuses »: « le terme « receleuse » désignant des personnes reconnues coupables de l’infraction de recel était de nature à offenser les trois enseignantes, puisque celle-ci n’avaient pas été condamnées par un tribunal. La Cour estime qu’il était tout a fait loisible au requérant de formuler ces critiques, et de contribuer ainsi à une libre discussion publique sur les problèmes syndicaux, sans employer le mot « receleuse ». »
255. En Belgique, une jurisprudence abondante permet de cerner assez précisément la responsabilité des médias en matière d’atteinte à la présomption d’innocence. On évoquera successivement ci-après les questions du moment de l’appréciation de la faute, de la différence qu’il convient d’établir entre l’inculpation et la condamnation, de la publicité des inculpations et condamnations, du secret de l’instruction et de l’autorité de la chose jugée.
256. On retiendra d’abord que la faute doit s’apprécier au moment de la publication: quand bien même des développements ultérieurs de l’enquête pénale, intervenant parallèlement à une procédure de mise en cause de la responsabilité du journaliste, sembleraient confirmer les allégations litigieuses, la faute devra être considérée comme établie dès lors que l’atteinte aura été commise à un moment où l’innocence de l’intéressé devait être présumée. Il a ainsi été jugé que “la faute du défendeur doit s’apprécier au moment de la parution de l’article litigieux: à défaut, ce serait permettre à la presse, en toute impunité, d’imputer anticipativement à une personne, un crime ou un délit, pourvu que par la suite, elle soit finalement reconnue coupable”.
La solution paraît incontestable dans l’hypothèse où l’intéressé ferait l’objet d’une inculpation: c’est que l’inculpation ne peut être confondue avec une condamnation. Mais faut-il adopter la même solution si, au moment où le civil juge doit statuer sur l’atteinte à la présomption d’innocence, une condamnation pénale, éventuellement définitive, a été prononcée pour les faits dont le journaliste s’était fait l’écho? Je n’ai pas connaissance de jurisprudence rencontrant pareille hypothèse: il y aurait quelque chose de heurtant à voir un journaliste condamné pour avoir révélé des faits s’avérant exacts, mais le caractère absolu de la présomption d’innocence s’oppose à ce qu’on puisse l’annuler rétroactivement. Une solution conforme aux principes en présence pourrait être trouvée dans l’appréciation du lien de causalité entre la faute et du dommage: dans pareil cas de figure, une faute aurait bien été commise au moment de la publication (pour autant, bien sûr, que le journaliste ne soit pas en mesure d’attester d’un travail propre d’investigation qui l’aurait conduit à l’écrit litigieux), mais le préjudice, apprécié au moment où le juge statue, serait vraisemblablement considéré comme trouvant sa source dans la condamnation ou la sanction, plus que dans la faute initialement commise par le journaliste.
257. La distinction entre inculpation et condamnation est essentielle, rappelle un jugement récent, et c’est justement au titre de la présomption d’innocence que le journaliste ne peut, sans commettre une faute, confondre les deux notions.
Il fut jugé dans cette affaire que “si la présomption d’innocence, qui constitue un principe fondamental de droit pénal, ne peut aboutir à museler la liberté de la presse, cette règle (de la présomption d’innocence) doit avoir pour effet de rendre plus rigoureuses les exigences d’objectivité et d’impartialité qui s’imposent à ceux qui ont pour fonction et pour mission d’informer”. Reprochant aux journalistes de ne s’être appuyés “que sur des informations fragmentaires recueillies lors d’une instruction toujours en cours et qui, par conséquent, peut évoluer différemment au fil du temps, les éléments à charge d’un inculpé pouvant être contredits ou anéantis par des éléments à décharge apparus ultérieurement”, le tribunal conclut à la faute: “il ne peut être admis (...) que la réputation des personnes soit ainsi publiquement ternie en dehors de toute décision judiciaire définitive les concernant; en raison du secret de l’instruction, le demandeur était en droit, si des indices suffisants des infractions visées par l’instruction sont finalement retenus à sa charge, de ne se voir juger - et le cas échéant sanctionner -, qu’ après voir eu l’occasion de se défendre dans les règles établies, devant les tribunaux, seuls habilités à cette mission; la condamnation «médiatique» anticipée ou injustifiée (selon ce qu’ il sera finalement jugé) du demandeur, en dehors de toute possibilité réelle de contradiction et de défense, est de nature à entraîner dans son chef à la suite de l’article incriminé, une déconsidération immédiate dans son entourage, dans ses relations et dans son milieu professionnel” .
258. Si le secret de l’instruction est un garantie de protection pour ceux qu’elle concerne et un devoir essentiel pour ceux qui la mènent, le journaliste n’y est, quant à lui, pas tenu. Dans la même affaire, et d’autres jugements viennent le confirmer, le tribunal a ainsi rappelé que “l’obligation de respecter le secret de l’instruction ne pèse que sur ceux qui y sont tenus, c’est-à-dire ceux qui, en vertu de leurs fonctions (magistrats, policiers, greffiers, employés de greffe), en sont les détenteurs (...); les journalistes n’étant pas les dépositaires de ce secret, il est donc exclu qu’on puisse leur reprocher d’ avoir violé ledit secret”.
259. Semblablement, s’il peut être reproché à un journaliste d’avoir révélé des faits qui ne sont pas suffisamment étayés par une instruction encore en cours, il ne peut lui être fait grief d’avoir révélé l’existence même d’une inculpation: telle fut la décision du tribunal de première instance de Bruxelles dans le litige opposant la juge Doutrewe au Soir illustré en suite de la publication, déjà évoquée, d’un article faisant notamment état de l’inculpation du mari de la magistrate.
De même, en vertu du principe de publicité des audiences, la révélation de l’existence d’un procès n’est pas fautive, quand bien même ce procès ne déboucherait finalement sur aucune condamnation: “les audiences des cours et tribunaux sont publiques, sauf exception; (..) Cette publicité, garantie par la Constitution, a comme corollaire la publicité qui peut être donnée par la presse, dont la liberté est elle-même garantie (...) aux faits qui se passent dans les prétoires; (...) les faits reprochés à X... devant le tribunal correctionnel, s’ils concernaient la gestion de son patrimoine locatif privé, sont nécessairement devenus publics, par le mention même des poursuites; ils n’ont, en outre, rien d’intime; leur mention ne constitue aucunement une atteinte à la vie privée“.
260. Si, comme le rappelle l’espèce précédente, un jugement d’acquittement ne peut avoir pour effet de rendre fautive l’évocation par la presse du procès en cause au moment où il avait lieu, doit-on par contre considérer que la presse ne pourrait plus faire état de poursuites judiciaires après un jugement définitif d’acquittement? On rejoint ici la question du droit à l’oubli, déjà évoqué en tant que démembrement du droit au respect de la vie privée.
Ce qui est en tout cas manifeste, c’est qu’un jugement constatant la prescription ne peut, de ce point de vue, être assimilé à un jugement d’acquittement à proprement parler: “L’appelant ne pourrait pas invoquer in casu l’autorité de chose jugée erga omnes de la “décision” constatant la prescription qui a frappé l’action pénale intentée contre lui; il n’aurait peut-être pu le faire que s’il avait été l’objet d’une décision d’acquittement et si, postérieurement à cette décision, un journaliste avait fait état dans ses écrits des poursuites et des faits qui avaient précédé ledit acquittement (...); en l’espèce, il ne pourrait être question d’invoquer cette règle, puisque les poursuites se sont terminées par un classement sans suite en raison de la constatation de 1a prescription péna1e; que quelles que soient les raisons pour lesquelles il y a eu prescription en l’espèce et les réflexions que l’institution de 1a prescription peut susciter (...), il n’en reste pas moins que la décision - et il n’y aurait même pas eu de jugement en la cause - constatant la prescription n’ a pas ici l’autorité de chose jugée que l’on reconnaît à la décision pénale touchant le fond de l’affaire (...)”
III.3.2.2. Lutte contre le racisme et la xénophobie
261. Loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, art. 1er :
« Dans la présente loi, il y a lieu d'entendre par 'discrimination' toute distinction, exclusion, restriction ou préférence ayant ou pouvant avoir pour but ou pour effet de détruire, de compromettre ou de limiter la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique social ou culturel ou dans tout autre domaine de la vie sociale.
Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres est considéré comme une discrimination au sens de la présente loi. (…)
Est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs, ou de l'une de ces peines seulement:
1°quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, incite à la discrimination. à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne, en raison d’une prétendue race, de sa couleur, de son ascendance ou de son origine nationale ou ethnique;
2°quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, incite à la discrimination. à la ségrégation, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe, d'une communauté ou de leurs membres, en raison d’une prétendue race, de la couleur, de l'ascendance ou de l'origine nationale ou ethnique de ceux-ci ou de certains d'entre eux;
3°quiconque dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, donne une publicité à son intention de recourir à la discrimination à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne en raison d’une prétendue race, de sa couleur, de son ascendance ou de son origine nationale ou ethnique;
4°quiconque dans l'une des circonstances indiquées a l'article 444 du Code pénal, donne une publicité à son intention de recourir à la discrimination, à la haine, à la violence ou à la ségrégation à l'égard d'un groupe, d'une communauté ou de leurs membres en raison d’une prétendue race, de sa couleur, de son ascendance ou de son origine nationale ou ethnique de ceux-ci ou de certains d'entre eux. »
III.3.2.3. Lutte contre le révisionnisme
262. Loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale, art. 1er :.
« Est puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six à cinq mille francs quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, nie, minimise grossièrement, cherche à justifier ou approuve le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale.
Pour l'application de l'alinéa précédent, le terme génocide s'entend au sens de l'article 2 de la Convention internationale du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Le condamné peut, en outre, être condamné à l'interdiction conformément à l'article 33 du Code pénal. »
III.3.2.4. Lutte contre la discrimination
263. Loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, telle que modifiée par l’arrêt de la Cour d’arbitrage 157/2004 du 6 octobre 2004 :
« Art. 2, §1er. Il y a discrimination directe si une différence de traitement (…) manque de justification objective et raisonnable (…).
Art 2., § 2. Il y a discrimination indirecte lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes (…) à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne repose sur une justification objective et raisonnable. »
Art. 6, §1er: Est puni d’emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cinquante euros à mille euros ou d’une de ces peines seulement quiconque, dans une des circonstances indiquées à l’article 444 du Code pénal, incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou des membres de celle-ci, en raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’état-civil, de la naissance, de la fortune, de l’âge, de la conviction religieuse ou philosophique, de l’état de santé actuel ou futur, d’un handicap ou d’une caractéristique physique;
264. Décret sur la radiodiffusion du 27 février 2003 sur l’audiovisuel, art. 9
« La RTBF et les éditeurs de services soumis au présent décret ne peuvent éditer :
1° des programmes contraires aux lois ou à l’intérêt général, portant atteinte au respect de la dignité humaine ou contenant des incitations à la discrimination, à la haine ou à la violence, en particulier pour des raisons de race, de sexe, de nationalité, de religion ou de conception philosophique, ou tendant à la négation, la minimisation, la justification, l’approbation du génocide commis par le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale ainsi que toute autre forme de génocide ; » (…) »
Voir aussi, dans le même sens, décret du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF art. 7
III.3.3. Modes de prévention
265. Référé: - fondement légal
- condition d’urgence
- condition du provisoire
- compatibilité avec CEDH 10
III.3.4. Modes de réparation
III.3.4.1. Droit de réponse
266. Le droit de réponse est actuellement régi par la loi du 23 juin 1961. Encore convient-il de préciser que cette loi est constituée de deux parties : l'une, la loi de 1961 à proprement parler, concerne le droit de réponse par voie écrite, tandis que l'autre, insérée par une loi du 4 mars 1977, traite de la réponse audiovisuelle (articles 7 à 15).
Ecrit et audiovisuel : les deux régimes cohabitant dans la loi de 1961 se rejoignent sur quelques rares points, et se différencient fondamentalement sur d'autres. Il sera d'ailleurs plus facile de souligner les ressemblances que les dissemblances, plus nombreuses.
III.3.4.1.1. Ressemblances
267. Une première ressemblance réside dans l'exigence de périodicité. Un journal, qu'il soit quotidien, hebdomadaire ou mensuel, pourra donner lieu à l'exercice d'un droit de réponse, tandis qu'un livre ne le pourra pas. Une émission de télévision, même de périodicité irrégulière, pourra donner lieu à la diffusion d'une réponse; un film de cinéma ou une vidéocassette isolée ne le pourront pas. La ratio legis de cette exigence s'impose avec évidence : pour pouvoir insérer ou diffuser une réponse, il faut que l'écrit ou l'émission dans lequel la réponse trouve son fondement soit suivi d'un autre, dans lequel la réponse pourra être insérée.
268. Une deuxième similitude des régimes écrit et audiovisuel du droit de réponse réside dans les conditions de fond de la réponse
Les articles 3 (pour l'écrit) et 9 (pour l'audiovisuel) envisagent quatre cas dans lesquels l'insertion de la réponse peut être refusée. Il s'agira de toute réponse
- qui n'a pas de rapport immédiat avec les propos ou les images incriminés;
- qui est injurieuse ou contraire aux lois ou aux bonnes mœurs;
- qui met un tiers en cause sans nécessité;
- qui est rédigée dans une autre langue que celle de l'écrit ou de l'émission incriminés.
