Ce premier plan contraste avec celui de l’enfant et du drapeau américain triomphant dans d’autres films, comme le début de Windtalkers ou de Buffalo Soldiers. Ici, l’ambiance est sombre, l’homme désenchanté, les drapeaux largués comme de simples bouts de chiffons. Au fait, le héros de The Last Samouraï représente l’américain désabusé, celui qui remet en question le massacre des indiens et fait son mea-culpa en quelque sorte. L’importance de ce plan est qu’il permet de comprendre la suite, une véritable mise en situation dans laquelle le travelling joue un rôle important, celui d’être le déclencheur, l’élément provocateur qui incitera à l’action. En effet, le travelling, en introduisant le personnage dans toutes ses facettes à travers ce qui l’entoure et s’achevant brutalement, sans la pause finale habituelle pour ce type de mouvement, semble incomplet, inachevé. Il n’a pas une existence en soi, il doit trouver son aboutissement, se compléter et s’achever. Il trouvera son prolongement dans un plan à la fin du film, le sixième en comptant à l’envers à partir du dernier plan du film : dans la scène finale, onirique et du domaine de l’imaginaire, le héros retrouve la campagne japonaise et la femme aimée. Un travelling suit le personnage qui arrive au village, dans un mouvement qui commence aussi brusquement que s’était arrêté celui du premier plan post générique début. Cependant, tout diffère dans ce plan : l’extérieur ensoleillé remplace l’intérieur ténébreux, l’harmonie de la nature contraste avec le chaos des caisses et meubles. Nathan Algren n’est plus un homme déchanté et alcoolique mais un valeureux combattant qui prend sa retraite dignement.
L’histoire qui s’est déroulé entre ces deux travellings à permis ces transformations, ce passage d’un monde à un autre, de l’Amérique au Japon. Alors que le panoramique dans Windtalkers conditionnait dans un sens valorisant le drapeau Américain et l’assimilation totale des indiens et que le gros plan de Buffalo Soldiers réussissait à protéger l’Amérique de ses ennemis intérieurs, le travelling dans The Last Samouraï contribue à remettre en question cette même idée. L’identification entre les indiens et les japonais se fait dans les deux films mais diverge dans son sens et dans sa signification : Alors qu’elle part du principe d'intégration de l’ennemi après sa défaite dans le premier film, elle prend une dimension rédemptrice, d’expiation d’une faute, d’un crime contre un peuple. Le drapeau américain n’a plus d’existence à la fin de The Last Samouraï, l’américain se japonise en gardant le sabre du samouraï qu’il a défendu.
Rappelant le film Dances With Wolves (1990) de Kevin Costner, The Last Samouraï démontre les aptitudes de Hollywood à générer des courants et des idées différentes, qui parfois s’opposent. Cependant, l’Américain demeure une référence et un modèle malgré toutes les divergences de point de vue qui peuvent exister, que ce soit l’indien qui devient un authentique américain patriotique lorsqu’il décide de combattre, ou l’américain valeureux qui adhère à un nouveau monde, en l’occurrence le Japon, tout en imposant et honorant les valeurs américaines, tuant celui qui trahit ces valeurs, qu’il soit américain ou autre. En général, la séquence d’introduction permet d’identifier l’espace, le temps et le contexte historique, introduisant l’intrigue qui sera développé dans le film, mettant en place les éléments premiers du conflit. Parfois sans personnage, comme dans Independance Day ou Godzilla, d’autres fois introduisant celui qui sera le héros, elle a pour mission de mettre confronter le spectateur à l’histoire du film et de l’orienter suivant certains principes de bases, en fonction de repères idéologiques plus ou moins clairs.
Dances With Wolves, première réalisation de K. Costner, relate l’histoire d’un jeune soldat rescapé de la guerre civile américaine qui se lie d’amitié avec une tribu indienne Sioux au point d’en devenir un de ces membres. Ce film obtiendra plusieurs Oscars.
Cela est notamment le cas dans un grand nombre de films policiers ou d’espionnage dans lesquels le « méchant » est souvent un membre de la police, du FBI ou de la CIA, corrompu et surtout solitaire, essayant de profiter de sa position pour acquérir plus de puissance et de pouvoir. Ainsi, l’organisme que ce méchant représente en sort indemne, revalorisé et innocenté par ricochet.
Cela n’est en aucune façon restrictif à la période étudiée dans cet essai. Le cinéma américain a depuis ses débuts considéré la phase « introduction » comme une sorte de conditionnement, transposant le spectateur du monde réel dans lequel il vit au monde diégétique créé par l’œuvre cinématographique. Ainsi, Casablanca de Michael Curtiz, réalisé en 1943, ne déroge pas à cette règle : La première séquence est tournée sur le mode documentaire, un narrateur extra – diégétique annonçant que Casablanca est devenu un refuge paradisiaque pour tous ceux qui fuient l’Europe pour les Etats-Unis, affirmant “here the fortunate ones, through money or influence or luck, might obtain exit visas and scurry to Lisbon and from Lisbon to the new world. But the others wait in Casablanca and wait and wait and wait…”. Cette introduction permet d’identifier le contexte historique, de préparer aux événements qui vont avoir lieu, de suspendre le temps réel au profit du temps diégétique. La carte visuelle permet d’identifier le lieu, inconnu pour certains, et fonctionne comme transition avec la fiction. En effet, après un arrêt sur le nom Casablanca, un cut permet le passage à l’univers propre au film, un bar, dans lequel l’annonce faite par deux policiers français vichystes concernant le meurtre de deux officiers nazis facilite la compréhension du contexte. La suite est une présentation indirecte du personnage principal, Rick (joué par Humphrey Bogart) et du lieu qui sera l’endroit fédérateur de l’action, Rick´s Café Américain. Cette introduction, qui oscille entre le document et la fiction, préfigurant d’autres films qui suivront cette méthode, est considérée par certains critiques comme un outil de propagande pour appuyer les efforts des interventionnistes dans le cadre de la seconde guerre mondiale.