Dans cette lutte pour le pouvoir on remarque une forte correspondance entre le contexte politique de 1537 et celui, contemporain à Musset, des années 1830-1833. En effet, Musset masque ses allusion au présent par un retour à l'histoire, et évite ainsi la censure. Après la Restauration (dans Lorenzaccio, l'arrivée du Duc Alexandre de Médicis au pouvoir), il y a de nombreuses répression, les ennemis de la monarchie sont éliminés (dans la pièce de Musset, ces aspects sont symbolisés par la présence des soldats allemands qui sont là pour « calmer le jeu », les bannis de Florence, ainsi que par la « citadelle » mentionné par l'orfèvre dans la scène 2 de l'acte I, qu'il faut faire tomber). Cependant le peuple veut rétablir la république (tout comme dans Lorenzaccio, ou cette volonté de rétablir la république est exprimée par Philippe Strozzi dans la scène 1 de l'acte II), et manifeste cette volonté par la révolution de 1830 en obligeant le roi à s'exiler (dans la pièce, cette révolte est symbolisée par l'assassinat du Duc par Lorenzo). La révolution, dite de Juillet, dure trois journées, dites « Les Trois Glorieuses ». Cependant après la chute de Charles X (et dans Lorenzaccio, l'assassinat du Duc de Médicis) et malgré l'insurrection populaire, il y a rétablissement de la monarchie après de fortes répressions (symbolisé dans la pièce la « centaine d'étudiants massacrés en vain », à la scène 6 de l'acte V). Les députés libéraux comme La Fayette, ancien révolutionnaire, (qui correspondent, dans la pièce, aux républicains), trahissent la république et se rallient aux monarchistes. Louis Philippe est alors appelé au pouvoir (tout comme Côme de Médicis), et on réprime toute forme de rébellion en manipulant le peuple pour qu'il se soumette (scène 5 de l'acte 5, l'orfèvre mentionne le chantage fait au peuple grâce aux victuailles). Ce parallélisme entre la situation politique reconstituée par Musset de Florence en 1537 et celle de la France en 1830 fait de la pièce une critique politique, d'autant plus évidente que Lorenzaccio fut écrit par Musset à la même époque qu'Un mot sur l'art moderne, où il décrit l'écrivain comme un être au dessus du commun des mortels, ayant le pouvoir de montrer à ses contemporains leurs erreurs. Mais il ne peut pas faire changer les choses, et c'est au peuple de décider de le regarder et d'agir, ou de l'ignorer.
Si l'on effectue une lecture biographique de l'œuvre, on peut extraire l'idée d'un théâtre intérieur où Musset projetterait un double de lui-même dont il alimenterait la destinée d'élément de sa propre existence, comme le prouve le parallélisme historique et politique de l'œuvre étudié précédemment. Ce double de lui même serait Lorenzo, personnage central à multiple facette. Apparaît alors l'énigme du moi : Qui est Lorenzo ? Qui est Musset ? Les multiples facettes de Lorenzo appartiennent-elles donc toutes à Musset ? La vision du personnage dépend du point de vue : si certaines personnes de son entourage ne le voient que comme un vil, débauché et corrompu, d'autres, comme le Cardinal Cibo, voient clair dans son jeu (« Vous croyez à cela, Altesse ? [...] Cela est bien fort » concernant l'évanouissement de Lorenzo face à une épée). Sa mère, cependant, nous parle d'un autre Lorenzo, sage et studieux, « un saint amour de la vérité brillant sur ses lèvres » (scène 6 de l'acte I). Tous ces point de vues sont autant de facettes différentes de Lorenzo, qui lui-même ne sait plus réellement lesquelles