Une de ces quatre conditions paraît susceptible de retenir un peu plus longtemps l'attention, parce qu'elle est justement celle dont les médias excipent le plus volontiers pour refuser l'insertion d'une réponse : il s'agit de la condition de non-mise en cause d'un tiers sans nécessité. La jurisprudence récente a permis de préciser le sens exact de chacune des composantes de cette condition, même s'il subsiste encore quelques zones d'ombre :
- est considéré comme tiers toute personne qui pourrait, à son tour, revendiquer l'insertion ou la diffusion d'une réponse pour répliquer à la réponse insérée ou diffusée;
- le journaliste auteur de l'article ne peut être considéré comme un tiers;
- la nécessité de la mise en cause d'un tiers peut résider dans certains critères tels que le caractère compréhensible pour le lecteur du droit de réponse, la possibilité de nommer des personnes et des entreprises qui étaient également citées dans les articles de presse concernés ou encore la possibilité que la réponse comprenne des éléments nécessaires pour permettre un contrôle de son contenu.
269. La troisième ressemblance réside dans quelques règles de procédure commune arrêtées aux articles 16 à 18. Elles ont trait aux conditions d'exercice de l'action publique (qui ne peut avoir lieu que sur plainte ou citation directe du requérant), au délai particulier de prescription (trois mois à compter du jour où l'insertion ou la diffusion aurait dû être faite) et, surtout, à la diligence de principe des juridictions.
Selon l'article 18, en effet, "les cours et tribunaux statuent toutes affaires cessants sur les actions exercées en vertu de la présente loi". Cette disposition a été fréquemment invoquée ces derniers temps, surtout dans le cadre du référé. Je reviendrai en effet plus loin sur la différence de procédure juridictionnelle entre les deux régimes, mais il doit être souligné immédiatement que la règle de principe de l'article 18 a été utilisée tant pour justifier la compétence du juge des référés que pour l'exclure. Il s'agit, en effet, malheureusement d'une disposition à laquelle ni le législateur ni le pouvoir exécutif n'ont apporté de contenu concret, en manière telle qu'elle se limite à une pétition de principe et qu'il est difficile d'en tirer quoi que ce soit d'utile. Dans l'état actuel des procédures, la seule fonction de l'article 18 est de pouvoir obtenir des tribunaux des dates de fixation relativement raisonnables des affaires introduites par référence aux délais de prescription de l'article 16.
III.3.4.1.2. Dissemblances
Il y a, à vrai dire, plus de choses qui séparent les deux régimes de droit de réponse que de choses qui les unissent. Sans rentrer dans tous les détails, je me limiterai ici à souligner un certain nombre de différences centrales.
270. Les conditions d'application du droit de réponse sont, d'abord, fondamentalement différentes. Pour faire insérer une réponse dans la presse écrite, il suffit d'avoir été nominativement cité ou implicitement désigné, étant entendu que doit être considérée comme implicitement désignée toute personne qui a pu se reconnaître et être reconnue par son entourage. En d'autres termes, quand bien même une personne serait évoquée de façon positive dans un article de presse, elle pourrait encore prétendre à exercer un droit de réponse, fût-ce, en hypothèse extrême, dans le seul but de se faire un peu de publicité.
Tout au contraire, le droit de réponse dans l'audiovisuel n'est ouvert à toute personne nominativement citée ou implicitement désignée que si la réponse a pour but de rectifier un ou plusieurs éléments de faits erronés la concernant ou de répondre à un ou plusieurs faits ou déclarations de nature à porter atteinte à son honneur. En outre, une cinquième condition de fond vient s'imposer à la réponse en plus des quatre conditions communes déjà citées : la réponse audiovisuelle ne peut excéder ce qui est nécessaire pour corriger les faits déclarés inexacts ou dommageables pour l'honneur.
L’exigence qui affecte l'exercice du droit de réponse dans l'audiovisuel ne paraît pas excessive, et il ne pourrait être considéré comme insensé de l'appliquer également à l'exercice du droit de réponse dans la presse écrite. On peut en effet s'étonner de cette différence qui ne semble pas trouver dans la spécificité de chacun des médias considérés une différence objective, sans toutefois aller jusqu'à considérer, comme le fait Michel Hanotiau, qu'il y a désormais dans la loi deux conceptions diamétralement opposées du droit de réponse.
271. On ne sait si c'est une volonté consciente du législateur de compenser la porte moins largement ouverte du droit de rectification dans l'audiovisuel par rapport au droit de réponse dans l'écrit, mais il se fait que, du point de vue des personnes recevables à exercer le droit, le régime de l'audiovisuel est un petit peu plus large. Il permet en effet l'exercice du droit de réponse par les associations de fait, ce qui n'est pas prévu en matière d'écrit . On ne sait s'il faut y voir le résultat d'un lobbying particulièrement efficace des partis politiques et des syndicats qui, dans notre pays, sont les principales associations de fait.
272. Il y a, évidemment, une différence majeure dans le mode d'exercice du droit de réponse. On n'imagine en effet pas que celui qui souhaite répondre à une émission audiovisuelle soit tenu de fournir sa réponse sous forme audiovisuelle : il transmettra donc un texte écrit qui sera lu à l'antenne. Les maxima fixés pour la longueur de la réponse sont donc calculés différemment. Si, dans la presse écrite, la réponse ne peut dépasser 1.000 lettres d'écriture ou le double de l'espace occupé par le texte justifiant la réponse (ce qui peut être extrêmement long), dans l'audiovisuel, la réponse ne peut excéder un temps de lecture de trois minutes ou 4.500 signes typographiques.
273. Une différence importante affecte encore les conditions d'insertion ou de diffusion de la réponse. Dans l'audiovisuel, la loi prévoit que la lecture à l'antenne de la réponse ne pourra être suivie d'aucun commentaire ni réplique. On proscrit donc le jeu, devenu à peu près systématique dans la presse écrite, de la réponse à la réponse : nul n'est besoin, en effet, d'être fin observateur de la presse pour constater que, quel que soit le contenu de la réponse, le journal fait systématiquement suivre la réponse d'une réplique. Dans l'audiovisuel, par contre, cette pratique est interdite et des condamnations pénales prononcées par le Tribunal correctionnel de Bruxelles puis par la Cour d'appel avaient d'ailleurs sanctionné l'ancien administrateur général de la R.T.B.F. et le producteur d'une émission pour avoir violé cette prescription légale.
Il y a, d'un côté, quelque chose non seulement d'horripilant, mais aussi d'injuste, à voir l'éditeur ou le journaliste profiter du fait qu'ils sont le média pour s'arroger toujours le droit du dernier mot, parfois avec une mauvaise foi confondante. On aimerait parfois voir l'insertion d'une réponse suivie des excuses du journaliste ou de l'éditeur considéré. Par contre, il y a évidemment quelque chose de pervers à permettre à quelqu'un de faire insérer un texte dans un journal ou à le faire lire à l'antenne sans que le journaliste éventuellement mis en cause puisse réagir à d'évidentes contre-vérités.
On pourrait évidemment se dire que la possibilité de réplique laissée ouverte dans la presse écrite est, en quelque sorte, la contrepartie de l'ouverture plus large du droit de réponse; pourtant, par essence sur la correction de faits ou sur la réparation de l'honneur, la réponse dans l'audiovisuel serait moins susceptible de contenir des contre-vérités auxquelles il conviendrait de répliquer. Cette vue des choses ne paraît pas rencontrée dans la réalité : certaines réponses écrites ne contiennent aucun élément justifiant une réplique et en sont pourtant suivies, et certaines réponses audiovisuelles, bien que rectifiant des faits, appelleraient parfois certains commentaires.
274. Les délais dans lesquels l'insertion doit être demandée distinguent encore les deux procédures. Pour la presse écrite, l'insertion de la réponse peut être demandée dans un délai de trois mois. Pour l'audiovisuel, ce délai est réduit à trente jours. Cette différence peut très logiquement s'expliquer par le fait que l'écrit reste et continue à circuler, alors que l'émission audiovisuelle disparaît immédiatement après sa diffusion.
Il n'empêche que nul n'aura intérêt à attendre les derniers jours de son délai pour exercer son droit : le droit de réponse doit être exercé aussi rapidement que possible, et le délai de trois mois ouvert pour la réponse écrite est sans doute surabondant de ce point de vue, sauf si l'on considère qu'il permet à l'intéressé d'être informé de ce qu'un écrit le concernant existe et pourrait appeler sa réponse.
Il paraît important d'évoquer ici certaines propositions qui viseraient à ouvrir un nouveau délai d'exercice du droit de réponse après que soit intervenue une décision de justice (classement sans suite, non-lieu ou jugement au fond) à propos de faits qui ont été évoqués par des médias. Le nouvel avant-projet de loi adopté en 2000 par le Conseil des ministres prévoit également ce qu’il qualifie de “droit de réplique” en cas de non-lieu ou acquittement.
Il faut en effet bien constater que les médias sont hélas encore trop réticents à donner le suivi nécessaire à certains des dossiers qu'ils évoquent, en manière telle qu'une personne "inculpée par voie de presse", pour reprendre une expression célèbre, devrait pouvoir trouver dans les médias en question la possibilité de faire valoir qu'elle a été blanchie ou, le cas échéant, condamnée.
275. Tant qu'à évoquer les délais, il faut encore évoquer une forme d'anachronisme de la loi de 1961. Il a trait au délai d'insertion de la réponse.
Dans l'audiovisuel, le délai de diffusion de la réponse acceptée ne pose pas de problème dès lors que la production se fait en temps réel; en presse écrite, par contre, un certain délai peut s'écouler entre le bouclage rédactionnel d'un périodique et sa publication. Or, l'article 4 de la loi impose que la réponse soit insérée dans le premier numéro publié après l'expiration d'un délai de deux jours francs prenant cours à compter du dépôt de la réponse : ce délai a manifestement été calculé pour des quotidiens, mais paraît souvent difficilement respectable pour des hebdomadaires et, plus encore, pour des mensuels. Il conviendrait d'adapter la loi en liant éventuellement le délai à la périodicité de l'écrit considéré.
276. Enfin, les procédures ouvertes au demandeur de réponse diffèrent fortement entre l'écrit et l'audiovisuel. Le législateur de 1977 a organisé, dans l'hypothèse du refus de diffusion d'une réponse, une procédure comme en référé, mais au fond, qui mérite de retenir l'attention.
Une première différence intervient au stade de la procédure précontentieuse. Si le diffuseur accepte la réponse dans son principe mais en refuse le texte, il doit soumettre au demandeur une contre-proposition; s'il refuse la demande de réponse, il doit en avertir le demandeur par lettre recommandée envoyée dans un délai de quatre jours ouvrables. C'est évidemment une première différence fondamentale avec le régime de la réponse écrite, où l'éditeur n'est tenu d'aucune obligation : ni d'accuser réception, ni d'annoncer sa décision de publier ou de ne pas publier la réponse.
Si la contre-proposition est refusée par le demandeur, ou si la réponse est refusée par le diffuseur, le demandeur peut saisir le président du Tribunal de première instance siégeant au fond mais dans les formes du référé, soit d'une requête en conciliation (cette voie est, à ma connaissance, très rarement suivie), soit par citation en référé. Le président statue en urgence, mais statue au fond et en dernier ressort.
Pour la presse écrite, aucune procédure similaire n'est actuellement prévue. On assiste donc, depuis quelques années, à des tâtonnements jurisprudentiels en sens divers, depuis que le président du Tribunal de première instance de Liège a, en 1989, reconnu sa compétence au motif que "de l'encombrement excessif des rôles, de l'insuffisance évidente des magistrats, aggravée par la lenteur des nominations attendues", il n'était pas possible de répondre au prescrit de l'article 18 de la loi. Depuis, le juge des référés de Liège s'était à plusieurs reprises déclaré compétent , tandis que ses collègues de Bruxelles ou de Charleroi optaient pour la solution contraire, concluant à l'incompétence sur le vu justement de l'article 18. La Cour d'appel de Bruxelles a, dans un arrêt du 30 mai 1996, infirmé cette tendance jurisprudentielle bruxelloise, et sa motivation rejoint celle évoquée, de façon presque prophétique, par le juge des référés de Liège sept ans plus tôt.
Il reste évident que cette solution d'une compétence du juge des référés pour le droit de réponse n'est pas satisfaisante, dès lors qu'il statue au provisoire : s'il ordonne, en référé, l'insertion de la réponse, et que la solution retenue n'est pas confirmée par le juge du fond, la réponse publiée ne pourra être enlevée et il faudra trouver un bien aléatoire mode de réparation du périodique qui aura été indûment contraint à cette publication.
Il paraît indispensable de modifier la loi de 1961 sur ce point et d'organiser, pour le droit de réponse écrit, une procédure similaire à celle en vigueur pour le droit de réponse audiovisuel: tel est, apparemment, le sens de l’avant-projet de loi adopté en juillet 1997. C'est d'autant plus vrai que l'on a vu un cas, plus dangereux encore semble-t-il, de saisine du juge des référés sur requête unilatérale pour ordonner la publication d'une réponse. Cette ordonnance a, certes, été réformée sur tierce opposition, mais parce qu'il y avait eu abus de la procédure sur requête unilatérale par invocation d'une extrême urgence qui n'était pas totalement fondée. Le risque d'autres cas subsiste donc, et il n'est assurément pas sain, même si le droit de réponse n'est pas l'occasion d'un véritable débat contradictoire, que l'insertion d'un droit de réponse soit ordonné sans débat contradictoire.
