Lorenzaccio - Commentaire partir d'une citation de Loc Chotard

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JEAN Léonie

TL1

« Sur le manuscrit de Lorenzaccio, Musset a porté un sous-titre qui ne fut pas imprimé : "pièce de théâtre". Sans doute cette formule renvoie-t-elle à la traduction proposée par Barante du "Ein Schauspiel" de Schiller dans Les Brigands. Mais également on est tenté d'y voir l'indice que le théâtre est au cœur même de la pièce de Musset. L'intrigue principale de Lorenzaccio, la lutte pour le pouvoir entre les Républicains et le Duc dont Lorenzo est le pivot, épouse singulièrement le débat esthétique sur l'avenir du théâtre. Rappelons d'ailleurs que la rédaction de Lorenzaccio est exactement contemporaine de celle de Un mot sur l'art moderne.

On décrit couramment l'arrière plan politique de Lorenzaccio comme une conspiration cherchant à renverser Alexandre de Médicis et établir la République. Il serait plus exact de parler d'un rétablissement, car c'est le Duc qui apparaît en fait comme un usurpateur imposé de l'extérieur, ainsi que le déclare Bindo à Lorenzo : " Le despotisme des Médicis n'est ni juste ni tolérable. De quel droit laisserions-nous s’élever paisiblement cette maison orgueilleuse sur les ruines de nos privilèges ? " Dépositaires de la tradition florentine, les républicains ont une attitude comparable à celles des spectateurs " restés fidèles à la littérature classique " que Musset évoque dans sont article De la tragédie... et qui, devant le triomphe de Rachel, " proclament une révolution, ou pour mieux dire, une restauration ". Si donc Florence représente le théâtre, gouverner Florence c'est trancher le débat sur l'art dramatique. Le conflit entre les républicains et le Duc recouvre celui qui oppose la tragédie au drame. »

Le théâtre à l'essai, Loïc Chotard (SEDES, 1990)

→ En quoi cette lecture de Lorenzaccio rend-elle compte de la pièce écrite par Alfred de Musset ?

LORENZACCIO

        Lorenzaccio est un drame romantique historique en 5 actes écrit par Alfred de Musset en 1833, sur une idée de George Sand, qui lui avait fait lire son manuscrit Une conspiration en 1537 au cours de leur liaison. Il est publié en août 1834 dans Un Spectacle dans un fauteuil. Musset appartient au mouvement du romantisme, qui se développe en France au cours du XIX siècle en réaction à la régularité classique jugée trop rigide et au rationalisme des siècles antérieurs.

La pièce de théâtre nous dévoile une Florence meurtrie et débauchée, où évolue le héros romantique de la pièce, Lorenzo de Médicis. L'action qui se déroule en janvier 1537 est inspirée d'élèvements réels racontés dans une chronique de la Renaissance de Benedetto Varchi sur la vie de Florence au XVIe siècle.

Dans Le théâtre à l'essai, Loïc Chotard décrit Lorenzaccio comme une pièce emblématique, par le combat entre le Duc et les Républicains, de la lutte entre romantisme et classicisme. Il s'agirait d'un « débat esthétique sur l'avenir du théâtre », dont Lorenzo serait à la fois le problème et la clé. Cependant Chotard nous rappelle également l'importance des sources historiques de Lorenzaccio, ainsi que la correspondance de ces sources avec la situation politique contemporaine de Musset. De la même manière, il met en valeur l'aspect autobiographique de la pièce, nous suggérant une lecture attentive de cette dernière en le prenant en compte. En quoi cette lecture de Lorenzaccio rend-elle compte de la pièce écrite par Alfred de Musset ?

Pour tenter de répondre à cette question, nous commencerons par effectuer un lecture politique et historique de l'œuvre, et pour cela nous nous pencherons sur la reconstitution historique dont fait preuve Musset dans Lorenzaccio ainsi que sur sa réflexion critique, puis sur le parallélisme de la lutte pour le pouvoir de l'époque avec celle contemporaine de Musset. Puis après avoir étudié l'aspect biographique de l'œuvre, et par là l'idée du « théâtre intérieur » ainsi que la présence du désordre, symbolique de l'état d'esprit de Musset, et des arts, qu'il apprécie beaucoup, nous nous pencherons sur une lecture plus esthétique de l'œuvre, où après avoir comparé le classicisme des Strozzi et le romantisme du Duc, nous analyserons la symbolique du personnage de Lorenzaccio.