lui appartiennent, et lesquelles font partie de sa comédie : c'est ce qu'il explique à Philippe Strozzi à la scène 3 de l'acte III. Il fut celui que sa mère décrit, mais après s'être plongé dans la débauche et la corruption pour mieux plaire au duc, il a le sentiment de ne plus pouvoir en sortir, et redevenir l'être pur qu'il était auparavant (« Il est trop tard. Je me suis fait à mon métier. Le vice a été pour moi un vêtement ; maintenant il est collé à ma peau. »). Cependant il semble que Lorenzo ne peut se résoudre à mener une vie de débauche (« J'aime encore le vin et les femmes ; c'est assez, il est vrai, pour faire de moi un débauché, mais ce n'est pas assez pour me donner envie de l'être »). Si Lorenzo, double de Musset, ne sait pas qui il est, alors Musset ne le sait pas non plus. L'écrivain semble avoir mis beaucoup de lui même dans sa créature, et avec tant de force, que l'écriture de cette pièce correspondrait pour Musset au moyen de ne pas laisser s'installer l'image trompeuse qu'il pouvait donner de lui-même. La duplicité de Lorenzo n'est pas que le fait d'un calcul. La métaphore du masque qui colle à la peau semble être le moyen que Musset a trouvé pour interpréter sa propre duplicité. « Veux-tu que je laisse mourir en silence l'énigme de ma vie ? », demande Lorenzo à Philippe (III, 3). Le même souci d'en découdre au moins avec lui-même commande sans doute la composition d'un drame où Musset met en scène ses propres doubles.
La présence de Musset dans Lorenzaccio n'est pas contestable, et est renforcée dans certaines répliques de la mère de Lorenzo, qui l'observe avec le regard triste de la mère de Musset lui-même (ainsi dans l'acte I, l'évocation du fils rentrant du collège, « tout baigné de sueur, avec ses gros livres sous le bras... » apparaît comme un souvenir autobiographique). La dissociation du moi, thème récurent dans l'œuvre de Musset, révèle définitivement sa présence au sein de la pièce. Ces deux moi sont mis en scène dans une dialogue entre Lorenzo et le peintre Tebaldeo et plus encore, à l'intérieur du personnage lui-même, dans l'opposition de ce que fut Lorenzo et de ce qu'il est devenu. Non qu'il faille assimiler sans réserve le Musset de 1833 et l'être odieux dont Florence méprise l'abjection. Mais l'obsession de la débauche, la faiblesse nerveuse, les vertiges, les phénomènes d'autoscopie et l'association de la gouaille et de l'éloquence sont des aspects communs à Lorenzo et à Musset. Lorenzo fait également preuve d'un désabusement personnel très propre à Musset. Il se résout à agir sans illusions sur l'issue de son meurtre : sans illusions d'abord sur les réactions des républicains et les chances de voir Florence délivrée de la tyrannie, mais sans illusions surtout à propos de lui-même. Si Lorenzo annonçait le meurtre du Duc comme la célébration de ses « noces », c'était dans l'espoir de ne plus faire qu'un au grand jour, espoir auquel il semble renoncer bien vite. Mais si Lorenzo est conscient de ce que le masque qu'il portait devant le Duc est devenu son vrai visage, il est surtout rongé par la conscience de la futilité fondamentale de toute chose, au terme de laquelle la débauche paraît une existence possible parmi tant d'autres qui se valent. Tout comme Musset, il regarde les hommes qui l'entourent sans se faire d'illusion, les prenant presque en pitié. Observateur désabusé d'une époque qui l'ennuie, Musset est celui qui dit le mieux le désenchantement de sa génération.