III.3.4.2. Actions pénales
277. La notion de délit de presse est largement consacrée par la jurisprudence de la Cour de Cassation. Elle suppose la réunion de trois éléments constitutifs : la manifestation d'une opinion, sa matérialisation dans un écrit imprimé et la publicité donnée à cet écrit. Si ces éléments constitutifs sont réunis, il y aura délit de presse. Mais, aussi, impunité pénale de fait.
Pourquoi ? Aux termes de l’article 150 (anciennement 98) de la Constitution, tel qu’il était rédigé avant sa récente modification entrée en vigueur le 8 juin 1999, “Le jury est établi en toutes matières criminelles et pour les délits politiques et de presse.” Or, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que le délit de presse se caractérise par la réunion de trois conditions: l’expression d’une opinion, un écrit imprimé reproduit à plusieurs exemplaires et la volonté de publicité donnée à cet écrit. Le délit de presse ne constitue donc pas une infraction spécifique, mais une infraction ordinaire commise dans une circonstance spécifique: par voie de presse.
Les délits de calomnie, de diffamation, d’injure, mais aussi de racisme ou de révisionnisme, toutes infractions pénales consacrées par le Code pénal ou par des lois plus récentes, pourront donc se voir attribuer la qualification de délit de presse s’ils sont commis par voie écrite. Et même si le constituant de 1831 n’avait voulu protéger que les journaux, les critères retenus par la Cour de cassation s’appliquent aujourd’hui à tous ceux qui utilisent l’écrit: professionnels ou non, journalistes ou partis politiques, éditeurs réguliers ou utilisateurs occasionnels de l’écrit...
On a ainsi vu notamment un conseiller communal de l’opposition dans un petit village revendiquer avec succès la protection constitutionnelle du délit de presse, au seul motif qu’il avait pris soin de distribuer aux journalistes présents le texte écrit de l’intervention au cours de laquelle il avait accusé le bourgmestre de diverses malversations. Les seuls, finalement, à ne pas bénéficier du régime spécial du délit de presse sont les journalistes de l’audiovisuel: l’attachement de la Cour de cassation à la notion d’écrit est tel que la conception élargie de la notion de délit de presse (qui consisterait à étendre ce concept à la radio et à la télévision) n’a trouvé dans la jurisprudence que des consécrations très occasionnelles.
278. Dans sa rédaction initiale, l’article 150 de la Constitution avait donc pour conséquence de faire échapper tous les auteurs présumés d’un délit de presse à la compétence des tribunaux ordinaires pour les faire entrer dans celle de la Cour d’assises. Mais ce n’est en fait qu’une entrée théorique. Car tel est bien le problème: depuis plus d’un demi-siècle, les parquets généraux se refusent à organiser devant la Cour d’assises le moindre procès de presse: lourdeur de la procédure (douze jurés à rassembler), publicité démesurée donnée aux débats, tels sont les arguments généralement invoqués par les représentants du ministère public pour justifier ce non-renvoi des délits de presse devant la juridiction normalement compétente.
Faute de renvoi et donc de jugement, c’est dès lors l’impunité pénale assurée pour ceux qui réussissent à faire qualifier leur acte de délit de presse, qu’ils soient journalistes professionnels ou, par exemple, militants d’extrême droite. Seule exception à cette règle non écrite: le renvoi devant les assises du Hainaut en 1991 de deux auteurs d’un tract raciste, finalement condamnés pour appartenance à un mouvement raciste mais blanchis par le jury de l’accusation relative au tract lui-même.
Dès lors, la compétence exclusive de la cour d’assises en matière de délit de presse étant devenue purement théorique, tous les procès de presse prennent le détour de la procédure civile, quand bien même leur but réel est de faire reconnaître une faute plutôt que d’indemniser un dommage.
279. Le non-fonctionnement de ce système de responsabilité pénale pose problème. Peut-on se satisfaire d’une situation dans laquelle des infractions pénales établies en tant que telles par le pouvoir législatif ne sont jamais poursuivies par le pouvoir judiciaire, ce qui revient à dire que ce dernier faillit à son obligation d’assurer le respect de la loi? Tout indique que la situation ne paraît pas gêner les élus de la Nation, puisque aucun, durant les dernières années en tout cas, ne semble avoir proposé, ou osé proposer, une modification de l’article 150 de la Constitution visant à supprimer la compétence de la Cour d’assises pour les délits de presse.
C’est apparemment que l’on considère que toute modification du régime de responsabilité pénale de la presse est susceptible d’avoir des répercussions sur la liberté d’expression qui, la Cour européenne des droits de l’homme l’a rappelé maintes fois, constitue « un des fondements essentiels de la société démocratique, l’un des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun ». Mais peut-on, pour autant, se contenter d’affirmations à l’emporte- pièces comme celle selon laquelle “Toucher à l’article 150 nous fait craindre que d’autres exceptions viennent le vider de son sens. Auquel cas la liberté de presse serait en péril.”? L’article 150 de la Constitution n’est en effet qu’une règle de compétence, et c’est faire preuve de peu de rigueur intellectuelle que de soutenir que la modification d’une règle de compétence constitue, ipso facto, une menace pour une liberté fondamentale.
280. Au plan des principes, d’abord, et à l’aune de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, une modification d’une règle de compétences risquerait plus de porter atteinte à l’article 6 qu’à l’article 10; concrètement ensuite, il paraît manifestement excessif de soutenir que la dévolution d’une compétence de jugement depuis le jury populaire vers des tribunaux ordinaires dont l’impartialité n’est pas mise en cause par ailleurs (car, faut-il le dire, il n’est quand même pas question de créer des tribunaux d’exception, ni encore moins de donner la compétence de jugement au pouvoir exécutif) serait en tant que telle attentatoire à la liberté d’expression, ni même attentatoire à quelque droit ou liberté que ce soit.
Si l’on peut à la limite comprendre les motifs de pareilles assertions quand elles émanent d’une profession journalistique encline, en Belgique, à plus de corporatisme que d'esprit critique, on les excuse moins facilement quand elles émanent d’élus capables d’écrire dans les mêmes développements d’une proposition de révision de la Constitution, d’une part que “La distinction proposée entre les délits de presse ordinaires et les délits de presse à caractère raciste ne concerne pas directement un droit garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais bien une procédure qui a seulement effet indirect sur la jouissance du droit garanti. Dans la plupart des autres pays européens, le principe du jury n’est pas considéré comme une garantie essentielle pour la liberté de presse.”, et d’autre part que “Une solution qui aurait consisté à retirer de la compétence de la cour d’assises l’ensemble des délits de presse n’a pas été considérée comme souhaitable, en raison du fait que cette solution aurait pu mettre en danger la liberté de la presse et la liberté d’expression.”
281. A dire vrai, le débat sur la correctionnalisation éventuelle du délit de presse semble invariablement biaisé. Du côté des journalistes, que ce soit pour des raisons sincères (crainte qu’un contrôle de la responsabilité pénale par des magistrats professionnels restreigne réellement la liberté de presse) ou avec une certaine dose d’hypocrisie (satisfaction à l’égard d’un système dépourvu de responsabilité pénale effective), on crie chaque fois à l’atteinte à la liberté de presse lorsque quiconque ose évoquer la correctionnalisation. Du côté parlementaire, et quel que soit l’avis que l’on puisse avoir sur le fond, on n’ose dès lors évoquer la correctionnalisation complète par crainte de déplaire à des médias jugés puissants et, surtout, indispensables pour donner écho à l’action politique. Comment expliquer autrement cette étrange avatar de parade amoureuse qui vit, en janvier 1999, plusieurs parlementaires parmi les plus éminents “consulter” les représentants de la presse sur une mesure - la correctionnalisation de seuls délits de presse racistes - dont ils avaient déjà adopté le principe?
Même si certains étaient sans doute convaincus qu'une correctionnalisation de tous les délits de presse eût été préférable, il était sans doute illusoire d'imaginer que quiconque osât assumer la responsabilité politique de pareille mesure, et par voie de conséquence une solide impopularité dans la corporation journalistique, à six mois d'une importante échéance électorale. Quant au gouvernement, il sembla avoir prudemment oublié que sa déclaration comportait la simplification de la procédure en cour d’assises et précisait que “Dans ce cadre, le Parlement sera invité à examiner la correctionnalisation de délits de presse.”
En effet, les parquets généraux refusent de renvoyer les délits de presse devant la juridiction compétente, c'est-à-dire la Cour d'assises, compte tenu de la lourdeur de cette procédure et de la publicité trop importante qui s'y attache. Dès lors, reconnaître la qualification de délit de presse devient un moyen de défense pour le journaliste poursuivi pénalement puisque cette qualification lui assurera l'impunité pénale. On comprend dès lors, même si on ne le partage pas nécessairement, l'empressement des unions de journalistes à demander le maintien de cette garantie constitutionnelle et à refuser la correctionnalisation du délit de presse.
Toutefois, il y a lieu de constater que la Belgique constitue de ce point de vue une exception. La France a, par exemple, correctionnalisé le délit de presse depuis 1945, et l'on ne peut pas considérer que sa presse soit moins libre depuis qu'elle encourt une véritable responsabilité pénale. En outre, le débat sur la correctionnalisation du délit de presse a ressurgi à l'occasion du débat sur le financement public des partis d'extrême droite : en effet, la définition très générale que donne la Cour de cassation du délit de presse aboutit à faire bénéficier de l'impunité pénale non seulement les journalistes professionnels mais aussi tout auteur d'un tract. Le tract constitue en effet un écrit imprimé, avec la manifestation d'une opinion et auquel une publicité est donnée.
282. Par contre, on relèvera que, dans l'état actuel de la jurisprudence, les images ne sont pas considérées comme comprenant l’expression d’une opinion, et ne tombent dès lors pas sous la qualification de délit de presse.
III.3.4.3. Actions civiles
283. Le développement de la responsabilité civile des médias s’explique d’abord, on l’a expliqué, par l’absence en Belgique de responsabilité pénale effective de la presse, hors le cas – limité et récent – des délits de presse inspirés par le racisme et la xénophobie.
284. L’accroissement des procès en responsabilité civile des médias s’explique également par les impératifs économiques, également soulignés, qui gouvernent la vie des médias. Il est symptomatique à cet égard de constater qu’une partie significative des procès en responsabilité civile des médias qui ont alimenté la jurisprudence au cours des dernières années ont pour point de départ des articles publiés non pas dans des journaux d’information générale, mais dans des hebdomadaires de télévision, sans ligne idéologique précise mais simplement soucieux de diversification de leurs contenus et d’augmentation de leurs ventes.
Or, cette recherche accrue de l’audience s’observe sans que, dans le même temps, les moyens disponibles pour la recherche de l’information n’augmentent. La presse belge reste une presse pauvre, avec des journalistes mal payés, et peu de rédactions peuvent se permettre le luxe de laisser un ou plusieurs journalistes pendant plusieurs semaines sur un travail approfondi d’investigation non immédiatement productif. Dès lors, le risque de dommages causés par une quête systématique de l’information exclusive, et donc parfois prématurée, est en hausse sensible. Nombre de procès y trouvent leur origine.
285. Enfin, l’affaire Dutroux, ou plus exactement les dommages collatéraux qu’elle a entraînés, a, elle aussi, contribué à alimenter sensiblement la jurisprudence. On a ainsi vu des familles, des magistrats, des gendarmes, des avocats ou des citoyens faire appel aux tribunaux pour protéger leur image, leur vie privée ou leur honneur.
Cette croissance quasi-exponentielle tient à divers facteurs. Il y a, d’abord, une concurrence accrue entre des médias qui ont très vite perçu qu’une opinion publique désemparée était, plus encore qu’à l’habitude, en quête d’information(s). Il y a eu, ensuite, le développement d’un journalisme d’émotion et de compassion, se substituant au journalisme d’analyse, avec tout ce que cela suppose de subjectivité prenant la place de l’objectivité des faits. On a également été confronté à une médiatisation extraordinaire des enquêtes, avec à la clé quantité de fuites organisées: du journalisme d’investigation, on est alors passé à un journalisme de révélation. Enfin, il a encore fallu compter avec nombre de dérives mythomanes, qui ont, le plus souvent, trouvé dans un média au moins un écho complaisant.
Dans ce climat passionnel ambiant, chaque information ou semblant d’information a rencontré une telle audience que les effets dommageables et, par voie de conséquence, la nécessité d’une réaction judiciaire, se trouvaient accrus.
286. La jurisprudence a, de longue date, retenu la notion de “journaliste normalement avisé et prudent” comme la norme de comportement que doit adopter un journaliste s’il veut éviter que sa responsabilité soit mise en cause. Cependant, pareille notion, à l’instar de celle du bon père de famille qui en est en quelque sorte l’équivalent généraliste, n’existe qu’à travers l’interprétation que lui donne concrètement la jurisprudence.
287. On a déjà évoqué la différence établie par les juges entre le journalisme d’investigation et le journalisme de révélation. Le concept d’investigation s’incarne notamment dans le travail de vérification auquel doit se livrer le journaliste. Il a ainsi été jugé que “dans l’accomplissement de sa mission d’information la presse doit veiller à ne pas répandre des rumeurs qui pourraient causer un préjudice à des tiers lorsqu’elle n’en a vérifié la conformité à la vérité; (...) en relayant sans autre vérification une imputation grave dont ils ne pouvaient ignorer que si elle était erronée elle porterait atteinte à 1‘honneur et à la considération du demandeur, les défendeurs n ‘ont pas agi comme des journalistes norma1ement prudents et avisés”.
