Thérèse et sa nature sont totalement réprimées par sa tante qui la force à mener sa vie à l’ombre de son cousin chétif. Cette vie est triste, sombre, faite de silence et d’obéissance. Pour ne pas déplaire à sa tante, elle bride sa nature sauvage et adopte «une apparente tranquillité» (page 35) en contradiction à ses pulsions.
Depuis l’âge de dix ans, Thérèse est troublée par des désordres nerveux, dus à la façon dans laquelle elle grandit. Son éducation de «…parler à voix basse, marcher sans faire du bruit, rester immobile sur une chaise,…» (page 35) développe en elle une double personnalité. Elle est calme, humble et refermée sur elle-même. Au lieu de se défendre contre cette vie monotone, peu variée et ennuyeuse (pages 38, 44 et 45), elle se résigne à son sort. Mais de temps à autre, son tempérament nerveux éclate, comme lorsqu’un jour elle se promène avec Camille au bord de la rivière à Vernon «la jeune fille se releva d’un bond, avec une sauvagerie de bête, et la face ardente, les yeux rouges, elle se précipita sur lui (Camille), les deux bras levés» (page 38). Elle a une énergie énorme, mais, «…pendant des heures, elle restait accroupie devant le feu, pensive, regardent les flammes de face, sans baisser les paupières » (page 35).
Thérèse ne s’accommode pas au milieu dans lequel elle vit. L’atmosphère des vieux cartiers de la capitale est insupportable pour elle. L’oppression de l’impasse du Pont-Neuf et de la boutique lui est très sensible: «Thérèse entra dans la boutique où elle allait vivre désormais, il lui sembla qu’elle descendait dans la terre grasse d’une fosse. Une sorte d’écoeurement la prit à la gorge, elle eut des frissons de peur» (page 41). La jeune femme vit dans une insatisfaction profonde. L’incompatibilité radicale qui existe entre son tempérament nerveux et son milieu sombre ne demandent qu’à s’exprimer et sa vie lamentable fait de Thérèse une femme fatale. :
Lors de sa première rencontre avec Laurent, Thérèse est fortement fascinée par sa virilité : «Elle n’avait jamais vu un homme» (page 50). Un autre soir, elle ne descend pas à la mercerie quand Laurent est là parce que «la nature sanguine de ce garçon, sa voix pleine, ses rires gras (…) troublaient la jeune femme et la jetaient dans une sorte d’angoisse nerveuse» (page 54).
Quand Thérèse devient la maîtresse de Laurent, on découvre sa vraie nature qui est éveillée par son amant. «Tous ses instincts de femme nerveuse éclatèrent avec une violence inouïe; le sang de sa mère, ce sang africain qui brûlait ses veines, se mit à couler, à battre furieusement dans son corps maigre, presque vierge encore». Elle se révèle être une amoureuse ardente, frémissante, au grand étonnement de Laurent. Elle est attirée par cet homme fort qui ne ressemble pas du tout à son mari (page 59). «Il s’amassait en elle des orages et des fluides puissants qui devaient éclater plus tard en véritables tempêtes» (page 159). « Dès la première éreinte d’amour, son tempérament sec et voluptueux s’était développé avec une énergie sauvage, elle n’avait vécu que pour la passion» (page 159).
Après le meurtre de Camille, Thérèse change complètement. Elle devient moins forte et elle a des hallucinations. Plus que Laurent, elle est hantée par son geste criminel (page160). Thérèse fuit dans la lecture de romans sentimentaux pour oublier ses angoisses et ses remords. En des scènes pathétiques, Thérèse essaie de demander pardon à Mme Raquin, devenue muette suite d’une paralysie.
Son attitude envers Laurent se transforme. Quand elle apprend qu’elle est enceinte, l’idée d’accoucher d’un enfant de Laurent lui est affreuse. Comme il y a souvent des bagarres entre les deux, elle le provoque jusqu’à ce qu’il lui rentre le pied dans le ventre de sorte qu’elle fait une fausse couche.
Enfin, il y existe une déchéance physique de Thérèse : elle ne se lave plus, ne se peigne plus. Elle s’oublie dans la caresse (page 227). Là encore, le processus de dégradation semble avoir atteint un point de non retour.