Cependant les arts, exerçant une fascination certaine sur l'écrivain, laissent une profonde empreinte sur l'ensemble de son œuvre. Nombreux sont les écrits qui témoignent d'un rapport conflictuel entre l'artiste et son art. Dans Lorenzaccio en particulier, Musset nous révèle d'abord un double mal dans son époque, en proie à des angoisses et souffrant de solitude, un être qui avait des idéaux mais qui très tôt s'est rendu compte que tout cela n'était qu'utopie et que l’idéal, la pureté de l'art sont inaccessible. Mais cela va à l'encontre des idées habituelles de l'auteur : ainsi la confrontation entre le peintre Tebaldeo et Lorenzo met en fait face à face ses deux visages. Tebaldeo défend en effet les positions sur l'art qui sont les plus coutumières chez l'auteur ; le culte de la Beauté pure, la douleur créatrice. Pourtant les sarcasmes de Lorenzo nous semblent plus convaincants car ils mettent en valeur chez le peintre des contradictions insupportables. Le désarroi des artiste contemporain à Musset seraient représentés par ce couple : la recherche de l'idéal par l'exercice de l'art de Tebaldeo, en contradiction avec la conscience de la nécessité d'agir qu'a Lorenzo. Faut-il penser que Musset remet en question par sa bouche ses propres conceptions de l'art et de l'artiste ? Certes, il sera toujours partisan de l'art pur, mais également torturé par une mauvaise conscience dont nous trouvons des trace dans cette scène à travers les arguments de Lorenzo. En effet, à l'époque où Musset écrit Lorenzaccio, il doit se soumettre au goûts du grand public qui transforme ses œuvres en valeurs marchandes, comme il le mentionne implicitement par les paroles de l'orfèvre dans la pièce (« Si j'étais un grand artiste, j'aimerais les princes, parce qu'eux seuls peuvent faire entreprendre de grands travaux. Les grands artistes n'ont pas de patrie. Moi, je fais des saints ciboires et des poignées d'épée. » scène 5 de l'acte I). La pièce de théâtre nous permet de comprendre la position de Musset par rapport aux enjeux esthétiques qui lui sont contemporains et aux interrogations sur le rôle et le statut de l'artiste et du poète dans la société. L'étude de Lorenzaccio met également en évidence le conflit qui existait à l'époque de Musset entre tragédie et romantisme : ces deux genres théâtraux sont symbolisés dans la pièce par les différents personnages ou groupes de personnes partageant les mêmes idéaux, confrontant deux différentes conceptions de l'esthétique théâtrale et des arts.
Parmi les deux genre théâtraux confrontés dans Lorenzaccio, la famille Strozzi est représentative de l'esthétique classique : nobles représentants républicains, respectés et admirés, les Strozzi constituent en quelque sorte l'élite culturelle de Florence. De par le rôle qui lui est assigné par l'auteur, Philippe Strozzi a une fonction capitale. Sa maîtrise de la rhétorique, sa patience et son calme à toute épreuve, son amour de la liberté, sa droiture, et surtout les valeurs de patriotisme qu'il prône fièrement font de lui un personnage idéalisé. Toutes ses interventions sont marquées d'intelligence et toujours travaillées, et mettent en valeur sa culture. Tous ces aspects de Philippe Strozzi et ses préoccupations morales sont soulignés lors de son monologue à la première scène de l'acte II : il ne se résigne pas à la corruption et pense que l'homme peut s'améliorer. À l'acte I, les Bannis de Florence parlent de lui avec respect et soulignent son patriotisme. À l'acte IV, lorsque son fils, qui se met au service du Roi de France, l'invite à faire de même, il refuse définitivement. En aucun cas le vieillard ne prendrait les armes contre sa patrie : il fait preuve d'une grande modération et d'un grand respect des bienséances propre à sont statut d'idéal florentin. De plus, il est le seul personnage à manifester une conscience politique : étudiant l'Antiquité, il a longuement pensé à une Constitution pour Florence. Mais Philippe Strozzi ne joue aucun rôle dans le devenir de Florence : si l'homme est doté d'un grand courage, si sa droiture inspire le respect, il n'en est pas moins aveugle et sourd à ce qui dérange sa vision d'un monde idéalisé, comme le lui fait remarquer Lorenzo (« Ah ! Vous avez vécu tout seul, Philippe. Pareil à un fanal éclatant, vous êtes resté immobile au bord de l'océan des hommes, et vous avez regardé dans les eaux la réflexion de votre propre lumière ; du fond de votre solitude, vous trouviez l'océan magnifique sous le dais splendide des cieux ; vous ne comptiez pas