288. La charge de la preuve du travail de vérification repose sur le journaliste qui ne peut, à cet effet, se borner à observer que les mêmes informations ont été publiées dans d’autres médias. Dans l’affaire Doutrewe/Soir illustré déjà évoquée, le tribunal expose ainsi que “en se limitant à indiquer que cette information a été diffusée dans d’autres organes de presse, force est de constater que le défendeur ne prouve pas s’être livré à une enquête approfondie ni avoir étayé ses informations en utilisant des données contrôlées dans la mesure raisonnable de ses moyens;”. Et de conclure que l’auteur n’a dès lors “pas agi comme un journaliste normalement avisé et prudent”.
Dans le même sens, il a également été jugé, en réponse à des journalistes qui invoquaient la même justification, que “pareil raisonnement ne peut être admis; il suffirait dans pareil cas que les informations d’un journaliste soient reprises dans d’autres quotidiens pour qu’ il échappe à sa responsabilité” ou que “un journaliste sérieux ne [peut] se borner à reproduire et amplifier des nouvelles diffusées par d’autres médias sans aucune vérification”.
289. Le devoir de vérification s’impose non seulement en temps normal, mais aussi - et plus encore - dans le cadre d’affaires particulièrement sensibles. On fait bien évidemment référence ici à l’affaire Dutroux, à l’occasion de laquelle certains médias n’hésitèrent pas à répandre des informations qui n’avaient pas fait l’objet de toutes les vérifications adéquates, tentant ensuite de justifier ce défaut de vérification par le besoin urgent d’information des citoyens.
Ainsi, à un journaliste qui soutenait “que cette affaire était et est à ce point importante que, même si le tribunal devait retenir une atteinte à l’honorabilité du demandeur, la sauvegarde de notre société démocratique rend cette atteinte indispensable et il est impératif, au regard de la balance des intérêts en présence, qu’une primauté soit donnée à la liberté d’expression et à celle de la presse”, le tribunal répondit “qu’au contraire, plus les événements sont tragiques et l’opinion publique sensible, plus le journaliste doit leur faire preuve de rigueur et de professionnalisme” et “que la vérification scrupuleuse des sources s’impose plus que jamais afin de ne pas “lâcher” une information douteuse à un public et à des lecteurs avides de nouvelles dans le contexte d’émotions profondes décrit ci-avant”.
Il fut semblablement jugé que “on ne saurait admettre que, sous le couvert de l’émotion, un journaliste professionnel se départisse des règles habituelles de sa profession, au risque de compromettre gravement les intérêts légitimes de tiers. Au contraire, il devait nécessairement être conscient de l’impact particulier qu’aurait son article dans la population, compte tenu de cette émotion, et se montrer d’autant plus circonspect dans la diffusion d’informations pouvant nuire à la réputation de tiers”.
290. L’obligation de vérification qui repose sur le journaliste s’analyse également comme un devoir d’actualisation de ses informations. Ainsi, dans l’affaire mettant en cause la responsabilité d’un journaliste pour atteinte au droit à l’oubli des parents d’une personne condamnée, il fut notamment fait grief au journaliste de ne pas avoir indiqué que la condamnation en question faisait l’objet d’un appel. Le tribunal refusa de suivre la défense du journaliste qui se retranchait derrière le fait qu’il n’avait pas été informé par l’intéressé de l’appel en question, considérant qu’il appartenait au journaliste lui-même de s’informer, de sa propre initiative, de l’existence éventuelle de recours: “il n’a été pris aucune mesure pour s’informer du caractère toujours actuel ou non une condamnation dont il n’est pas contesté qu’elle avait été frappée d’appel dont un journaliste normalement prudent et diligent peut et doit s’assurer, lorsqu’il se propose de la rappeler, spécialement dans les circonstances dramatiques du décès accidentel de l’intéressé.”
291. Le devoir de vérification suppose-t-il aussi l’obligation, pour le journaliste, de prendre l’avis de celui qui est visé par l’information ? Un nombre croissant de jugements le laissent à penser, n’hésitant pas parfois à évoquer des principes qui s’apparentent au principe du contradictoire ou au respect des droits de la défense. Il fut ainsi reproché au Soir Illustré et à ses journalistes d’avoir présenté le commissaire Brose , dans le cadre de l’enquête Cools, « comme s’étant livré à un véritable sabotage de l’enquête, comme ayant provoqué méchamment l’éviction d’une autre enquêteur, comme ayant placé le juge d’instruction sous pression constante et comme ayant protégé l’un des prévenus, qualifié de pivot de l’enquête », le tribunal insistant sur le fait que « cette condamnation morale et cette désignation au mépris public ont été faites sans même que le demandeur ait été invité à donner sa propre version face à des accusations aussi graves, et sur base d’éléments dont il n’est nullement établi, aujourd’hui encore, qu’ils correspondent à la réalité » .
292. Il est essentiel de préciser que l’obligation de vérification qui pèse sur le journaliste est plus souvent comprise par les cours et tribunaux comme une obligation de moyens que comme une obligation de résultats. Le principe est appliqué fréquemment, et a été explicitement rappelé dans le jugement déjà évoqué dans l’affaire opposant les membres de la famille Martin à Paris Match, au Soir et au Soir illustré :
« Afin d’éviter, autant que faire se peut, de nuire gratuitement aux personnes mises en cause, le journaliste a l’obligation de vérifier ses sources, de procéder à des recoupements, de s’assurer du sérieux de l’information qu’il détient. »
Le journaliste n’est évidemment soumis qu’à une obligation de moyens et sa responsabilité ne pourra être mise en cause s’il a contrôlé l’information publiée dans une mesure « raisonnable ». Pour éviter les dérives nées de la difficulté à exercer ce contrôle, il n’oubliera pas d’exercer son esprit critique et mettra en balance l’intérêt que peut présenter l’information par rapport aux effets qu’elle peut induire : « Entre son devoir d’information, son souci de rechercher la vérité, son souhait éventuel de poser un débat et l’indispensable respect de tous les intérêts en présence, le journaliste exerce assurément un métier difficile. Le sérieux avec lequel il accomplira sa tâche en fait toute la grandeur. »
La notion de précarité des moyens d’investigation de la presse belge est ainsi régulièrement invoquée pour justifier des erreurs éventuellement commises, s’il apparaît qu’un travail raisonnable de vérification a été mis en oeuvre. Initialement invoquée par la jurisprudence pour justifier un manquement à l’objectivité, cette précarité est aujourd’hui régulièrement mise en avant pour excuser des manquements à la véracité.
293. Le plus souvent, si la faute est établie, la jurisprudence reconnaîtra chez le demandeur l’existence d’un dommage moral, résultant de l’atteinte portée aux droits de la personnalité: droit à l’honneur et à la réputation, droit à l’image, droit au respect de la vie privée...
Parfois également, mais de façon beaucoup plus rare, un dommage matériel sera également reconnu et indemnisé. Un des seuls cas recensés fut celui de l’avocat liégeois Julien Pierre, alors défenseur de Marc Dutroux, accusé de liens avec extrême droite, qui se vit indemniser non seulement du dommage moral inhérent à ces accusations mais aussi du dommage matériel présumé, lié à la perte de chance d’accroître sa clientèle.
294. La question des modes de réparation des dommages est particulièrement aiguë. L’articulation des modes de réparation en nature (droit de réponse, publication du jugement) et des modes de réparation par équivalent (pécuniaires) suscite parfois une certaine confusion chez l’un ou l’autre juge.
295. Au titre des modes de réparation en nature, la jurisprudence est unanime à considérer que la publication d’un droit de réponse est un mode de réparation subsidiaire, et même à un double titre. Subsidiaire d’abord parce que l’exercice du droit de réponse n’est pas un préalable obligé à l’exercice d’une action en responsabilité ; subsidiaire ensuite par que l’éventuelle publication d’un droit de réponse n’empêche pas celui qui a exercé ce droit de poursuivre malgré tout une action de mise en cause de la responsabilité.
Si la publication de la réponse n’est en tout cas pas élusive de la faute, on pourrait par contre se demander si elle ne peut avoir pour effet de réduire le dommage. Aucune décision ne consacre à proprement parler cette thèse; elle pourrait toutefois être soutenue en invoquant a contrario certains jugements qui, soulignant le fait que la réponse du préjudicié n’a été publiée qu’assortie d’une réplique du média, en concluent que le dommage n’a dès lors pas été diminué.
296. Autre forme de réparation en nature, la publication du jugement rendu est régulièrement ordonnée. On constate toutefois de grandes disparités à cet égard dans la jurisprudence: certains juges voient dans une telle publication un mode de réparation suffisant, tandis que d’autres la considèrent comme superflue eu égard au délai séparant la date de la publication originelle de celle du prononcé du jugement.
Par ailleurs, si la plupart des décisions se limitent à ordonner la publication dans le journal où se trouvait l’article litigieux, d’autres imposent également la publication dans d’autres journaux: pareille solution peut alors s’avérer très coûteuse pour le journaliste ou l’éditeur si les autres journaux dans lesquels la publication est ordonnée ne fait pas partie du même groupe de presse et que l’insertion doit se faire aux tarifs publicitaires en vigueur.
297. S’agissant de la réparation par équivalent, on constate que l’évaluation pécuniaire du dommage est également un point délicat de la jurisprudence, et ce d’autant plus que les demandeurs ont tendance à accroître leurs prétentions dans une mesure qui dépasse largement l’évolution de l’index. Il n’est plus rare de voir certains demandeurs, principalement des personnes morales, réclamer plusieurs dizaines ou centaines de millions de FB de dommages et intérêts: il s’agit vraisemblablement alors de pressions destinées à provoquer l’autocensure des médias, plus que de montants que les demandeurs espèrent vraiment obtenir.
Les montants accordés sont, le plus souvent, destinés à couvrir un dommage moral. C’est en effet que celui-ci s’évaluer ex aequo et bono, alors que le dommage matériel doit en principe être prouvé ou prouvable pour être indemnisé. On notera toutefois que, dans l’affaire Pierre déjà évoquée, les 500.000 FB de dommages et intérêts accordés pour réparer à la fois le dommage moral et le dommage matériel le furent sans que ledit dommage matériel ne soit apparemment prouvé, le tribunal retenant la notion de “perte de chance d’accroître la clientèle” plutôt que celle de “perte de clientèle”, laquelle eût sans doute dû être prouvée livre de comptes à l’appui.
Au titre de dommage moral, le principe même de l’évaluation ex aequo et bono suppose intrinsèquement une certaine subjectivité. On observe dès lors une fourchette allant du traditionnel franc symbolique à 500.000 FB. Ce dernier montant fut accordé en première instance dans l’affaire Doutrewe/Soir illustré, avant d’être réduit en appel à un franc symbolique au motif - éminemment critiquable - que la demanderesse devenue intimée ne prouvait pas que l’atteinte à son honorabilité “aurait eu des conséquences financières quelconques pour elle”
298. Pour sortir de cette subjectivité, certains jugements ont tenté d’objectiver le calcul ex æquo et bono. Dans une affaire relative à la publication d’un tract accusant le demandeur de détournement de fonds, il a ainsi été jugé que « dans la recherche de la réparation complète et adéquate [du préjudice, le tribunal] est guidé, notamment et sans que cette énumération soit exhaustive, par les critères suivants : la gravité de la faute de l’auteur du dommage, la gravité de l’atteinte à l’honneur et à la réputation de la victime, les moyens, l’ampleur et la durée de cette atteinte et le public touché, les conséquences concrètes de cette atteinte sur la vie privée, professionnelle et sociale de la victime ainsi que la qualité et la notoriété respective des parties »
Toutefois, dès lors que la pondération de ces critères ne peut être déterminée elle aussi que de façon subjective, leur énumération ne résout que partiellement le problème. On a ainsi vu, dans le jugement déjà cité opposant les gendarmes De Baets et consorts à des journalistes du Soir Illustré, le tribunal opter pour une quantification mathématique du dommage moral : valeur de l’atteinte multipliée par le nombre d’articles puis par le nombre d’exemplaires mis en circulation. Mais comment ne pas observer que cette valeur initiale de l’atteinte au numéro vendu – 1 FB pour le premier demandeur, explicitement cité, et 0,30 FB pour les quatre autres, implicitement désignés - est elle-même empreinte de subjectivité et, par là-même, contestable ?
299. L’absence de responsabilité pénale effective en droit belge induit parfois certains glissements du rôle de la responsabilité civile. C’est à bon droit que le tribunal de première instance de Liège a rappelé, dans l’affaire Brose déjà citée, que « la somme versée à la victime ne peut jamais être une façon de punir le responsable, mais seulement un mode d’indemnisation ». Mais quand, dans le jugement Vanesse déjà évoqué, le tribunal de première instance de Nivelles n’accorde qu’un franc d’indemnisation du dommage moral en précisant que “il importe dans le cas présent de consacrer la reconnaissance de la violation du droit de M. Vanesse par le défendeur”, n’y a-t-il pas confusion entre la fonction indemnitaire de la responsabilité civile et la fonction symbolique de la responsabilité pénale?
A dire vrai, la question ne cesse de plonger les juges dans une forme de confusion, comme en témoigne la motivation suivante, assortissant la condamnation prononcée par le tribunal de première instance de Liège au bénéfice des membres de la famille Martin dans l’affaire dite des amants diaboliques :
« S’il est certain que le préjudice moral de cette famille, offerte en pâture à l’opinion publique sans raison sérieuse, est important, il n’en reste pas moins que les revendications financières émises sont excessives. Ce type de dommage est difficilement indemnisable, l’argent ne compensant jamais la vraie souffrance morale. Notre droit ne connaît pas les dommages et intérêts « punitifs ».