        Dans Lorenzaccio, Musset effectue une reconstitution esthétique remarquable, tirée de l'œuvre de Benedetto Varchi. Les Chroniques florentines de ce dernier relatives au meurtre du duc Alexandre de Médicis par Lorenzo ne furent publiées qu'en 1723. C'est George Sand, on le sait, qui s'en inspira la première pour composer son récit Une conspiration en 1537. Elle fit ensuite cadeau de l'idée à Musset, qui consulta lui aussi de près le texte de Varchi. Musset respecte globalement les faits réels, même s'il « brode » quelque peu autour de ceux-ci pour en faire une histoire. Les personnages ont véritablement existé, ainsi que leur actes : né en 1514, Lorenzo de Médicis, ou Lorenzaccio (le « mauvais Laurent ») comme il sera éloquemment rebaptisé par la suite, est le fils de Pierre-François de Médicis et, à ce titre, cousin du duc Alexandre. Personnage ambigu, il feint d’éprouver de la sympathie pour ce dernier, dont il devient l’espion et l’homme de confiance. En réalité il nourrit le dessein de parvenir à la gloire d’un nouveau Brutus en l'assassinant. Dans les faits tout comme dans la pièce d'Alfred de Musset, ce geste n’aura aucun effet du point de vue politique : dans les moments qui suivent la mort du tyran, les adversaires des Médicis se montrent incertains et divisés. La Florence d'alors, divisée, miséreuse, à la débauche et corrompue aussi  bien politiquement que dans ses mœurs, est parfaitement dépeinte dans le Lorenzaccio de Musset. Les évènements réels, tels que  le règne d'Alexandre de Médicis qui fut déclaré « duc de la république florentine », les tentatives de renversement de son gouvernement par les Strozzi, ou encore le climat d'agitation sociale et politique, renforce l'effet de « couleur locale » que cherche à donner Alfred de Musset à sa pièce. L'époque devient parlante pour ses contemporains grâce à la reconstitution historique qu'il parvient à créer.

        On remarque qu'il fait également preuve d'une réflexion critique de la politique et de la lutte pour le pouvoir, qui est implicitement contenu dans les paroles et les actes des différents personnages de la pièce. La marquise, tout d'abord, sacrifie sa vertu pour le bien de la République. Dans la scène 6 de l'acte III, elle cède aux avances du Duc Alexandre et accepte de passer du statut de femme aimante à celui de femme adultère. En devenant sa maîtresse, elle espère pouvoir lui ouvrir les yeux sur la situation de Florence, et lui faire changer sa manière de gouverner la ville en le faisant prendre la tête des républicains et en s'affranchissant de ses mauvais conseillers : il pourrait ainsi libérer Florence de la domination allemande et obtenir la postérité. Cependant ce projet de la Marquise échoue, Alexandre étant peu réceptif au longs discours. On peut ici remarquer une certaine correspondance entre Lorenzo et la Marquise Cibo, où elle deviendrait le double féminin de Lorenzo : en effet, tout deux souhaitent le triomphe des républicains et sacrifient leur vertu à cette cause. De plus, leurs actions sont pour tout deux vaines. Les Strozzi, eux, représente le camp des républicains hostiles à la tyrannie et s’opposent violemment au duc. Cependant, cette opposition se résume à beaucoup de grands discours et très peu d'action. Il y a une opposition entre deux personnages au sein même des Strozzi : en effet, Philippe Strozzi se contente de parler (on le remarque notamment au cours de la scène 2 de l'acte III, où il fait un long discours concernant la république avant de se décider à suivre Pierre) tandis que Pierre, son fils, « grand comme la vengeance », et impétueux, cherche le conflit en permanence. Chaque fois que l'un d'entre eux se résout à agir, son action est interrompue par un événement tragique : on le remarque d'ailleurs à la scène 3 de l'acte III, où lorsque Philippe s'est enfin décidé à agir avec ses fils, ces dernier sont arrêtés par des officiers.  Ruccellaï, seigneur républicain, est le seul seigneur à se rebeller contre le conseil des Huit après l'assassinat du Duc, il est le seul qui est réellement décidé à se rebeller. Lorenzo blâme lui-même les grands discours des Strozzi alors qu'il s'apprête à commettre le meurtre du Duc : « Si les républicains étaient des hommes, quelle révolution demain dans la ville ! Mais Pierre [Strozzi] est un ambitieux; les Ruccellaï seuls valent quelque chose. - Ah ! les mots, les mots, les éternelles paroles ! S'il y a quelqu'un là- haut, il doit bien rire de nous tous; cela est très comique, vraiment. »

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        Dans cette lutte pour le pouvoir on remarque une forte correspondance entre le contexte politique de 1537 et celui, contemporain à Musset, des années 1830-1833. En effet, Musset masque ses allusion au présent par un retour à l'histoire, et évite ainsi la censure. Après la Restauration (dans Lorenzaccio, l'arrivée du Duc Alexandre de Médicis au pouvoir), il y a de nombreuses répression, les ennemis de la monarchie sont éliminés (dans la pièce de Musset, ces aspects sont symbolisés par la présence des soldats allemands qui sont là pour « calmer le jeu », les bannis de ...

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