chaque flot, vous ne jetiez pas la sonde ; vous étiez plein de confiance dans l'ouvrage de Dieu. », scène 3 de l'acte III), aspect systématique du classicisme où le personnage se soumet à son destin et au bon vouloir de dieu. De fait, cette fatalité à laquelle les Strozzi se soumettent leur interdit toute tentative d'agir : à chaque fois qu'ils tentent de prendre réellement part à la révolte d'une autre façon que par des grands discours, ils sont interrompus par un événement tragique. Ainsi, alors que Philippe Strozzi tente de se joindre à un rassemblement révolutionnaire républicain, ses fils Thomas et Pierre sont arrêtés par des officiers du gouvernement, ou bien encore lorsqu'il participe à un rassemblement familial visant à renverser le gouvernement, sa fille Louise est empoisonnée... Fidèle à l'archétype de la tragédie qu'il représente, il se soumet alors à sa destinée et décide d'abandonner tout combat en quittant Florence. Tous ces aspects sont typiques de l'esthétique classique et du respect des règles du théâtre tragique de par le fait que les Strozzi, nobles représentants, incarnent un idéal et transmettent des valeurs par leur rhétorique irréprochable, tout en faisant preuve de modération et en se soumettant à la fatalité dont ils sont victimes.
À l'inverse, le duc Alexandre de Médicis est plutôt représentatif d'une esthétique romantique : libertin menant une vie de débauche, il scandalise le peuple par son non-respect des règles de bienséances. Générateur de désordre à chacune de ses apparition dans la pièce, on remarque dès le tout premier acte sa nervosité, son impatiente, sa brutalité et son manque de contrôle de lui-même. De plus, sa condition sociale contraste énormément avec le langage vert et courant qu'il utilise, et ses lacunes dans la maîtrise de la rhétorique met en valeur son manque de culture et d'éducation (« sacrebleu », « entrailles du pape », scène 1 de l'acte I). Il n'a aucune valeurs de patriotisme, et, bien qu'étant le duc de Florence, il ne fait preuve, à aucun moment, d'aucune conscience politique. Il est l'inverse de Philippe Strozzi et donc de l'idéal du classicisme florentin. Dans la scène 6 du troisième acte, alors qu'il retrouve au lit avec la marquise et qu'il pourrait défendre ses opinions et son gouvernement, il annonce clairement que la politique ne l'intéresse pas et qu'il ne cherche qu'à s'amuser en profitant de son statut ; il dit même lui-même être à l'opposé des Strozzi : « Tout cela me passe bien par la tête ; mais qu'est-ce que je fais donc de si mal ? je vaux bien mes voisins ; je vaux, ma foi, mieux que le pape. Tu me fais penser aux Strozzi avec tous tes discours - et tu sais que je les déteste. Tu veux que je me révolte contre César - César est mon beau-père, ma chère amie. Tu te figures que les Florentins ne m'aiment pas - je suis sûr qu'ils m'aiment, moi. Eh ! parbleu, quand tu aurais raison, de qui veux-tu que j'ai peur ? ». Ses apparition son ponctuées d'un mélange des genres théâtraux : avec son fort penchant pour les femmes et l'absence de modération dont il fait preuve, il a tout d'un personnage comique, mais il peut également se révéler être un personnage tragique étant donné le sort qui l'attend. Le fait que son meurtre se produise sur scène va à l'encontre des règles de la tragédie classique, probablement par soucis de réalisme, et renforce le caractère romantique de son personnage. Avec son caractère original par son espèce de marginalité, il semble illustrer le mal du peuple par le fait qu'il est la personnalisation de la maladie qui touche les dirigeants corrompus, lâches et traîtres de l'époque de Musset : il est d'ailleurs décrit comme tel à la scène 6 du troisième acte (« Écoute ! je te dis que Florence t'appelle sa peste nouvelle, et qu'il n'y a pas une chaumière où ton portrait ne soit collé sur les murailles, avec un coup de couteau dans le cœur. »). En effet, la plupart des citoyens de Florence ne portent pas le duc dans leur cœur : n'ayant accédé à son titre que par concession impériale, Alexandre de Médicis, bâtard de Laurent le Magnifique et d'une esclave mauresque, fut déclaré « duc de la république florentine » et règne alors en tyran. Il réunit donc la plupart des grands aspect du personnage de drame romantique : le mélange de genres, le non-respect des bienséances et enfin l'opposition de son caractère aux stéréotypes classiques. On peut donc dire que le duc Alexandre de Médicis est, dans Lorenzaccio, le personnage typiquement représentatif d'un esthétique classique.