C’est la condamnation publique du procédé qui constituera l’essentiel de la réparation morale. En outre, notre système juridique, au contraire d’autres, ne prend en considération les dommages moraux que fort chichement. Les sommes allouées par les juridictions ne représentent pas une véritable réparation mais s’intègrent dans un système de valeurs données, qu’il s’agisse de valeurs morales, sociales, économiques, fiscales ou autres encore.
Les demandeurs ne perdront pas de vue que si les défendeurs avaient froidement assassiné l’un des leurs, les dommages qu’il songeraient à réclamer, compte tenu de la jurisprudence habituelle, seraient bien moins élevés que leurs actuelles revendications.
Il convient de garder raison et de conserver une certaine échelle de valeur. »
S’il est peut-être exact que, dans les faits, la condamnation publique constitue l’essentiel de la réparation morale, n’est-ce pas justement la preuve qu’une réhabilitation de la responsabilité pénale des médias s’avère indispensable ? Quant à la comparaison des montants demandés (ou accordés) dans des procès de presse avec les montants généralement accordés, sur base de « barèmes » communément admis, pour la perte d’un être cher, faut-il en tirer comme conséquence que les premiers sont trop élevés, ou que les seconds sont trop bas ?
De même, dans une affaire où la demanderesse – la Société de développement régional bruxellois – était une société publique, le tribunal, tout en rappelant que « la jurisprudence reconnaît aux personnes morales le droit d’obtenir réparation de l’atteinte à leur honneur ou à leur réputation, que ce droit à réparation ne paraît pas devoir être limité aux personnes morales commerciales et de droit privé ; qu’une telle atteinte, portée à une personne morale de droit public, ayant une mission d’intérêt public peut en effet entraver l’exercice de cette mission d’intérêt public », réduisit au franc symbolique la réparation demandée, au motif qu’il n’apercevait pas « qu’une personne de droit public puisse tirer un avantage pécuniaire d’une telle réparation ». La demanderesse avait, il est vrai de façon manifestement exagérée, réclamé 3.500.000 FB.
300. A titre complémentaire, on relèvera une décision récente statuant sur la demande reconventionnelle formée par un journaliste qui considérait comme téméraire et vexatoire le procédure en responsabilité civile menée contre lui: “Le défendeur, demandeur sur reconvention, ne pouvait ignorer, dès le départ, qu’une publication de ce type était en mesure de conduire à un procès tel que celui-ci. Il n’apparaît d’ailleurs nulle part que le demandeur sur reconvention ait subi un dommage du fait de la présente procédure: il n’est pas prouvé que cette publicité aurait eu un effet négatif sur les chiffres de vente de l’ouvrage, et l’image d’un journaliste n‘est certes pas préjudicié par un tel procès.”
301. La jurisprudence apporte peu d’enseignements quant à l’évaluation du lien de causalité entre la faute et le préjudice causé par les médias. Deux décisions peuvent toutefois être citées où le juge fait ou ne fait pas application de la théorie de l’équivalence des conditions.
Dans un cas, se référant explicitement à la théorie de l’équivalence des conditions, le tribunal de première instance de Charleroi rejette l’argument de l’éditeur responsable du Soir illustré qui voyait dans l’événement initial (une perquisition médiatisée par les enquêteurs eux-mêmes), plutôt que dans l’article litigieux, la cause principale du préjudice invoqué: “en l’espèce, le dommage subi par les demandeurs est imputable à l’article incriminé et les défendeurs en doivent la réparation intégrale, même si d’autres causes ont pu concourir à sa survenance, dès lors qu’il ne se serait pas produit tel qu’il s’est réalisé in concreto sans la faute dont ils doivent répondre”.
Dans l’autre cas, tout au contraire, le tribunal de première instance de Nivelles réduit à un franc symbolique l’indemnisation du dommage moral, considérant que l’atteinte à l’honneur du demandeur “a été principalement provoquée par le mandat d’arrêt qui lui a été décerné et par les commentaires que ce mandat a suscités dans tous les organes de presse et dans l’opinion publique” et “que l’article litigieux n’est pas responsable de cette atteinte à l’honneur”.
III.4. PUBLICITÉ
III.4.1. Textes applicables
III.4.1.1. Textes s’appliquant à tous les médias
302. Loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce, sur l’information et la protection du consommateur, articles 22 à 29.
303. A.R. du 17 avril 1980 concernant la publicité pour les denrées alimentaires
304. A.R. du 7 avril 1995 relatif à l’information et à la publicité concernant les médicaments à usage humain
305. Loi du 10 décembre 1997 interdisant la publicité pour les produits du tabac
306. Loi du 2 août 2002 relative à la publicité trompeuse et à la publicité comparative, aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui concerne les profession libérales
III.4.1. 2. Textes spécifiques à l’audiovisuel
307. Directive TVSF des 3 octobre 1989 et 30 juin 1997
Voir aussi la communication interprétative de la Commission du 23 avril 2004
308. Décret du 27 février 2003 relatif à la radiodiffusion
Voir aussi la recommandation relative à la communication publicitaire du CSA du 22 novembre 2004
309. Décret du 14 juillet 1997 portant statut de la RTBF
Voir aussi le contrat de gestion de la RTBF du 11 octobre 2001
III.4.2. Définitions
310. Loi de 1991, art. 22: « est considérée comme publicité, toute communication ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations, quel que soit le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre »
311. Décret du 27 février 2003, art. 1er, 29°: « toute forme de message radiodiffusé contre rémunération ou paiement similaire par une institution ou une entreprise publique ou privée dans e cadre d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou de profession libérale dans le but de promouvoir la fourniture contre paiement de biens ou de services y compris les biens immeubles, les droits et les obligations »
312. Publicité comparative: « Est considérée comme publicité comparative, toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des produits ou services offerts par un concurrent. » (loi 1991, art. 22)
313. Parrainage: « toute contribution d’une institution ou d’une entreprise, publique ou privée, n’exerçant pas d’activité de radiodiffusion ou de production d’œuvres audiovisuelles, au financement de programmes dans le but de promouvoir son nom, sa marque, son image, ses activités ou ses réalisations » (décret 2003, art. 1er, 23°)
314. Programmes de télé-achat: « la diffusion d’offres directes au public en vue de la fourniture, moyennant paiement, de biens ou de services, y compris des biens immeubles, ou de droits et d’obligations » décret 2003, art. 1er, 28°);
315. Autopromotion: « tout message radiodiffusé à l’initiative d’un éditeur de services et qui vise à promouvoir ses rpropres services, programmes ou des produits connexes directement dérivés de ses propres programmmes » (décret 2003, art. 1er, 3°);
316. Communication publicitaire : « la publicité, le parrainage, le télé-achat et l’autopromotion » (décret 2003, art. 1er, 7°)
III.4.3. Règles de contenu
317. Règles de principe: art. 10 et 11
Publicité politique: art. 12, § 1er
Autres biens et services: art. 12, § 2
Protection des mineurs: art. 13
Protection des annonceurs: art. 15
Médicaments et boissons alcoolisées : art. 16
III.4.4. Règles de diffusion
318. Publicité:
Identification, art. 14 § 1er
Modalités: art. 14 §§ 2 à 4
Interruptions: art.18 (radio, art. 23)
Durée: art. 20 (radio, art. 22)
Spots isolés: art. 19
319. Parrainage: art. 24 à 27
320. Télé-achat: art. 28-29
III.3.2.2.Règles propres à la RTBF
321. Décret 14 juillet 1997, art. 27, § 2
Contrat de gestion, article 29
III.5 AUTRES CONTENUS REGLEMENTES
III.5.1. L’objectivité de l’information
322. Décret 14 juillet 1997, art. 7, § 2
Décret du 27 février 2003, art. 35, § 1er, 5° et 66, § 1er, 8°
Faute de définition univoque, l'objectivité doit être appréhendée par un faisceau de prescriptions convergentes qui s'imposent tantôt à l'organisation générale des émissions d'information, tantôt à chaque journaliste pris en tant que tel. On distinguera donc une objectivité collective et une objectivité individuelle.
III.4.1.1. Objectivité collective
323. L'objectivité collective se vérifie à travers l'ensemble des émissions d'information diffusées par une même chaîne sur une période déterminée. Sa responsabilité incombe au premier chef à celui ou ceux qui ont pour fonction d'organiser et de diriger ces émissions (rédacteur en chef, directeur de l'information, administrateur ou directeur général...). Elle s'analyse à travers une double obligation.
Ratione materiae, d'abord, il appartient aux responsables de l'information de vérifier que le public soit informé sur l'ensemble des sujets susceptibles de l'intéresser, un fait ou un domaine d'information ne pouvant être ignoré qu'en vertu de la loi: on pense, notamment, aux règles relatives à la sécurité de l'Etat, à l'ordre public et aux bonnes mœurs ou à la protection des Etats étrangers (supra, section I).
Ratione personae, ensuite, les responsables doivent assurer au sein des émissions d'information une répartition équilibrée des différentes tendances idéologiques ou philosophiques, cet équilibre étant apprécié à l'aune de l'importance respective des différents courants.
Cette règle se déduit tant des principes généraux établis par la loi du 16 juillet 1973 garantissant la protection des tendances idéologiques et philosophiques, que des travaux préparatoires de la loi du 18 mai 1960: l'auteur du projet, le Ministre Pierre Harmel, y avait en effet indiqué que l'objectivité serait assurée "non pas par l'absence de tendances idéologiques au sein des instituts, mais au contraire par la présence de chacune d'elles".
Il apparaît ainsi qu'à l'ancienne obligation d'impartialité, qui était couramment confondue avec celle de neutralité et prohibait par là la présentation de quelque tendance que ce soit, s'est substituée une règle, l'objectivité, qui, dans son acception collective, vise à assurer le relais équilibré des différentes tendances en présence L'alinéa 2 de l'article 4 du règlement d'ordre intérieur de TVi expose pour sa part "que la présentation d'opinions contradictoires ou différentes doit être assurée dans la même émission ou dans la même série d'émissions ou dans le temps le plus court possible pour assurer la qualité de cette contradiction.". On notera cependant que, si l'impartialité collective a disparu au profit de l'objectivité, celle-ci suppose néanmoins un devoir d'impartialité individuelle.
III.5.1.2.Objectivité individuelle
324. L'objectivité individuelle est le corollaire indispensable de l'objectivité collective. Elle se vérifie à travers chaque relation, description ou commentaire d'un fait d'actualité, et chaque journaliste qui participe aux émissions d'information est tenu de la respecter. L'objectivité individuelle recouvre trois obligations: déontologie, impartialité et indépendance.
La déontologie implique que le journaliste fasse preuve de compétence et d'honnêteté. La compétence suppose à la fois la connaissance du sujet présenté et la capacité de le rendre compréhensible. L'honnêteté impose au journaliste de faire preuve d'esprit critique dans la recherche de l'information et de faire part à l'auditeur ou au téléspectateur de tous les éléments dont il dispose.
Si l'obligation d'impartialité collective a disparu au profit de la notion d'objectivité, il subsiste un devoir d'impartialité individuelle de chaque journaliste. L'impartialité ne postule ni l'absence de convictions politiques du journaliste, ni même sa non affiliation à un parti, mouvement ou syndicat: elle suppose simplement qu'il ne fasse pas transparaître à l'antenne ses convictions ou engagements. L'impartialité individuelle peut donc s'analyser comme un devoir de réserve.
A la RTBF, l'obligation d'impartialité se limite aux interventions des journalistes sur antenne, et ne fait pas obstacle à ce que d'aucuns, dans les limites de ce qui est prévu par leur statut, prennent publiquement position sur l'une ou l'autre question. Dans cette hypothèse toutefois, ils devront, "pendant le temps de la controverse, s’abstenir de traiter cette question sensible à l'antenne.".
325. Dans l'arrêt Buyle du 21 septembre 1984, le Conseil d'Etat a eu l'occasion de préciser la portée du devoir d'impartialité individuelle du journaliste en matière d'interview. Daniel Buyle, journaliste à la BRT (révoqué depuis lors) est sanctionné début 1982 pour avoir, lors d'une interview du formateur Wilfried Martens, violé son devoir d'objectivité, en ce que "la manière de poser les questions et le choix des mots qu'il a utilisés à certains moments peuvent difficilement être qualifiés d'objectifs" et qu'il a "au contraire, donné l'impression qu'il s'agissait de ses propres points de vue".
Pour le Conseil d'Etat, "le journaliste radio et télévision doit s'abstenir d'agissements qui peuvent faire douter le public de l'impartialité. Appliqué à une interview, cela signifie, il est vrai, que le journaliste peut et doit poser les questions qui agitent l'opinion publique ou une partie de celle-ci, mais alors sans laisser apparaître une propre approbation ou désapprobation, c'est à dire sans donner à l'auditeur l'impression que le journaliste et par conséquent la BRT a lui-même fait un choix. Celui qui interviewe ne peut donc reprendre comme un fait acquis l'avis d'une partie de la presse d'opinion ou des groupes de pression".
