Il y a, d’après Hobbes, trois types de conflits : de rivalité, de méfiance et de fierté. La rivalité est un rapport offensif. C’est un conflit créé par la présence d’autrui. Ceci me fait vouloir posséder plus de biens pour me protéger, donc j’attaque. La méfiance se résume à la prise de conscience qu’autrui peut faire la même chose. La fierté, finalement, se joue au niveau de l’honneur. L’homme doit montrer sa fierté, sa puissance pour empêcher que des alliances se forment contre lui. Le problème, à l’État de nature, est qu’il y a une tension constante. L’État de nature est un état de guerre. Si la guerre n’est pas constamment active, il y a toujours un état de méfiance. L’homme veut se mettre en sécurité et être prêt à parier aux attaques des autres. L’homme doit anticiper ses actions et s’entourer de gens qu’il fidélisera par tous les moyens qui s’offrent à lui, de façon à ce qu’il devienne leur maître et ainsi garantir sa sécurité. Cet état n’a peut-être jamais existé. Ce n’est qu’une structure pour ensuite établir sa philosophie politique.
Malheureusement, je ne peux pas m’empêcher de voir une ressemblance avec nos voisins du sud. Les États-Unis ont envahi l’Iraq pour aucune raison apparente. La guerre préventive n’a servi à rien d’autre qu’à apaiser les nerfs du gouvernement américain. Scénario qui aurait facilement pu mener à une guerre de tous contre tous (internationalement parlant), mais les Américains étant l’unique super puissance, rien n’a été fait pour pallier la violation. Si l’on veut citer un exemple de l’ «État de nature » dont parle Hobbes, il faut regarder à l’intérieur des États-Unis. Quiconque a écouté « Bowling for Columbine » de Michael Moore a dû comprendre que le taux d’homicide par arme à feu extrêmement élevé dans le pays est dû à la peur, la crainte.
L’un s’arme parce que son voisin est armé. L’autre charge son arme parce que l’arme de son prochain est chargée et ainsi de suite. Un état de paranoïa, attisé par les médias, existe chez les Américains. Évidemment, les hommes ne sont pas constamment en train de s’entre-tuer, mais tous sont perpétuellement en état d’alerte. Pourquoi ? La rivalité, la méfiance et la fierté. Clairement, cette situation est à proscrire. Il n’y a pas de meilleures preuves que les 11,000 victimes chaque année.
On est loin de la vision de Rousseau! Celui-ci croyait que les toutes premières sociétés étaient fondées sur le modèle familial. Le père représente le chef, les enfants sont le peuple. Ceux-ci, dès qu’ils atteignent l’âge de la raison peuvent se dissocier de la famille. Tous les hommes sont parfaitement libres, mais peuvent sacrifier une partie de leur liberté pour l’utilité (lorsqu’ils s’aident les uns les autres par exemple). Puisque la famille est la première chose qu’un homme connaîtra, celui-ci sera fort probablement enclin à diriger sa vie comme il a appris à la diriger par ses parents. Hobbes ne parle pas de l’apport de la famille dans son œuvre. Il ne parle que de crainte et de méfiance. Il déclare que les humains ne peuvent vivre en paix, si une puissance n’impose pas à tous le respect, respect qui découle de la peur. N’essaie-t-il pas de justifier les guerres de sa patrie (l’Angleterre), qui entre autres était championne de l’esclavage et du colonialisme ? Ce pays, par sa disposition reconnue à la guerre, a maintenu les pays conquis en paix en éliminant ennemis et concurrents pendant des siècles. La société est-elle condamnée à la violence sous prétexte que tous les hommes sont égaux en esprit et pour les tenir en respect l’intervention d’une puissance indivisible est nécessaire ? Pourquoi « la vie humaine est solitaire, misérable, dangereuse et brève » ? Je pense plutôt que c’est le besoin d’appartenance collective, qu’elle soit culturelle, religieuse ou nationale qui crée en nous la peur de l’autre, qui est différent de nous. La violence est engendrée par le prétexte que les êtres n’ont pas la même langue, la même foi ou la même couleur.
L’État de nature mène à la guerre si la sécurité ou la survie est compromise, mais il faudrait d’abord que quelque chose initie un tel état d’alerte : un humanisme ouvert qui refuse à la fois l’uniformisation des sociétés et le repli sur sa communauté serait peut-être une solution. Faut-il pour cela avoir un souverain dépositaire de la justice et des lois ? Hobbes dira que la justice et l’injustice n’ont pas leur place dans cette thèse puisque la justice n’est pas une faculté innée à l’esprit de l’homme. Pour prouver cette idée, il indique que si l’homme était le seul de son espèce, il ne pourrait ressentir aucune injustice car c’est une émotion créée par la société. L’homme seul ne trouvera-t-il pas injuste qu’il est le seul de son espèce ?
Je peux comprendre pourquoi Hobbes a rédigé le Léviathan. L’Angleterre était en guerre sur plusieurs fronts.. Rien ne pouvait paraître pire qu’une guerre de tous contre tous et la nature de l’homme semblait violente et méfiante. Est-ce là une base pour dire que l’État de nature est un état de guerre de chacun contre chacun ? Non, je ne le crois pas. Évidemment, je ne fais pas le poids contre Thomas Hobbes, mais Rousseau, lui, oui. Il est beaucoup plus plausible que la société soit fondée sur l’image de la famille. C’est un élément clef dans la vie de tout individu et Hobbes ne semble pas vouloir en tenir compte; du moins, pas dans le 13e chapitre. Finalement, la conception de la guerre de tous contre tous peut nous paraître distante, lointaine, voir impossible, mais ce n’est pas le cas. L’exemple le plus flagrant est celui des États-Unis qui ont envahi l’Iraq pour trois raisons : rivalité (ressources pétrolières), méfiance (armes de destruction massive) et fierté (guerre contre le terrorisme). Si un autre pays avait la force pour remettre les États-Unis à leur place, le scénario aurait pu très mal tourner et le monde serait devenu un brasier. De plus, on est loin de la paix imposée par une puissance! Si l’on veut un exemple concret de la guerre de tous contre tous, on n’a qu’à regarder les citoyens américains : 11,000 morts par arme à feu par année et une méfiance perpétuelle. La guerre n’est pas dans la nature humaine; la prudence, la méfiance, la crainte et finalement l’intervention préventive sont des propensions acquises, alimentés par différents facteurs dont le besoin d’appartenance collective.
http://www.uoregon.edu/~rbear/hobbes/leviathan.html
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