Le personnage de Lorenzo de Médicis est complexe et incarne en lui-même de nombreuses contradictions. On notera tout d'abord que l'aspect de son personnage qu'il dévoile à Philippe Strozzi à la scène 3 de l'acte III et que sa mère lui connaissait plus jeune, la partie de lui-même sage et studieuse, pure, qu'il dissimule aux yeux de tous pour gagner la confiance du duc, respecte les caractéristiques du héros de la tragédie classique. Tout au long de la pièce, il fait preuve d'une excellent maîtrise de la rhétorique ; de plus, ayant été un enfant très studieux, il semble avoir de nombreuses connaissances, notamment concernant la Grèce et la Rome Antiques, preuves incontestables de son éducation et de sa culture. Tout comme un héros tragique, il doit également se soumettre à son destin, bien qu'il en soit conscient puisqu'il se l'est imposé à lui-même : celui de tuer le Duc. Il est donc soumit à une forme de fatalité, par le fait qu'il sait qu'il est condamné à provoquer la mort d'Alexandre : on peut ici établir un parallélisme avec le personnage romantique d'Hamlet. Mais alors qu'Hamlet feint simplement la folie, Lorenzo sombre réellement et définitivement dans la débauche... Lorenzo réunit en effet de nombreux traits propres au personnage romantique : on remarquera tout d'abord que, ne respectant pas les règles de bienséances, il s'adonne à la débauche en compagnie du duc corrompu. Le vice dont il est souillé est indélébile et lui colle littéralement à la peau à l'image d'un vêtement dont il ne peut plus se débarrasser. Cependant il ne souhait pas se rabaisser à vivre une vie de débauche : il « J'aime encore le vin et les femmes ; c'est assez, il est vrai, pour faire de moi un débauché, mais ce n'est pas assez pour me donner envie de l'être ». Lorenzo ne peut plus revenir en arrière, il ne peut qu'atteindre son but, la mort du Duc, même s'il doute de l'utilité de son geste. La part extérieur de Lorenzo manifeste d'une esthétique romantique, et il est d'ailleurs associé au duc tout au long de la pièce par les florentins. En effet, on porte sur eux un regard vertueux scandalisé face à leur mépris des bienséances, et ils sont souvent regardés, ensembles, d'un mauvais œil. Lorenzo est comme l'ombre du duc, l'accompagnant dans ses aventures libertines et l'aidant à débaucher les jeunes femmes. Tout comme le duc, Lorenzo est comparée à une maladie dans la scène 5 de l'acte II (« Dites ce que vous voudrez, j'étouffe dans cette chambre de voir une pareille lèpre se trainer sur nos fauteuils. »), triste double d'un personnage vulgaire et méprisé par le peuple. Ainsi en se rapprochant du duc pour mieux l'assassiner, Lorenzo à été comme contaminé par sa souillure, qui lui a créée une façade, un masque dont il ne peut plus se débarrasser : c'est sa part de romantisme. Lorsque Musset le fait assassiner le duc sur scène, c'est pour renforcer la part du réel, mais aussi parce que c'est l'un des critères du héros romantique. Le mélange des genres de registre qu'il utilise varie selon celui à qui il s'adresse, créant une dramaturgie du désordre : s'il s'adresse au duc, il n'hésitera pas à se servir d'un langage courant et fais souvent preuve d'humour, laissant apparaître le registre du comique, tandis que s'il se parle à lui-même ou à Philippe Strozzi, c'est sa part de classicisme qui prend le dessus, et avec elle, le registre du tragique. Lorenzo est donc un personnage complexe, à apparence romantique mais au fond classique, qui est probablement la clé qui permet de comprendre la position de Musset par rapport aux enjeux esthétiques qui lui sont contemporains, et par rapport au conflit tragédie classique et romantisme.