Dans le but de se conformer à l'arrêt du Conseil d'Etat, la RTBF prévoit désormais que "lors d'interviews, le journaliste peut éventuellement poser à la personne interrogée des questions délicates correspondant à des inquiétudes ou à des opinions qui se sont manifestées dans l'opinion publique. Il ne peut toutefois donner l'impression de reprendre à son propre compte ces inquiétudes ou ces opinions". On ne peut s'empêcher de constater qu'il y a quelque tartufferie dans pareil règlement: il en ressort en effet qu'il suffirait de faire précéder une opinion supposée répandue d'une formule du type "certains disent que" pour atteindre à l'impartialité.
326. L'objectivité individuelle des journalistes est enfin fonction de leur indépendance vis-à-vis de tout pouvoir extérieur quel qu'il soit. A cet égard, tant la RTBF que TVi imposent à leurs journalistes de faire immédiatement part à leurs supérieurs hiérarchiques de toute tentative de pression.
III.5.2. Les messages urgents d’intérêt général
327. Décret du 27 février 2003, art. 5.
Applicable à tous les éditeurs de services
Cas exceptionnels : catastrophe aérienne, risque nucléaire, tremblement de terre, pollution grave ou événement assimilé
III.5.3. Les « quotas »
328. Décret du 27 février 2003, art. 43 § 1er : œuvres européennes
Ratio legis
329. Décret du 27 février 2003, art. 43 § 2 : œuvres de producteurs indépendants
Ratio legis
330. Décret du 27 février 2003, art. 42 : communauté française et langue française
331. Décret du 27 février 2003, art. 54 et 60: quotas radio
330. Exceptions
III.5.4. Les obligations propres à la RTBF
332. Décret du 14 juillet 1997, art . 7 § 3 : émission concédées
333. Décret du 14 juillet 1997, art . 7 § 5 : communications gouvernementales
334. Décret du 14 juillet 1997, art . 8 : contrat de gestion
III.5.5. Les services à distribution obligatoire
335. Décret du 27 février 2003, art. 50
Conditions : - mise en valeur du patrimoine
- nombre minimum d’heures de diffusion
- journal quotidien
DominiqueMehl, La fenêtre et le miroir, La télévision et ses programmes, Payot, 1992.
Civ. Liège (6è ch.), 21 septembre 1999, Brose c. Deliège et csts., Journal des procès, n° 384, 7 janvier 2000, p. 29 ; A&M, 2000/1-2, p. 155, obs F. Jongen.
Patrick Le Lay in Les dirigeants face au changement, Paris, Editions du Huitième jour, 2004.
Loi du 13 mai 1955 portant approbation de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée à Rome, le 4 novembre 1950, et du Protocole additionnel à cette Convention, signé à Paris, le 20 mars 1952, M.B., 19 août 1955, p. 5028.
C.E.D.H., Handyside, 4 novembre 1976.
L'ensemble de la jurisprudence de la Cour peut être consulté sur le site
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Cass. 22 oct. 1941, Pas, I, p.388 : en cette espèce, il était reproché au prévenu d'avoir violé l'article 448 du Code Pénal par les termes "On ne vote pas pour ces hypocrites qui se présentent. Pourquoi ? Parce qu'ils ne peuvent pas prouver où sont passés au moins 600 francs par an, recette de la collecte en faveur des pauvres... On ne vote pas pour ceux qui, sous le couvert de membres honnêtes du bureau, décident tout à leur gré et s'arrangent pour remplir leurs poches et celles de leurs amis..." paroles que la Cour considéra comme constituant par elles-mêmes l'expression d'une opinion.
Cass., 17 janv. 1990, Journ. Proc., 1990, n° 169, p. 33 et J.L.M.B., 1990, p. 412.
Nothomb, cité par Huyttens, "Discussions au Congrès National", Bruxelles, 1844, T. I, p. 651.
Cass., 2è ch., 9 décembre 1981, J.T., 1983, p. 133, Concl. Krings et note Goffin et Mahieu.
Corr. Liège (ch. des vac.), 27 septembre 1982, J.T., 1983, p. 429.
Pol. Liège, 14 déc. 1978, J.L.M.B., 1979, p. 204.
Corr. Louvain (ch. du cons.), 19 déc. 1980, R.W., 19801981, col. 2126 avec conclusions M.P. et note A. Vandenplas.
Cass., 9 déc. 1981, déc. cit.
Bxl, 9ème Ch., 19 février 1985, R.W., 19851986, col. 806, note J. Ceuleers "De begrippen "pers" en "persmidrijf"".
Cass., 2ème Ch., 28 mai 1985, J.T., 1986, p. 24, note J.M.; D. Voorhoof considère à propos de cet arrêt que "cette réserve de la Cour de cassation est regrettable, parce qu'elle a manqué une chance unique de consacrer l'interprétation évolutive ou progressive des articles 18 et 98 de la Constitution qui aurait permis aussi aux manifestations d'opinion par voie de média audiovisuel de faire valoir leurs droits à la protection constitutionnelle" (note sous la même décision, R.W., 19851986, col. 2854).
Corr. Bxl, 24 mars 1992, JLMB, 1992, pp. 1240-1242.
Bruxelles (11è ch.), 25 mai 1993, J.T., 1994, p. 104, obs. F. Jongen.
Bruxelles (12è ch.), 14 janvier 1994, J.L.M.B., 28/94, p. 995, obs. F. Jongen.
Cass., 29 juin 2000, Journ. Proc., 2000, n° 398, p. 24, obs. F. Tulkens et A. Strowel.
V. par exemple civ. Namur (Réf.) , 9 août 2000, J.L.M.B. , 27/2000, p. 1182.
Cass. (1è ch.), 31 mai 1996, A&M, 1996/3, p. 362, obs. F. Jongen; J.T., 1996, p. 597 avec conclusions du Ministère public; “De regel van de getrapte verantwoordelijkheid: van de 19de naar de 21ste eeuw?”, R.A.H.C., 1996, p. 385.
Civ. Nivelles, 6 janvier 1998, Lavry c. CADEV, A&M, 1998/2, p. 154.
Civ. Namur (1è ch.), 17 novembre 1997, L. et csts c. Vers l’Avenir; J.T., 1998, p. 187; J.L.M.B., 1998, p. 781, avec obs. A. Strowel, “Liberté de rappeler des faits contre droit au silence: les contretemps de la presse”; A&M, 1998/3, p. 269. Civ. Bxl (14è ch.), 10 mars 1998, LBS c. IPM, A&M, 1998/4, p. 377.
Civ. Bxl (14è ch.), 10 mars 1998, LBS c. IPM, A&M, 1998/4, p. 377.
Civ. Liège, 30 juin 1997, Gilot c. Balthasart et Le Vif Magazine, JLMB, 1998, p. 9.
Bxl. (9è), 5 février 1999, Brewaeys c. Doutrewe, Journ. Proc., 19 mars 1999, n° 367, p.26, obs. F. Jongen “Le retour du symbolisme?” et A&M, 1999/2, p. 274, obs. F. Ringelheim.
V. en ce sens M. Hanotiau, “La responsabilité en cascade en matière civile”, R.C.J.B., 1998/3, p. 383, et Civ. Bxl (14è ch.), Duterme c. Bouffioux et Van Heeswyck, A&M, 2000/1-2, p. 113.
Civ. Bxl (14è ch.), 23 juin 1998, Vander Elst c. IPM, Deliège et Petit, J.T., 1999, p. 196 ; A&M, 2000/1-2, p. 96.
Civ. Bxl (14è ch.), 24 novembre 1998, CCF c. Test-Achats, inédit.
Civ. Bxl (14è ch.), 10 mars 1998, LBS c. IPM, A&M, 1998/4, p. 377.
Civ. Liège, 27 mai 1998, X. C. Deliège et Rossel, JLMB, 1998, p. 1125.
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Cass., 29 juin 2000, A&M, 200/4, p. 443, obs. E. Brewaeys ; Journ. Proc., 2000, n° 398, p. 24, obs. F. Tulkens et A. Strowel.
Civ. Bxl (14è ch.), 23 décembre 1999, A&M, 2000/1-2, p. 138.
Loi du 30 décembre 1963 relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel, M.B., 14 janvier 1964.
Arrêté royal du 16 octobre 1991 réglant l’organisation et le fonctionnement des commissions d’agréation et d’appel ainsi que la procédure à suivre pour l’introduction et l’examen des demandes tendant à l’obtention du titre de journaliste professionnel, M.B., 17 avril 1992.
Arrêté royal du 12 avril 1965 instituant des documents et insignes d’identification à l’usage des journalistes professionnels et des entreprises de presse, M.B., 21 mai 1965.
Arrêté royal du 12 avril 1965 instituant des documents et insignes d’identification à l’usage des membres de la presse périodique d’information spécialisée, M.B., 21 mai 1965.
C.E.D.H., 27 mars 1996, Goodwin c. Royaume-Uni.
C.E.D.H., 20 janvier 1999, Fressoz et Roire c. France.
C.E.D.H., 15 juillet 2003, Ernst et csts c. Belgique.
C.E.D.H., Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994.
C.E.D.H., 2 mai 2000, Bergens Tidende et autres c. Norvège. Dans le même sens, C.E.D.H., 29 mars 2001, Thoma c. Luxembourg.
C.E.D.H., 16 mars 2000, Ozgür Gündem c. Turquie.
C.E.D.H., 15 juin 2000, Erdogdu c. Turquie.
Loi du 19 juillet 1979 tendant à maintenir la diversité dans la presse quotidienne d’opinion, M.B., 26 juillet 1979.
Arrêté de l’Exécutif de la Communauté française du 24 décembre 1991 fixant les modalités de la répartition des revenus en provenance de la publicité commerciale au profit de la presse écrite, M.B., 10 avril 1992.
Bxl, 31 janvier 2001, J.L.M.B., 2001/20, p. 851.
V. notamment J.L.M.B., 2002/42, avec note G. Rosoux.
V. notamment J.L.M.B., 2003/27, avec note G. Rosoux.
M.B., 13 mai 2004, 2è éd.
Loi du 30 juillet 1979 relative aux radiocommunications, M.B., 30 août 1979.
Loi du 11 avril 1936 permettant au gouvernement d’interdire l’entrée en Belgique de certaines publications étrangères, M.B., 18 mai 1936.
J.L. Stryckmans, « Considérations sur la loi du 11 avril 1936 permettant au gouvernement d’interdire l’entrée en Belgique de publications étrangères obscènes », J.T., 1958, pp. 541-546 ; v. aussi Hoebeke et Mouffe, Le droit de la presse, Academia Bruylant, 2000, pp. 369-372.
« Les poursuite basées sur l’article 383 du Codée pénal sont, en effet, de la compétence des cours d’assises du moment qu’elles visent un délit de presse, c’est-à-dire du moment qu’elles concernent la diffusion d’écrits imprimés ou reproduits suivant un procédé analogue à l’imprimerie, que cette diffusion est l’objet même du délit et que ces écrits imprimés contiennent l’expression d’une pensée, d’une opinion ou d’un sentiment dont le caractère culpeux doit être apprécié par le juge. (…) Les poursuites basées sur la loi du 11 avril 1936 et sur les arrêtés royaux pris pour son exécution ne concernent par contre jamais des délits de presse, puisque les pensées, les opinions ou les sentiments exprimées dans les publications atteintes ne doivent point être appréciés par le juge. » (J.L. Stryckmans, op.cit., p. 541).
Police Hebdo, Beauté Magazine, Almanach de l’humour, Lingeries libertines, Amour et luxure, Fantasio…
Paris Minuit, Allo Paris, Paris-Tabou, Paris-Hollywood, Paris-Cocktail, Vertiges de Paris, Paris Sex-Appeal, Mon Paris, La vie parisienne, Vive Paris, sans oublier Pigalle et Minuit Pigalle
Das Ronke Magazin, Neues Magazin ou le très prometteur Neue Wiener Melange.
Mon. b., 25-26 janvier 1954, p. 439.
Pol. Liège, 19 novembre 1996, Journ. Proc., n° 318, 10.1.1997, p. 29, obs. J.M. Dermagne.
Rapport fait au nom de la section centrale par le député Pierard, Doc. Parl., Ch, Sess. 1919-1920, n° 171, p.62.
« Il y a toute une littérature du cinéma qu’on peut appeler l’Ecole du crime, une ample série de films projetés surtout dans les quartiers populaires et qui sont une excitation perpétuelle au crime, au brigandage, au vol à main armée, aux entreprises scélérates les plus savamment préparées. Ce sont ces aventures de bandits ou de détectives, même si elles se terminent par le triomphe du juste ou du gendarme, ce sont ces sous-« Fantômas », ces ersatz-« Judex », ces « Ultus » et ces « Zigomars » de tout acabit, plus encore que certaines histoires vulgairement sensuelles que, croyons-nous, le projet de loi veut atteindre. » Idem, p. 62.
« D’autre part, si ce spectacle se donne dans l’obscurité, si ces enfants se trouvent à côté de couples qui profitent de cette obscurité, les résultats seront plus mauvais encore, (…) Je demande pardon à la Chambre de lui faire ces quelques lectures, mais c’est le nœud même de la question. (…) Dans un faubourg populeux, un très grand vaisseau pouvant contenir 800 personnes, vaste parterre entouré de loges pour quatre à six personnes. Dimanche après-midi, à 2 heures et demie. La salle est remplie d’enfants de 3 à 16 ans et de quelques grandes personnes perdues dans cette foule grouillante. On évalue à un millier le nombre des enfants. Les petits partagent une chaise à deux. Les plus grands ont parfois un petit sur les genoux. Dans les loges, beaucoup de couples … de 16 à 25 ans. Dans la loge que nous occupons, un jeune gamin de 16 ans enlace une femme de 20 à 22 ans … l’embrasse…, ils se tiennent bouche à bouche… » Je ne continue pas la citation par respect pour la Chambre. » (extrait de l’intervention du ministre de la Justice, Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 25 mars 1920, p. 776).