La lecture de Lorenzaccio par Loïc Chotard rend bien compte de la pièce écrite par Alfred de Musset : en effet, tout les aspects qu'il énonce, qu'ils soient politiques et historiques, biographiques ou esthétiques, son bien abordés au court du livre. Sa lecture et donc complète et exacte, et rend compte d'absolument tous les aspects importants.
Si l'on a coutume de considérer Lorenzaccio comme le prototype du drame romantique, la lecture de Chotard nous rappelle la grande liberté que Musset affirme avant tout, et nous suggère d'y regarder de plus près : on remarque alors que Musset nous expose en réalité sa propre opinion concernant le débat théâtrale qui oppose la tragédie classique au drame romantique. D'autant plus que l'écriture de Lorenzaccio est contemporaine à celle de son article De la tragédie, ou le poète manifeste clairement qu'il se résigne mal au clivage qui s'installe entre les deux genres. Affirmer que « Si donc Florence représente le théâtre, gouverner Florence c'est trancher le débat sur l'art dramatique » serait amplifier l'effet recherché par Musset ; en effet, c'est tout de même le côté « bon » de Lorenzo qui reste classique, bien qu'il ne puisse plus se débarrasser de son enveloppe romantique, et cela prouve bien que sans classicisme, le théâtre et son personnage ne pourraient exister. Cependant après que Lorenzo ai assassiné le duc, et par là, le romantisme, il devient « plus creux et plus vide qu’une statue de fer blanc. ». On peut donc dire que la conclusion du « débat esthétique sur l'avenir du théâtre », dont Lorenzo serait à la fois le problème et la clé est que, selon Musset, le romantisme et le classicisme ne peuvent exister l'un sans l'autre.
D'autre part, si Lorenzaccio apparaît clairement comme un drame historique étant donné ses sources, il n'est selon moi par réellement un drame politique : bien qu'on puisse tirer des leçons du parallélisme entre l'époque où se déroule la pièce et celle où Musset l'écrit, la pièce tend pourtant à montrer l'impossibilité d'un tel drame. Les valeurs de libertés, de patriotisme ou de dignité sur lesquelles ce drame politique pourrait se fonder ne dirigent malheureusement pas les actions humaines, tout comme le découvre Lorenzo à son plus grand dam : « l’humanité souleva sa robe et me montra, comme à un adepte digne d’elle, sa monstrueuse nudité ».
Contrairement à Philippe Strozzi, le jeune homme ne s'est pas complu dans l'illusion de la bonté de la nature humaine. La réflexion amère qu'effectue ici Alfred de Musset sur la vanité de toute action humaine illustre ses sentiments et sa rancœur concernant la révolution ratée de Juillet 1830. La lecture biographique de l'œuvre nous révèle l'ampleur de ce que Musset donné de lui-même à Lorenzo, ainsi qu'aux autres personnages de la pièce, en projetant sur la scène de son théâtre intérieur ce double de lui-même, révélant une vision pessimiste et déçue de l'humanité.
Chotard, mentionnant tous ces différents aspects de la pièce lors de sa lecture de Lorenzaccio, rend parfaitement compte de la pièce d'Alfred de Musset et permet une analyse remarquable de cette dernière. Cependant même si sa lecture aide à la compréhension des enjeux moraux de la pièce, le personnage de Lorenzo reste très complexe : qui est-il réellement ? Comment définir son identité, son statut et son rôle ? En quoi son rôle fait de lui un personnage qui influe sur la dramaturgie de la pièce ? Autant de question auxquelles il ne reste qu'à répondre...