Opposé à la loi, L.E. Troclet répondra notamment : « La lumière qui est faite subitement, sans que les spectateurs s’y attendent, constitue déjà un excellent frein pour ceux qui voudraient se laisser entraîner à des actes répréhensibles. L’obscurité n’est d’ailleurs pas complète dans les salles cinématographiques, et on pourrait demander que l’on y fasse un peu plus de lumière. » (Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 26 mars 1920, p. 788).
« Erreur ! Vous frapperez le cinéma et pas le théâtre ? Est-ce logique ? Je ne suis pas un puritain et je dois dire qu’il m’arrive parfois de voir des spectacles autrement dangereux pour les mœurs qu’un film cinématographique. Actuellement, on peut assister à Bruxelles à des représentations où sont alignées 65 femmes dont les vêtements sont très hauts par en bas et très bas par en haut. Ce spectacle n’est pas interdit aux enfants … (…) Le père de famille ne pourra plus y conduire son enfant jusqu’à l’âge de 16 ans : mais il pourra le conduire au théâtre ; or, le cinéma, c’est tout simplement le théâtre en cinématographie ! Le père de famille pourra conduire également son enfant au café concert, où il entendra des chansons grivoises ou de mauvais goût. (…) Il conduira son enfant dans les cafés et les dancings où l’on danse le fox-trot et le two-steps d’une façon indécente : mais il ne pourra pas le conduire au cinéma ! (…) Si on veut entrer dans cette voie, qu’on supprime alors aussi le roman et qu’on introduise franchement la censure.» (Intervention de C. Lemonnier, Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 25 mars 1920, pp. 775-776.
« Le cinéma est un puissant moyen d’éducation. Que faisait autrefois l’ouvrier ? Il allait tout seul au cabaret, tandis que les enfants couraient la rue et que la femme était retenue comme une esclave au foyer. Qu’a fait le cinéma ? Il a arraché le père au cabaret ; aujourd’hui, avec sa femme et ses enfants, il fréquente les salles de spectacle cinématographique ; on peut donc déduire que cette merveilleuse invention fut un des plus grands ennemis de l’alcoolisme et a contribué à la défense de la famille. (…) Malgré les défauts que vous lui attribuez, le cinéma offre à la classe ouvrière beaucoup de choses qui contribuent à son éducation (…) : ici c’est un exemple de politesse d’un commissaire se présentant dans tel ou tel endroit ; là, un exemple d’amour filial, de tendresse maternelle et, à côté de tout cela, le fils de l’ouvrier y voir des villes étrangères, des colonies, la pleine mer, des paysages merveilleux, des intérieurs remarquables. (…) Ce sont des leçons de choses, des leçons de géographie, bien utiles pour des ouvriers qui ne peuvent trouver cet avantage ailleurs. » (Intervention de L.E . Troclet, Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 26 mars 1920, pp. 788-789).
Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 25 mars 1920, p. 776.
(Anciennement article 19) : « Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable. »
« Nous avons horreur de la censure ; or, ce projet est non seulement un pas vers la censure, mais la consécration de la censure. Demain, le cinéma deviendra chez nous ce qu’il est déjà dans certains pays ; il contribuera à la diffusion des idées et constituera un moyen de propagande. (…) eh bien demain, pour défendre nos idées, nous recourrons au cinéma. Et vous voudriez que ces représentations fussent soumises à une censure ? mais, messieurs, le cinéma, c’est probablement la presse de demain et, sous prétexte de lutter contre la voue des drames policiers, voudriez-vous organiser la censure pour la presse de demain ? » (Intervention de J. Mathieu, Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 26 mars 1920, p. 794).
Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 25 mars 1920, p. 776. Le raisonnement pourrait assurément s’appliquer aujourd’hui mutatis mutandis à la radio et à la télévision.
« Eh bien, messieurs, je voterai le projet de loi soumis à nos délibérations, peut-être sans enthousiasme, parce que, dans une certaine mesure, il rétablit tout de même la censure ; c’est une censure extrêmement mitigée, il est vrai. Mais si vous êtes d’avis qu’il y a lieu d’intervenir et si vous ne votez pas le projet de loi du gouvernement, eh bien, vous devrez recourir à l’établissement de la censure générale. » (Intervention de M. Piérard, Ann. Parl. Ch., Sess. 1919-1920, Séance du 26 mars 1920, p. 786).
Mon. B., 18 février 1921, p. 1251. L’arrêté a été ensuite remplacé par un arrêté royal du 27 avril 1969, lui-même modifié par des arrêts royaux des 26 novembre 1946, 28 mai et 4 décembre 1947 et 29 juillet 1957.
Accord de coopération du 27 décembre 1990 entre la Communauté française, la Communauté flamande, la Commission communautaire commune de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone portant création, composition et règlement de fonctionnement de la Commission intercommunautaire de contrôle des films, Mon.b., 20 avril 1990, modifié par l’accord de coopération du 3 octobre 2001, Mon. B., 7 décembre 2001.
Annexe à l’accord de coopération modificatif du 3 octobre 2001, précité.
C.E. (III), 12 juin 1992, WEA Records, Journ. Proc., 18 septembre 1992, p. 24, obs. P. Lambert. Il s’agissait du film « Batman », classé Enfants admis en première instance et Enfants non admis en appel. Relevant que le président de la Commission avait interjeté appel avant de siéger dans la section d’appel, le Conseil d’Etat annula la décision de la section d’appel au motif que l’impartialité du président « et partant celle de la commission au sein de laquelle il a voix prépondérante, est susceptible d’être raisonnablement suspectée, au moins en apparence ».
C.E. (XIII), 13 juin 2001, n° 96.445, Cineart, Renders et Blasband. Il s’agissait du film « Thomas est amoureux», classé Enfants non admis tant en première instance qu’ en appel.
« La « censure » des films en Belgique », J.T ., 1970, pp. 505-509.
Rapport « Pour un spectateur conscient », septembre 2001.
Pour des exemples, v. S.P. De Coster, « La protection des enfants dans la société de l’image : kaléidoscope de normes juridiques et déontologiques » in L’enfant, l’adolescent et le monde des images, Groupement belge des pédiatres de langue française, Actes du colloque du 10 novembre 2001, pp. 57-92.
V. notamment M. Van Mechelen, « Le contrôle des films en Belgique », Guide des Médias, Kluwer, 1993 et S.P. De Coster, op.cit..
La dernière semblant être la proposition de MM. Moriau et Mayeur relative au contrôle des films pouvant être vus par les moins de seize ans, Doc. Parl., Ch., Sess. 1999-2000, 14 oct. 1999, 0158/001.
C.E., 18 novembre 2004, 137.262, Cinéart et csts. A paraître dans Journal des Procès, 492, 17 décembre 2004.
Loi du 13 juillet 1987 relative aux redevances radio et télévision, M.B., 12 août 1987.
Sur cette question, v. P. Demoitié, « La taxe communale sur la détention des antennes paraboliques (cas particulier de la Région wallonne) », A&M, 2001/3, p. 329.
C.J.C.E., 29 novembre 2001, De Coster.
Loi du 25 mars 1891 portant répression de la provocation à commettre des crimes ou des délits, M.B., 26 mars 1891, modifiée par la loi du 28 juillet 1934 (M.B., 2 août 1934).
Arrêté royal du 19 juillet 1926 déterminant les mesures destinées à réprimer les avis ou informations de nature à ébranler le crédit de l’Etat, M.B., 19 juillet 1926, modifié par A.R. n° 36 du 3 décembre 1934, M.B., 3 décembre 1934.
Arrêté-Loi du 30 avril 1940 relatif à la défense et à la sécurité du pays, M.B., 3 mai 1940.
Loi du 6 avril 1847 qui apporte des modifications au décret du 20 juillet 1831 et au Code d’instruction criminelle, M.B., 8 avril 1847, modifiée par les lois des 20 décembre 18521 (M.B., 21 décembre 1852) et 10 octobre 1867 (M.B., 31 octobre 1867).
C.E.D.H., 1er juillet 1997, Oberschlick c. Autriche.
C.E.D.H., 28 septembre 2000, Lopes Gomes da Silva c. Portugal.
C.E.D.H., 23 avril 1992, Castells c. Espagne.
C.E D.H., 27 février 2001, Jerusalem c. Autriche.
C.E.D.H., 26 avril 1995, Prager et Oberschlick c. Autriche.
C.E.D.H., 24 février 1997, De Haes et Gijsels c. Belgique.
C.E.D.H., 25 juillet 2001, Perna c. Italie. Egalement publié au Journal des Procès, novembre 2001.
C.E.D.H., 6 mai 2003, Perna c. Italie.
Loi du 20 décembre 1852 relative à la répression des offenses envers les chefs des gouvernements étrangers, M.B., 21 décembre 1852, modifiée par la loi du 12 mars 1858, M.B., 14 mars 1858.
Loi du 12 mars 1858 portant révision du second livre du Code pénal en ce qui concerne les crimes et délits qui portent atteinte aux relations internationales, M.B., 14 mars 1858, modifiée par la loi du 9 avril 1930, M.B., 11 mai 1930.
Inédit. V. dans le même sens Bruxelles (11è), 24 avril 1991, J.T., 1992, p. 15.
C.E.D.H., 20 septembre 1994, Otto-Preminger Institut c. Autriche.
C.E.D.H., 25 novembre 1996, Wingrove.
Civ. Bxl (14è ch.), 16 novembre1997, Di Luciano c. Vandemoorteel et RTBF, A&M, 1998/2, p. 153.
Civ. Bxl (14è ch.), 30 mars 1999, CIPAF et csts c. Rossel et csts, inédit.
“Les faits sont là et Gérard Vanesse ne saurait sérieusement les contester” ; ”Il n’en informa personne. Son témoignage aurait pourtant peut-être pu empêcher l’enlèvement des petites filles”: Civ. Nivelles, 11 septembre 1997, Vanesse c. Créteur, A&M, 1998/2, p. 157.
Civ. Charleroi, 9 décembre 1998, Kindermans et Desmedt c. Hurbain et Rossel, J.L.M.B.,1999/21, p. 923 (somm.); A&M, 2000/1-2, p. 145.
Civ. Bxl (14è ch.), 23 juin 1998, Vander Elst c. IPM, Deliège et Petit, J.T., 1999, p. 196 ; A&M, 2000/1-2, p. 96.
Civ. Bxl (14è ch.), 23 juin 1998, Duterme c. Bouffioux, Van Heeswyck et Mediaxis, A&M, 2000/1-2, p. 113.
Civ. Bxl (14è ch.), 16 novembre 1999, De Baets et csts c. Brewaeys et Deliège , A&M, 2000/1-2, p. 117.
S. P. De Coster, « Les jugements Bouffioux-Van Heeswyck et Brewaeys-Deliège », A&M, 2000/1-2, p. 125.
Civ. Liège (7è ch.), 15 décembre 1999, Martin et csts c. Hachette Filipacchi et csts., A&M, 2000/1-2, p. 160.
C.E.D.H., Oberschlick (II) c. Autriche, 1er juillet 1997, A&M, 1997/3, p. 302 (résumé).
V. à ce sujet, et notamment sur les attitudes respectives de la jurisprudence française et de la jurisprudence belge, M. Isgour, « La satire : réflexions sur le droit à l’humour » », A&M, 2000/1-2, pp. 59-68.
Civ. Bxl (14è ch.), 30 mars1999, De Baets c. Jourdain, inédit.
Civ. Bxl (14è ch.), 30 mars1999, Bille c. Jourdain, A&M, 2000/1-2, p. 102.
Civ. Bxl (14è ch.), 4 mai1999, Levaux c. Jourdain, A&M, 2000/1-2, p. 106.
Civ. Bxl (14è ch.), 21 mars 2000, Francq-Hermanus et Hermanus c. De Meulenaer et Werrie, inédit.
Civ. Bxl (14è ch.), 21 mars 2000, Reisinger c. Ferroni, inédit.
Civ. Bxl (14è ch.), 16 décembre 1997, Doutrewe c. Brewaeys; Journal des Procès, 1998, n° 341, p. 24 avec note F. Jongen “Responsabilité de la presse: la fin du symbolisme?”; J.L.M.B., 1998, p.204; A&M, 1998/3, p. 260.
Civ. Bxl (réf.), 30 janvier 1997, Doutrewe c. Leempoel; J.L.M.B., 1197, p. 317. Rendue sur requête unilatérale, cette ordonnance fut confirmée sur tierce opposition (Civ. Bxl (réf.), 5 février 1997, Doutrewe c. Leempoel et Editions Ciné-Revue; J.L.M.B., 1997, p. 317; A&M, 1997/2, p. 200, avec note M. Hanotiau) puis en appel (Bxl (réf.), 8 mai 1998, Leempoel et Editions Ciné-Revue; J.L.M.B., 1998, p.1046).
Civ. Bxl (14è ch.), 23 mars1999, Doutrewe c. Moniquet, inédit.
Civ. Bxl (14è ch.), 30 juin 1997, L. et csts c. RTBF; J.T., 1997, p. 710; A&M, 1998/3, p. 264. Cette décision est définitive.
Civ. Namur (1è ch.), 17 novembre 1997, L. et csts c. Vers l’Avenir; J.T., 1998, p. 187; J.L.M.B., 1998, p. 781, avec obs. A. Strowel, “Liberté de rappeler des faits contre droit au silence: les contretemps de la presse”; A&M, 1998/3, p. 269. Cette décision est frappée d’appel.
C.E.D.H., 3 octobre 2000, du Roy et Malaurie c. France.
C.E.D.H., 11 janvier 2000, News Verlags GmbH c. Autriche.
C.E.D.H., 27 juin 2000, Constantinescu c. Roumanie.
Civ. Bxl (14è ch.), 30 mars1999, De Baets c. Jourdain, inédit.
Civ. Liège, 27 mai 1998, X. C. Deliège et Rossel, JLMB, 1998, p. 1125.
Civ. Bxl (14è ch.), 23 mars1999, Doutrewe c. Moniquet, inédit, et Civ. Bxl (14è ch.), 23 mars1999, Doutrewe c. Bouffioux , inédit.
V., dans le même sens, Civ. Bxl (14è ch.), 23 mars1999, Doutrewe c. Bouffioux, inédit.
Bruxelles (2è ch.), 3 décembre 1997, La Lanterne c. Terwagne; A&M, 1998/3, p. 255, avec note D. Voorhoof, “Rechtbankverslaggeving en “namen noemen”“.
Civ. Liège, 30 juin 1997, Gilot c. Balthasart et Le Vif Magazine, JLMB, 1998, p. 9.
Cass., 22 février 1983, Pas., 1983, I, p. 707.
Corr. (Bxl), 25 février 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1218.
Bruxelles (8e ch.), 30 mai 1996, A&M, 1997/1, p. 79.
Bruxelles (8e ch.), 30 mai 1996, A&M, 1997/1, p. 79.
Civ. Bxl. (réf.), 14 février 1996, A&M, 1996/3, p. 337, obs. F. J.
Bxl (prés.), 17 mars 1982, J.T., 1983, p. 154.
Contra, M. Hanotiau, op. cit., pp 195 et svtes.
Comparez notamment Civ. Bxl (prés.), 19 mai 1982, J.T., 1983, p. 152, obs G. Leroy et Corr. Bxl. (45è ch.), A&M, 1996/3, p. 336, obs. F.J.
Corr. Bxl (45è ch.), 24 juin 1996, inédit.
Bruxelles (11è ch.), 30 octobre 1996, inédit.
Civ. Liège (réf.), 19 décembre 1989, J.L.M.B., 1990/12, p. 414, obs. F. Jongen; dans le même sens, Civ. liège (réf.), 20 novembre 1990, Multi-Cards Service c. De Wasch, inédit.
V. notamment Civ. Bxl. (réf.), 14 février 1996, A&M, 1996/3, p. 337, obs. F. J.
Civ. Charleroi (réf.), 24 déc. 1993, Chartair Aviation c. Valentin, inédit.
Bruxelles (8è ch.), 30 mai 1996, A&M, 1997/1, p. 79.
Comm. Bxl. (réf.), 6 janvier 1995, Sabena c. De Morgen, inédit.
Comm. Bxl. (réf.), 6 mars 1995, De Morgen c. Sabena, Mediaforum, 1995/4, p. B55; lire également D. Voorhoof, “Recht tot antwoord en persvrijheid: het evenwicht verstoord?”, Mediaforum, 1995/4, p. 46.
V. notamment F. Jongen, “La responsabilité pénale et civile de la presse”, Journal des Procès, 1991/196, pp.11-13; Henri-D. Bosly, “Les relations entre la justice et la presse. Aspects de droit pénal et de droit de la procédure pénale” in Justice & Médias. Trois avis préliminaires à la demande du Ministre de la Justice,1995; D. Voorhoof, “De relatie media en justitie vanuit het perspectief van de persvrijheid en de vrijheid van expressie en informatie”, idem; B. Dejemeppe, “La responsabilité pénale” in Prévention et réparation des préjudices causés par les médias, s.l.d. de A. Strowel et F. Tulkens, Larcier, 1998, pp.137- 145.
Les mots “à l’exception des délits de presse inspirés par le racisme ou la xénophobie” ont été ajoutés à la fin du texte (Mon. b., 29 mai 1999).
Bruxelles (11è ch.), 25 mai 1993, J.T., 1994, p. 104, obs. F. Jongen.
Sur cet arrêt, v. F. Jongen, “Un délit de presse devant la Cour d’assises”, J.L.M.B., 1994, p. 520.
Les déclarations de révision de la Constitution de 1965 (Mon. b., 17 avril 1965) et 1968 (Mon. b., 2 mars 1968) avaient bien prévu de modifier l’article 98 (devenu depuis 150) pour soustraire les délits de presse à la compétence du jury, mais les constituants mis en place ne firent pas usage de cette faculté.
Tout au contraire, les déclarations ultérieures de 1978 (Mon. b., 15 novembre 1978), 1981 (Mon. b., 6 octobre 1981), 1987 (Mon. b., 9 novembre 1987) et 1991 (Mon b., 18 octobre 1991) ne soumirent le même article 98 à révision que dans le but d’élargir la notion de délit de presse à l’audiovisuel, faculté dont il ne fut pas plus fait usage.
Ph. Leruth, président de l’A.G.J.P.B., cité in “Ecrits racistes: le front politique fait face”, La Libre Belgique, 14 janvier 1999.
Doc. Ch., 1998-1999, 1936/1, p. 4.
Programme du gouvernement fédéral, D.P., Ch., S.E. 1995, p. 47.
Civ. Bxl (14è ch.), 23 juin 1998, Vander Elst c. IPM, Deliège et Petit, J.T., 1999, p. 196 ; A&M, 2000/1-2, p. 96.
Civ. Nivelles, 11 septembre 1997, Vanesse c. Créteur, A&M, 1998/2, p. 157.
Civ. Charleroi, 9 décembre 1998, Kindermans et Desmedt c. Hurbain et Rossel, JLMB, 1999/21, p. 923 (somm.) ; A&M, 2000/1-2, p. 145.
Civ. Nivelles, 11 septembre 1997, Vanesse c. Créteur, A&M, 1998/2, p. 157.
Civ. Charleroi, 9 décembre 1998, Kindermans et Desmedt c. Hurbain et Rossel, JLMB, 1999/21, p. 923 (somm.) ; A&M, 2000/1-2, p. 145.
Civ. Namur (1è ch.), 17 novembre 1997, L. et csts c. Vers l’Avenir; J.T., 1998, p. 187; J.L.M.B., 1998, p. 781, avec obs. A. Strowel, “Liberté de rappeler des faits contre droit au silence: les contretemps de la presse”; A&M, 1998/3, p. 269. Cette décision est frappée d’appel.
Civ. Liège (6è ch.), 21 septembre 1999, Brose c. Deliège et csts., Journal des procès, 384, 7 janvier 2000, p. 29 ; A&M, 2000/1-2, p. 155, obs F. Jongen.
Civ. Liège (7è ch.), 15 décembre 1999, Martin et csts c. Hachette Filipacchi et csts., A&M, 2000/1-2, p. 160.
V. par exemple Civ. Bxl (14è ch.), 9 juin 1998, Hitimana c. Belga et Rossel, J.L.M.B., 1999/21, p. 909.
V. à cet égard F. Jongen, “Le journaliste et la précarité”, J.L.M.B., 1999/21, p. 913.
Civ. Liège, 24 juin 1997, Pierre c. Brewaeys, A&M, 1997/3, p. 319.
V. par exemple Civ. Liège (6è ch.), 21 septembre 1999, Brose c. Deliège et csts., Journal des procès, 384, 7 janvier 2000, p. 29 ; A&M, 2000/1-2, p. 155, obs F. Jongen.
V. par exemple Civ. Bxl (14è ch.), 23 juin 1998, Vander Elst c. IPM, Deliège et Petit, J.T., 1999, p. 196 ; A&M, 2000/1-2, p. 96.
Bxl. (9è), 5 février 1999, Brewaeys c. Doutrewe, Journ. Proc., 19 mars 1999, n° 367, p.26, obs. F. Jongen “Le retour du symbolisme?” et A&M, 1999/2, p. 274, obs. F. Ringelheim. Cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Civ. Bxl (14è ch.), 16 novembre 1999, Ottati c. Catania, A&M 2000/1-2, p. 132.
Civ. Bxl (14è ch.), 16 novembre 1999, De Baets et csts c. Brewaeys et Deliège , A&M, 2000/1-2, p. 117.
Civ. Liège (6è ch.), 21 septembre 1999, Brose c. Deliège et csts., Journal des procès, 384, 7 janvier 2000, p. 29 ; A&M, 2000/1-2, p. 155, obs F. Jongen.
Civ. Nivelles, 11 septembre 1997, Vanesse c. Créteur, A&M, 1998/2, p. 157.
Civ. Bxl (14è ch.), SDRB c. Flam et csts, Journal des procès, n° 381, 26 novembre 1999, p. 25, obs. F. Jongen.
Civ. Anvers, 22 septembre 1997, Demeester c. Keysers, A&M, 1997/4, p. 407.
Civ. Charleroi, 9 décembre 1998, Kindermans et Desmedt c. Hurbain et Rossel, JLMB, 1999/21, p. 923 (somm.) ; A&M, 2000/1-2, p. 145.
Civ. Nivelles, 11 septembre 1997, Vanesse c. Créteur, A&M, 1998/2, p. 157.
Dans ce sens, l'article 17 du règlement d’ordre intérieur relatif au traitement de l’information et à la déontologie du personnel, adopté le 19 janvier 1998 par le conseil d’administration de la RTBF, prescrit: "L'esprit d’objectivité requiert une information multilatérale en vue de servir la connaissance du réel et la recherche de la vérité. Aucune matière n'est exclue du champ de l'information simplement en raison de sa nature."
L'article 9 du règlement d'ordre intérieur de TVi (Doc. C.C.F., 19881989, 47/1, Annexe 2) prescrit: "TVi déclare que les limites du Droit le plus large à l'Information ne peuvent heurter celles du respect des Droits individuels, tel le droit à la protection de la vie privée et le droit de chacun sur sa propre image."
D.P., Chambre, 19591960, 439/4, p. 12.
L'article 20 du règlement de la RTBF du 19 janvier 1998 énonce: "Une représentation équilibrée, à l'antenne, des différentes tendances et mouvements d'opinion constitue un des fondements de l’objectivité. Cet équilibre ne doit pas nécessairement s'établir à l'intérieur de chaque émission, mais il peut au besoin ressortir soit d'une série d'émissions, soit de l'ensemble de l'information au cours d'un certain laps de temps. Les journalistes doivent tenir compte du poids relatif des opinions, de leur intérêt journalistique ou de leur signification éventuelle. S’ils se trouvent dans l’impossibilité de recueillir un avis significatif ou si un interlocuteur se refuse à tout commentaire, cela doit être explicitement signalé à l’antenne."
L'article 19 du règlement de la RTBF du 19 janvier 1998 prescrit: "L'esprit d’objectivité implique que le journaliste fasse preuve de compétence, de sens critique, de précision dans le vocabulaire, de clarté dans l’exposé, d’exactitude tant par fidélité à la réalité des faits que dans la communication sous toutes ses formes, d’honnêteté sans déformation visant à justifier une conclusion particulière ou partisane et d’équité par le reflet impartial de points de vue significatifs.”
L'alinéa 3 de l'article 4 du règlement d'ordre intérieur de TVi précise dans ce sens quoique avec une rédaction quelque peu maladroite que "les sources qui n'auront pu être recoupées seront obligatoirement mentionnées". L'article 30 du règlement de la RTBF prévoit: "Les émissions d'information doivent résulter d'une analyse sérieuse et contradictoire de toutes les sources dont on dispose. Le journaliste s'attachera non seulement à ne négliger aucune source, mais à rechercher celles qui peuvent lui manquer.” L’article 31 ajoute: “La source est citée chaque fois qu'une nouvelle n'est pas recoupée ou qu'elle est susceptible, par ses répercussions, d'engager la responsabilité morale ou juridique de la RTBF. Au cas où une source unique n’offre pas de crédibilité suffisante, le journaliste ne diffusera cette information que lorsqu’elle a été recoupée. La seule citation de cette source ne protégerait pas la RTBF. "
"Les membres de la rédaction, qu'ils soient ou non affiliés à un parti, veilleront particulièrement à ce qu'ils ne puissent être soupçonnés de partialité dans le traitement de l'information. A cet égard, ils s'imposent la plus grande réserve." (Art. 6 du règlement d'ordre intérieur de TVi).
Article 11 du règlement de la RTBF du 19 janvier 1998.
C.E., (IV), Buyle, n° 24.667, 21 septembre 1984, J.T., 1985, p. 41.
L'auditeur avait conclu en sens contraire, considérant que l'absence de références précises aux points de vue cités par le journaliste ne pouvait faire croire qu'il s'agissait de ses conceptions personnelles ou d'opinions qu'il partageait. Et l'auditeur de souligner: "Il y a en outre incontestablement lieu d'admettre la conception du requérant selon laquelle d'autres méthodes doivent être appliquées en vue d'apprécier l'obligation d'objectivité lorsqu'il s'agit d'une interview que lorsqu'il s'agit de la présentation d'un texte unilatéral. La technique de l'interview avec questions et réponses contribue incontestablement à l'information objective de l'auditeur.